Par Sandrine Pierrefeu – Avant son départ vers le Nord à bord d’un Baluchon toujours aussi petit « mais transformé en mieux », nous avons retrouvé Yann Quenet près de Saint-Brieuc en pleins préparatifs sur sa coque de 4 mètres. Rencontre avec un homme heureux qui a fait de la frugalité et de la simplicité sa liberté.
Depuis les marches de la descente de Baluchon, on a l’impression de s’être transformé en géant. De cette position – la seule possible pour se tenir debout sur, enfin dans, le voilier de Yann Quenet – on peut : mouiller l’ancre et son morceau de chaîne en le frappant sur un bout à poste dans le passe-avant ; y tourner une amarre ; prendre un coffre ; réduire, amener, border ou choquer la voile ; régler le régulateur d’allure ; barrer, et même, démâter. Pas besoin de se déplacer. « C’est l’avantage ! » se marre, espiègle, le concepteur du mini navire ultra malin. Ça tombe bien qu’il n’y ait pas besoin de se déplacer car vu la stabilité de la coque de noix blanche et rouge et la surface de son pont, marcher jusqu’à l’étrave, au large, serait scabreux. Yann préfère jouer les géants depuis le milieu de sa coque d’où il manœuvre et goûte le bonheur du large.
« Il y a plein de choses à faire en mer, surtout sur un bateau aussi simple que presque rien ne peut tomber en panne ! On a tout son temps pour regarder la mer, observer les oiseaux, guetter les changements du ciel, de l’eau, discuter avec les poissons… » Quand il n’est pas debout, le corps à demi sorti du capot, il ferme le panneau pour dormir, lire, « cuisiner » des nouilles chinoises, manger des sardines en boîtes ou laisser passer le gros temps en écoutant de la musique ou des podcasts.
Un mètre de plus en longueur, c'est beaucoup d'ennuis
Dans la version améliorée de son voilier, il pourra même verrouiller complètement le panneau sans s’asphyxier ni subir d’entrées d’eau de mer comme lors du précédent voyage, et ce grâce aux nouvelles manches à air souples montées de part et d’autre du sabord : des morceaux de tuyaux mous que les vagues écraseront et fermeront mais qui reprendront forme et usage entre deux paquets d’écume.
Astucieux. Mais pourquoi vouloir à tout prix voyager si loin et si longtemps sur un tel esquif ? « Cette taille répond à plusieurs critères : une donnée essentielle pour mon projet était que je souhaitais un bateau très, très rapide à construire. Le temps que tu passes en atelier, c’est autant de temps où tu n’es pas en mer. On se fait toujours avoir par les travaux qui n’en finissent pas ! On essaie d’imaginer et de résoudre tous les problèmes à l’avance, alors que les choses, de toute façon, ne se passeront pas comme on l’a prévu. En fait, chaque situation comprend ses propres solutions. On les découvre une fois qu’on y est, pas la peine de tout compliquer à l’avance ! » Les yeux marron s’éclipsent, gênés d’avoir parlé si longtemps.
Yann Quenet est aussi déterminé que timide, même s’il jure avoir progressé en sociabilité depuis qu’il parcourt le monde. « Grâce à Baluchon, c’est lui la star ! » Même quand il parle de son bateau, « son alter ego marin », il faut relancer souvent le quinquagénaire pour qu’il se dévoile. Si on l’interroge vraiment sur son drôle de choix, il finit par se faire prolixe : « Il me fallait donc un voilier prêt en quelques mois. Or un mètre de longueur en plus, c’est beaucoup d’ennuis, de matériaux et de travail supplémentaires. Beaucoup. La progression est exponentielle ! Mon projet devait aussi être le moins coûteux possible car gagner des sous, c’est… perdre du temps quand tu pourrais être heureux en mer ! Je préfère l’inconfort en mer plutôt que celui de devoir travailler à terre pour gagner des sous et acheter des mètres de flottaison en plus et plein de choses inutiles. » Les choses inutiles, Yann les a évaluées et éliminées peu à peu, au fil des années consacrées à élever son garçon, travailler à la DDE de Limoges puis de Saint-Brieuc, et à naviguer sur ses trois premiers voiliers.
Il tire ses premiers bords sur la Loire en autodidacte absolu
À peine sorti de sa formation de métreur et de dessinateur en bâtiment, il met ses maigres économies dans un Muscadet installé sur la Loire. Il vit à bord, le temps de retaper le voilier en travaillant en intérim. À la fois fou de joie et terrifié, il largue finalement les amarres et descend la Loire. Il tire ses premiers bords sur le fleuve « en autodidacte absolu » : jusque-là, il n’avait jamais hissé une voile autrement que par procuration, dans ses lectures, ou dans ses rêves. « Je ne savais pas comment faire. Je voyais juste que les autres se débrouillaient mieux que moi, alors j’observais les bateaux autour. J’ai appris comme ça, chemin faisant. »
Il débouche sur l’Atlantique et cabote vers la Bretagne en mettant à profit les notions apprises au service militaire. « J’ai eu la chance d’avoir été pris dans la Marine. J’avais demandé à naviguer, si possible outre-mer, et ils m’ont envoyé en Polynésie sur l’aviso escorteur Balny. Ils ne devaient vraiment avoir personne d’autre sous la main pour me choisir ! Je me suis dit : c’est le moment ou jamais d’apprendre à faire un nœud de chaise ! »
Pendant cette année embarquée entre les îles du Pacifique et l’Amérique latine, quand il n’est pas à son poste de veilleur radar, il observe les navigateurs en passerelle. « Je ne disais rien. Je me faisais tout petit, mais je regardais comment les officiers manipulaient le sextant, puis, par-dessus leurs épaules, comment ils notaient leurs résultats, traçaient des routes, etc. Si je leur avais demandé des explications, ils m’auraient répondu, c’est sûr, mais je n’osais pas poser de questions. »
Quelques années et pas mal de ronds dans l’eau plus tard, Yann acquiert une frégate en bois de 9 mètres – un plan Herbulot – qui « pourrissait plus vite qu’il n’arrivait à le réparer » et lui « coûtait fort cher ». En 2008, il part à son bord, un an, seul autour de l’Atlantique pour apprendre à naviguer « en attendant un vrai voyage ». Là, il se rend compte que : « Plein de choses ne servent à rien sur un aussi grand bateau. Je n’allais presque jamais sur le pont, ni dans la cabine avant, ni dans le cockpit, qui n’était pas très confortable, ni dans la cabine arrière. Je passais tout mon temps debout dans la descente. Tout cet espace, j’aurais pu m’en passer et faire le même voyage avec un bateau moitié moins grand. Je me suis donc mis à chercher un petit voilier de voyage, mais je n’en trouvais pas. Tout le monde voulait du confort ! »
Embarquer en équipage paraît impensable au jeune homme
Il revend finalement la frégate, quitte son emploi et crée le chantier Boat et Koad, où il entreprend de concevoir de petites coques. « Mon idée était surtout de dessiner des bateaux minimalistes, amusants mais néanmoins géniaux, et de proposer ces plans à des chantiers ou à des amateurs qui les construiraient eux-mêmes. » Son garçon entamera bientôt un cursus de compagnon du devoir et quittera le giron paternel. Yann Quenet prévoit d’en profiter pour décoller et entamer ce grand voyage en solo dont il rêve depuis ses 16 ans. C’est l’âge auquel il a quitté la maison familiale de Nantes pour arriver, avec son sac de pensionnaire, à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, où il va passer son bac professionnel.
Yann n’a jamais vécu au bord de l’océan. Il reste en arrêt devant le petit port vendéen. L’Atlantique scintille derrière la digue, les bateaux de pêche se dandinent. Le cri des mouettes et l’ambiance du port saisissent l’adolescent. Quand il pousse la porte de la bibliothèque municipale, l’employée l’aborde sans qu’il ait rien demandé et lui lance : « Si vous aimez les bateaux, nous venons de rentrer plein de livres de mer ! » Pour ne pas la décevoir, il la suit dans les rayonnages et repart les bras chargés de récits. Quelques heures plus tard, la plume de Jacques-Yves Le Toumelin l’a embarqué. « Je suis tout de suite parti naviguer avec lui et son vieux gréement plein de charme. Il voyageait seul, sans rien demander à personne. Ses poèmes racontaient la beauté du large… Je rêvais tellement d’être à sa place ! Ça me donnait des frissons. Une vraie révélation ! Moi qui peinais à faire ma place au milieu des autres, j’avais trouvé le truc qu’il me fallait : ce serait la mer ou rien ! » Restait à savoir comment s’y prendre.
Embarquer en équipage paraît impensable au jeune homme, malhabile depuis l’enfance dans les rapports avec ses pairs. Avec les animaux, les arbres, ou même les outils, Yann entretient des relations simples et joyeuses. Avec les humains, c’est plus difficile. « Pour être accepté sur un bateau, il aurait fallu connaître du monde dans le milieu maritime. Ce n’était pas mon cas. L’idée de demander à quelqu’un m’était inaccessible. Quant à commencer, comme n’importe qui, par m’inscrire dans une école de voile, c’était inimaginable pour des raisons de budget et de tempérament. »
Yann devient un habitué de la bibliothèque de Saint-Gilles. Il choisit les récits dont les aventures lui permettent de s’identifier au héros : « J’adorais les journaux de bord de voyages plutôt contemporains, ni trop anciens, ni trop complexes, qui m’aidaient à donner corps à mes rêves. C’est toujours le cas d’ailleurs, je lis très peu de romans. » Dans ces ouvrages, le jeune homme apprend le vocabulaire et les enjeux des grandes traversées. Il se passionne aussi pour les coques et les gréements. Les plans de navires qu’il y déniche donnent sens aux cours de dessins qu’il suit au lycée et aux matières techniques qu’on lui enseigne.
Grâce à Harry Pidgeon, il découvre les voiliers traditionnels américains
« À force de lire ces récits de navigateurs solitaires, j’en suis arrivé à la conclusion que la seule solution pour moi était de trouver un bateau pas trop compliqué, voire de m’en fabriquer un et de partir en mer seul. » Yann Quenet n’a de cesse, dès lors, de réfléchir à son bateau de voyage. « Depuis tout gosse, j’adorais bricoler et cogiter des astuces techniques. Dès que j’ai compris que j’allais partir en mer, j’ai commencé à dessiner des voiliers. » Il pense appareiller aussitôt ses études et sa conscription achevées mais la paternité le cueille dans sa vingtaine. Le départ est donc différé de… deux décennies. Un délai qui lui donne le temps d’acquérir de l’expérience et des idées qu’il développe dans un hangar de Saint-Brieuc. Il continue aujourd’hui d’y concevoir des voiliers minuscules et performants dont les plans sont en vente à tout petit prix. Quand il n’est pas en voyage, en plus de cette activité de conception, il construit chaque année, pour des clients ou des copains, des annexes et des pièces en bois ou en bois composite – avirons, gouvernails… – sur-mesure.
« Je dessinais des centaines de bateaux en cherchant l’inspiration dans les récits et les articles de mer. Je regardais aussi beaucoup du côté des bateaux traditionnels et de travail, qui me paraissaient efficaces et élégants. En lisant Harry Pidgeon et en découvrant son Islander à bouchain unique, j’ai commencé à sortir de mon idée de coque en forme, comme nous en faisons en Europe depuis des siècles. Harry Pidgeon vivait en Californie en 1910. Il a imaginé un bateau efficace, sans préjugé. Son voilier a été beaucoup décrié. Même Le Toumelin le jugeait horrible. Moi, j’ai trouvé son idée géniale. Sa coque a fait ses preuves, je ne la trouvais pas laide du tout et surtout, elle était facile à construire ! »
Yann se penche alors sur les voiliers traditionnels d’outre-Atlantique. Il découvre les cat-boats de travail de la côte est des États-Unis et leur gréement à voile unique. « Ces bateaux à fonds plats, très légers, m’ont beaucoup plu. Ils m’ont semblé tellement décomplexés et intelligents ! Ils sortaient du paradigme de nos bateaux en forme, plutôt lourds et toujours dotés d’un foc, même pour les misainiers. »
Cette nouvelle façon d’aborder le cahier des charges de son futur navire enchante le bricoleur en quête de simplicité. « Comme je suis un parfait autodidacte, en tant aussi bien que designer, constructeur ou navigateur, j’avais un gros avantage par rapport à des confrères ayant de longues expériences dans leurs domaines respectifs : je n’étais pas influencé par un système de pensée créé par les habitudes et les conventions. Je pouvais me proposer à moi-même des variantes de plus en plus simples des plans de mon bateau, sans être complexé par le sentiment de dévalorisation de mon travail et de connaissances acquises au prix d’un long effort. Je pouvais m’autoriser des compromis extrêmes, synthétiser tous les paramètres et les difficultés sans avoir besoin d’organiser des réunions sans fin ni me fâcher avec moi-même pour des broutilles, ni être confronté aux sempiternels problèmes d’ego présents dans tout travail d’équipe. »
Il réinvente en quelque sorte l’Optimist mais en mode hauturier
À partir de ses observations et exigences, Yann innove sans complexe et produit une carène qu’il imagine glisser sur les vagues comme une cuillère et leur échapper comme un bouchon… Cette coque de 4,30 mètres hors-tout est dotée d’un mât non haubané et tournant sur lui-même pour permettre de réduire sa voile unique. « J’ai, en quelque sorte, réinventé l’Optimist, mais en mode hauturier ! »
À bord de la première version de son mini voilier, Scrowl, le navigateur prend le départ de Bretagne vers La Corogne à l’été 2015. Retourné par une vague, le bateau ne se redresse pas et Yann est secouru par un cargo. Terriblement embarrassé d’avoir conduit d’autres marins à se détourner et à prendre des risques pour lui à cause de ses envies d’évasion, il reprend ses calculs et dote la quille de son navire suivant, Baluchon, d’un saumon lesté et d’un arceau rempli de mousse, assez haut pour lui conférer un excellent couple de redressement.
Trois ans après cet abandon, Yann charge le voilier sur une remorque et l’amène à Lisbonne – la latitude approximative à laquelle il s’est retourné avec Scrowl. Au printemps 2019, il prend un nouveau départ aussi discret que possible pour éviter les moqueries et les éventuels désagréments administratifs. Naturellement, son voilier ne cadre pas avec les normes et règlements régissant la navigation au long cours. Pourtant, le nouveau petit bateau est doté sur presque toute sa carène d’une double coque et Yann le juge insubmersible. Il ne se retournera pas une seule fois pendant son tour du monde.
Revenu en Bretagne à l’été 2022, plus heureux que jamais, il a modifié son Baluchon à la lumière des 30 000 milles parcourus et s’apprête à repartir pour une nouvelle circumnavigation solitaire. Grâce aux doubles quilles escamotables et au safran démontable qu’il y a ajoutés, Yann peut échouer facilement, sans demander de l’aide. Lui qui entend voyager le plus longtemps possible, il espère ainsi gagner en autonomie, économiser des frais de port ou de manutention « inutiles » et être en mesure de sortir Baluchon de l’eau dans des endroits dépourvus d’infrastructures.
S'est-il équipé pour l'Arctique ? "Pas encore, on verra bien ! Là où il faut froid, on trouve des sacs de couchage et ds habits adaptés."
Il vise le Nord, cette fois. Car en plus des récits de mer, la bibliothécaire de Saint-Gilles-Croix-de-Vie a glissé quelques livres de Jack London dans son sac de lycéen. Assez pour lui donner envie de poser son bateau dans une crique forestière du Canada et jouer les trappeurs un hiver. « Je rêve de me construire une cabane, d’hiverner dans la forêt, d’avoir un bonnet en peau de castor… J’aimerais ensuite traverser l’Amérique en chargeant Baluchon sur un train ou une remorque, voire le tracter avec des chiens dans la neige, façon traîneau ! » Une fois sur la côte du Pacifique, il aimerait reprendre la mer et continuer le périple vers le sud, en ne s’arrêtant que lorsqu’il faudra vraiment avitailler à nouveau en nouilles chinoises et en boîtes de sardines. Sinon, il resterait en mer : « C’est là que je suis bien. »
Puisqu’il faudra faire escale – une nécessité dont il s’accommode toutefois de mieux en mieux –, il aimerait, si ce n’était trop demander à la bonne fortune, traverser le continent australien, qu’il a manqué au premier voyage pour cause de Covid. Mais pour commencer, il espère rallier les Açores au printemps, puis atteindre Saint-Pierre-et-Miquelon avant le début du mois de juillet 2024. Et si l’occasion météo ne se présente pas : « Aucun stress, j’hivernerai aux Canaries pour tenter à nouveau ma chance vers le Canada l’été d’après. »
S’est-il équipé pour l’Arctique ? « Pas encore, on verra bien ! Là où il fait froid, on trouve des sacs de couchage et des habits adaptés, non ? J’essaie de ne pas m’en faire. Pour l’instant, j’ai surtout essayé d’alléger le bagage en embarquant encore moins de choses : quelques habits, peut-être mon vieux ciré mais il est assez abîmé, la liseuse, une frontale, peut-être deux, une seule batterie au lieu de deux… pas de cartes marines, juste une application de navigation sur mon téléphone et un GPS à piles, suffisants pour le large. Je déteste le cabotage ! Avec le dessalinisateur manuel, je suis autonome en eau douce, même s’il débite peu et au prix d’efforts soutenus. Que demander de plus ? »
À quoi a-t-il employé ses dernières semaines à terre ? À préparer le bateau, faire des essais et courir les salons du livres ou de films d’aventure, où il présente son ouvrage Le Tour du monde avec mon « Baluchon » : « Un texte écrit avec simplicité, pour montrer que ce que je fais est à la portée de tout le monde. Il s’adresse au lecteur de 16 ans que j’étais… » Il commente aussi aux quatre coins de France le film Quatre mètres autour du monde, qui rafle de nombreux prix dans les festivals où il est convié. Partout, il s’étonne de l’enthousiasme, des applaudissements et de l’admiration qu’il suscite. Tant de chaleur l’intimide encore mais il se réjouit, à ces occasions, « d’avoir la chance de rencontrer de vrais marins et de vrais aventuriers ». Une aubaine, vraiment, pour celui qui ne fait que « se balader sur un bateau d’enfant pour s’amuser »…
Baluchon 2.0 : En route pour un nouveau tour du monde
Grâce à son premier tour du monde, le navigateur a décidé d’apporter des modifications à son « petit bouchon ». La taille hors-tout de 4,30 mètres et la largeur au maître-beau d’1,63 mètre n’ont pas changé, pas plus que le mât, la voile et le système de tangons latéraux destinés à éloigner le point d’écoute pour naviguer au portant. Plusieurs sabords ont cependant été enlevés pour réduire la perméabilité thermique des œuvres mortes.
Le pied de mât a été modifié pour permettre au navigateur d’incliner seul son espar en mer et de démâter sans danger. La quille unique a été remplacée par deux quilles latérales pourvues de saumons. Elles sont escamotables de l’intérieur du bateau, grâce à huit boulons. Les quilles ainsi relevées permettent au navire de se poser sans danger et de manière stable. Pour sortir le voilier de l’eau et le tracter sur la carène, Yann Quenet a prévu d’ôter complètement ces quilles par le dessous et de les amener le long du bord. Le safran, désormais suspendu et compensé, peut lui aussi être déposé en mer.
Un arceau de redressement plus haut et plus volumineux, rempli de mousse à cellules fermées – une mousse d’isolation du bâtiment – compensera l’ajout de poids et de surface dans les bas pour offrir au voilier un couple de redressement encore meilleur.
À l’intérieur, l’ajout des puits dans lesquels sont glissés les deux quilles à réduit l’espace vital et amené le navigateur à repenser son organisation. Il a doublé la coque sur toute la surface mouillée et s’est ainsi constitué une réserve de flottabilité supplémentaire, ainsi qu’une double paroi d’abordage complète. Les bidons d’eau, auparavant stockés le long de la couchette ont été remplacés par deux tuyaux de PVC, contenant chacun 30 litres, « assez pour traverser l’Atlantique ! » Le soufflet de cardan de voiture qui sert à étanchéifier le passage de la barre intérieure a été changé. Les deux batteries du premier départ ont été remplacées par un unique accu de 30Ah, moins lourd. L’installation électrique a été très simplifiée et le navigateur s’est débarrassé du pilote électrique et de l’ordinateur portable. Le régulateur maison saura tenir la barre sans autre énergie que le vent quand la godille sculptée aux Marquises servira de moteur auxiliaire au navigateur. Qui dit moins ?