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Les 470 en compétition aux JO de Londres de 2012. ©Dorset Media Service/Alamy Banque d'Images

Par Maud Lénée-Corrèze – Cent ans après la dernière olympiade française, le pays accueille à nouveau les Jeux. L’occasion de revenir sur l’histoire et l’évolution des supports olympiques pour les épreuves de voile, qui se dérouleront cet été à Marseille. De la jauge Godinet à la planche à voile IQFoil, les supports choisis par les pays membres et le comité olympique reflètent des choix politiques, mais aussi les tendances du monde du yachting, puis de la voile sportive.

Cet été, du 28 juillet au 8 août, la rade de Marseille s’animera avec les nombreuses épreuves olympiques de voile prévues dans le cadre des Jeux de Paris 2024. Après cent ans d’attente, la France accueille à nouveau les olympiades, mais les athlètes vont s’affronter sur des supports nautiques bien différents de ceux sur lesquels ils ont couru en 1924 à Meulan ou au Havre. Car sur les vingt-sept éditions des JO qui ont comporté des épreuves de voile, les bateaux sélectionnés ont beaucoup évolué, comme le monde du yachting : si les premiers étaient plutôt à déplacement lourd, tels les 6 m JI, les Jeux 2024 ne comptent plus aucun quillard, tandis que trois supports sont dotés de foils (le Nacra 17, la planche à voile IQFoil et le Formula Kite). Conséquence de cet allègement, ou volonté de satisfaire les spectateurs, les courses se ont aussi été raccourcies et se sont rapprochées des côtes.

Mais commençons par le commencement… Les épreuves de voile ayant été annulées en 1896 à Athènes à cause d’un vent trop fort, les premières compétitions se déroulent à Paris en 1900 : les athlètes courent sur des bateaux de la jauge Godinet, qui classe les unités en fonction du nombre de tonneaux, c’est-à-dire de leur volume. Les plus petits, jusqu’à 10 tonneaux, régatent sur la Seine à Meulan, lors de courses assez courtes pour l’époque (de 4 à 10 milles), encadrées par le Cercle de la voile de Paris (CVP).

C’est notamment lors de ces épreuves qu’une femme, Hélène de Pourtalès, remporte pour la première fois la médaille d’or à la barre de son 2-tonneaux Lérina, avec son mari et neveu pour équipiers. Les plus grosses unités s’affrontent lors de courses organisées au Havre, qui durent quelques heures et couvrent une distance maximum de 40 milles.

Mais dès les Jeux de 1908 – ceux de 1904 ne comportaient pas d’épreuves de voile –, la jauge Godinet est remplacée par la Jauge internationale, tout juste élaborée. Hébergées par le Royaume-Uni, les régates de 6 m JI, 7 m JI et 8 m JI ont lieu près de l’île de Wight et celles de 12 m JI au nord-ouest de l’Écosse, à Hunters Quay.

Entraînement de Monotype national (plan Gaston Grenier de 1921) aux Mureaux, fief du Cercle de la voile de Paris, organisateur des Jeux de Paris de 1900 et de 1924, où figure cette série. ©Cercle de la voile de Paris

La Jauge internationale s’impose aux JO et, pendant deux éditions, aucune autre jauge ou type ne vient la concurrencer. Ce n’est qu’en 1920 à Amsterdam et Ostende que les premiers dériveurs sont introduits : les Dinghy 18 pieds et, surtout, 12 pieds. Ce dernier est un petit canot à clin de 3,66 mètres de long sur 1,42 mètre de large, né au Royaume-Uni en 1913, sous le crayon de George Cockshott pour un concours organisé par la Boat Racing Association ; celle-ci cherche alors à favoriser l’émergence d’un petit bateau pour populariser les sports nautiques.

En effet, en Grande-Bretagne, le yachting se pratique à cette époque soit à bord de grandes unités, apanage d’une élite rassemblée au sein de la Royal Yachting Association, soit sur des Dinghy de 14 pieds, de vrais bolides de course, mais trop onéreux pour attirer beaucoup de monde. Le Dinghy 12 pieds, relativement moins cher à la construction, connaîtra un engouement après la Première Guerre mondiale, ce qui lui vaut donc d’être au programme des JO de 1920.

Des épreuves de voiles de qualité aux jeux de 1928

Ces Olympiades, cependant, ne le mettront pas en valeur, pas plus d’ailleurs que les autres unités, car les Jeux d’Amsterdam souffrent d’un nombre trop élevé de classes – treize au total – pour un nombre limité de bateau : ainsi, la classe des Dinghy 18 pieds n’a qu’un seul concurrent, le représentant du Royaume-Uni ! Le reste des épreuves est à l’avenant…

Le Comité olympique tirera les leçons de cette malheureuse expérience : pour les JO suivants, ceux de 1924 en France, il ne retient que trois classes, les 6 m JI, 8 m JI, dont les épreuves seront disputées au Havre, et le Monotype national, dessiné par Gaston Grenier en 1921, spécialement conçu pour entraîner les équipages olympiques. Les athlètes courront pour la première fois en solitaire sur ce dériveur, long de 5 mètres sur 2 mètres de large, gréé de 20,17 mètres carrés de voile, devenu vite populaire sur les plans d’eau fermés.

À cette époque, le pays hôte a tendance à imposer un support bien connu chez lui sans se demander si c’est le cas ailleurs, d’où des débuts marqués par une certaine inconstance, notamment dans le choix des dériveurs : le Dinghy 12 pieds revient ainsi aux JO d’Amsterdam de 1928. Cette édition est la première à connaître des épreuves de voile de qualité si l’on en juge par le nombre d’athlètes, de bateaux et de pays, ainsi que par les conditions de navigation.

Le Star, nouvelle star des JO pendant près de 80 ans

Après Hélène de Pourtalès en 1900, puis Ella Maillart en Monotype national en 1924, qui représentent la Suisse, une troisième femme se fait remarquer aux JO de 1928, la Française Virginie Hériot, médaille d’or avec son Aile VI, un 8 m JI. Un premier quillard monotype viendra faire vaciller le règne des bateaux de la Jauge internationale lors des Jeux de 1932 à Los Angeles : le Star, dessiné par l’Américain Francis Sweisguth. Conçu en 1911, mesurant 6,90 mètres de long sur 1,70 mètre de large, doté d’une voile houari, puis d’un gréement de sloup bermudien, il devient populaire aux États-Unis dès 1919 sur le Long Island Sound.

Le mathématicien Charles Stanley Ogilvy, fervent adepte des Star, raconte dans le magazine Starlights de janvier 1986 que si le Star est d’abord prévu pour être présenté « en exposition » aux JO, « il est très vite inclus dans le programme grâce aux nombreux efforts de l’organisation de la classe et de la récente North American Yacht Racing Union (1927). » La classe des Star dominera, malgré quelques soubresauts dans les années 1970, « portée par un lobby des grands gabarits assez important au sein de l’International Yacht Racing Union (IYRU) [la seule instance décisionnaire pour les Jeux d’après-guerre] », affirme Henry Bacchini, vice-président de la FFV, qui a travaillé sur l’histoire de la voile aux Jeux.

Régate de Star aux JO de Londres de 1948, à Torbay. Le Star 2570 Hilarious (à gauche), mené par Hilary Smart et Paul Smart, remporte la médaille d'or. ©PA Images/Alamy Banque d'Images

Dans l’immédiat après-guerre, un autre quillard à trois équipiers apparaît dans le programme : le Dragon, une unité de 8,90 mètres de long sur 1,96 mètre de large. Conçu par l’architecte norvégien Johan Anker lors d’un concours organisé par le Royal Gothenburg Yacht-Club en 1927, ce plan est pensé d’emblée pour la régate et la petite croisière, avec deux couchettes sous un petit rouf. Il commence à naviguer au Danemark, aux Pays-Bas et en Allemagne, avant de franchir les frontières du yachting britannique, d’abord en Écosse, sur la Clyde, puis à Cowes. Il se modernise après la Seconde Guerre mondiale en adoptant un génois à la place du foc, ce qui porte la voilure de 20 à 27 mètres carrés, et en recevant un spi. L’IYRU le choisit pour les JO de 1948, organisés par le Royaume-Uni.

L'arrivée du Dragon aux JO de 1948

Pour une raison certainement connue de la Royal Yachting Association, qui organise les Jeux de Londres de 1948, les épreuves de voile sont réservées aux hommes… alors que le meilleur équipage anglais de Dragon de l’époque est mené par une femme. Bien que Mrs Pritchard se soit qualifiée pour participer aux JO, on lui demande de laisser la barre à un homme, ce qu’elle refuse net, entraînant le retrait de ses équipiers de la compétition, et privant le Royaume-Uni d’une médaille. L’arrivée de ce quillard venu du froid dans les épreuves olympiques va le faire connaître en France, où aucune unité n’a encore été construite.

Afin de préparer les athlètes, le Yacht-club de France commande des Dragon et, après les JO, la série connaît un véritable succès dans l’Hexagone, avec la fondation d’une association. À la fin des années 1950, le pays compte une centaine d’unités. Même si le Dragon n’est plus une série olympique depuis 1972, il reste très apprécié en France, où il est au cœur de nombreuses régates. Du côté de la Jauge internationale, les 6 m JI, jugés trop coûteux, sont remisés dans les hangars après les JO d’Helsinki de 1952. Ils sont remplacés par les 5,5 m JI, qui leur étaient déjà préférés sur les autres compétitions internationales.

Les Dragon aux Jeux de 1948. On reconnaît l'Anglais Ceres II (K 203), l'Argentin Pampero (A 1) et le Français Allegro (F 1). C'est la Norvège qui remportera la médaille d'or. ©PA Images/Alamy Banque d'Images

Après-guerre, la volonté de démocratiser la voile encourage l’essor de séries plus abordables. Les responsables des JO suivent la tendance, malgré des luttes d’influence au sein de l’IYRU, notamment en faveur des plus grands gabarits. « Pour le Star, mais aussi le Finn [dériveur en solitaire de 4,50 mètres de long sur 1,47 mètre de large] qui arrive en 1952 à Helsinki, la présence de finnistes et staristes aux plus hauts postes de l’IYRU pendant des années entraîne une domination des pays nordiques, où l’on retrouve les plus gros gabarits », souligne encore Henry Bacchini.

Le Finn ne séduit pas d’emblée, mais finit par obtenir l’aval des juges

Le Finn est conçu par le Suédois Rickard Sarby à l’occasion d’un concours organisé par la Finnish Yachting Association en 1949 qui cherche un remplaçant au Firefly d’Uffa Fox, choisi pour les JO de 1948. Si les matériaux de construction sont libres, l’association impose une longueur et un bau à la flottaison, respectivement, de 4,50 mètres et de 1,50 mètre, et une surface de voilure de 10 mètres carrés avec un mât creux. Le Finn de Rickard Sarby ne séduit pas d’emblée le jury qui lui préfère d’abord une autre unité, le Pricken. Mais le Finn se fera remarquer lors des régates de sélection pour les Jeux et finira par obtenir l’aval des juges… un choix judicieux puisqu’il y restera jusqu’en 2020. Ce support réussira particulièrement à un athlète danois, Paul Elvstrøm, qui remporte trois fois de suite l’or en Finn entre 1952 et 1960.

Le Danois Paul Elvstrøm, médaille d'or en Firefly, en solitaire aux Jeux de 1948 à Londres. ©PA Images/Alamy Banque d'Images

Aux JO de 1960 en Italie, les épreuves de voile se déroulent dans le golfe de Naples : une nouvelle unité apparaît encore, le Flying Dutchman (FD), un dériveur pour deux, long de 6,06 mètres sur 1,78 mètre de large, dessiné par Uus Van Essen et Conrad Gülcher en 1951. C’est sur cette unité que les frères Yves et Marc Pajot remportent la médaille d’argent aux Jeux de Munich de 1972. « Le Flying Dutchman est un bateau très exigeant physiquement, car le génois a une grande surface [8,4 mètres carrés, avec un spi de 21 mètres carrés et une grand-voile de 10,20 mètres carrés], raconte Marc Pajot. Mon frère et moi étions un peu légers comme gabarits. Nous avions alors 18, 19 ans. Aux sélections, on a un peu créé la surprise d’ailleurs, et encore plus en remportant une médaille. Mais nous nous étions bien préparés pendant deux ans avec deux amis à La Baule qui venaient passer le week-end avec nous, et on naviguait depuis nos 14 ans sur des 470, 5O5, FD… À l’époque, c’était le début de la fédération, rien n’était vraiment organisé, nous n’avions pas l’encadrement d’aujourd’hui. »

Avec Serge Maury, qui décroche l’or en Finn également à Munich, ce sont les premiers Français médaillés depuis 1932, où Jacques Lebrun avait remporté la médaille d’or en Snowbird. Peu à peu, suivant l’évolution des techniques, les unités olympiques sont construites en matériaux composites, tandis que les anciennes séries, plus lourdes, sont abandonnées. Ainsi le 5,5 m JI perd son statut olympique après 1964, marquant du même coup la fin de la suprématie de la Jauge internationale sur les Jeux. Il en sera de même pour le Dragon qui est remplacé en 1976, aux Jeux de Kingston au Canada, par le Soling, un quillard à trois équipiers conçu par le Norvégien Jan Linge.

Les multicoques s'imposent avec le catamaran Tornado

D’autres classes résistent, à l’instar du Star, même si sa place est régulièrement remise en question : dès les années 1960, la rumeur qu’il serait remplacé par le Tempest circule dans les couloirs du Comité olympique – le Tempest est un quillard monotype, long de 6,70 mètres et large de 1,97 mètre, conçu par Ian Proctor. Par la voix de son président, Frank Gordon, l’association du Star proteste : « Pour ceux qui considèrent que les Jeux sont une opportunité de tester les compétences des athlètes plutôt que leurs équipements, cette recommandation [remplacer le Star par le Tempest aux jeux de 1972] ne paraît pas bonne. […] Les classes des JO devraient être sélectionnées parmi celles qui sont les plus populaires, sous l’égide d’une classe bien organisée et présente dans de nombreux pays du monde. Le Tempest et le Soling ne remplissent pas encore ces critères. » Si le Star perd effectivement face au Tempest en 1976, il retrouve bien vite sa place dès 1980, et la gardera jusqu’en 2012…

Lors de ces mêmes épreuves canadiennes de voile, organisées sur le lac Ontario, on assiste à l’arrivée des multicoques, qui ont progressivement obtenu leurs titres de noblesse au cours des années 1960. À Kingston, c’est le Tornado qui les représente. Ce catamaran, long de 6,09 mètres et large de 3,08 mètres, a été conçu dans les années 1960 par un quatuor constitué de Rodney March pour les plans, d’Austin Farrar pour les voiles, de Terry Pearce pour l’équipement et de Reg White pour la construction ! Les performances du Tornado sont exceptionnelles : il peut remonter au près à plus de 15 nœuds et tutoyer les 30 nœuds au portant.

« C’est un albatros, témoigne Nicolas Hénard, médaille d’or en Tornado avec Jean-Yves Le Déroff en 1988 et Yves Loday en 1992. Je venais du Laser, et le passage d’un dériveur au Tornado n’était pas si abrupte. Ce n’était pas comme un catamaran, plutôt comme un dériveur, mais les sensations étaient décuplées. La France a dominé la classe pendant une bonne décennie. Ce qui était bien, c’était qu’il ne fallait pas de gros gabarits : à mon époque, le barreur devait faire entre 55 et 65 kilos et l’équipier autour de 70 kilos. Ça a changé avec l’arrivée du spi et des doubles trapèzes, où les deux coureurs pouvaient être plus similaires. »

Les Australiens Darren Bundock et Glenn Ashby aux JO de Pékin de 2008 en Tornado, à Qingdao sur la mer Jaune, où ils remportent l'argent, derrière les Espagnols Anton Paz et Fernando Echavarri. ©PA Images/Alamy Banque d'Images

La planche à voile à Séoul 1984, l'« engin de plage » aux JO

Toujours aux JO de Kingston en 1976, le 470 (4,70 mètres de long et 1,69 mètre de large) de l’architecte naval français André Cornu fait aussi une entrée triomphale dans la catégorie des dériveurs en équipage double. Cette consécration va dynamiser encore davantage une série déjà bien vivante : 4 800 bateaux sont alors construits en France, et dix nouvelles nations s’inscrivent au championnat pour se préparer aux épreuves olympiques. Il est désormais adopté par les familles, les clubs, les centres de vacances, les comités d’entreprise et… même par l’armée ! Le « 4-7 » constitue une formidable école pour toute une génération et tient toujours sa place, animant de nos jours une communauté de sportifs très dynamique dans de nombreux pays.

C’est aux Jeux de 1984 à Los Angeles qu’une nouvelle venue se présente : la planche à voile, née dans les années 1970, dont la paternité est discutée, mais pas l’engouement auprès des sportifs, qui sont alors de plus en plus nombreux à l’utiliser. La Winglider, le modèle choisi pour les Jeux, conçu par Fred Osterman, avec 6,50 mètres carrés de voile, sera vite remplacée par la Lechner A-390 de Georg Lechner qui porte 7,30 mètres carrés de voile. Parfois qualifiées d’« engins de plage », la place des planches aux JO est souvent débattue, confie Henry Bacchini.

Au chapitre des nouveautés inscrites aux Jeux de Séoul, en 1988, le public découvre les premières épreuves non-mixtes de l’histoire des Jeux qui se déroulent sur 470. Quatre ans plus tard, en 1992 à Barcelone, une unité est pour la première fois réservée aux femmes : le Moth Europe, un dériveur de 3,35 mètres de long sur 1,38 mètre de large, dessinée en 1960 par le Belge Aloïs Roland. Si les autres supports (Finn, Flying Dutchman, Tornado, Star et Soling) restent mixtes, les hommes sont toujours majoritaires dans les équipages.

La véliplanchiste française Faustine Merret gravit les marches très vite

En 1996, à Savannah aux États-Unis, le Laser (aujourd’hui baptisé ILCA), dont les premières unités ont été construites en 1969, passe les tests pour accéder au statut olympique. S’il reste ouvert aux équipages mixtes, les femmes sont peu nombreuses, d’où la décision en 2008 de leur réserver une épreuve avec une version moins toilée – 5,80 mètres carrés pour le Laser radial contre 7,06 mètres carrés pour le standard.

Au cours des Jeux de 1996, la planche à voile Lechner est remplacée par la Mistral – 3,72 mètres de long, 0,63 mètre de large, 7,40 mètres carrés de voile. « L’introduction de la planche à voile aux Jeux a permis à ce sport de sortir un peu de l’ombre, précise Faustine Merret, médaille d’or aux JO d’Athènes de 2004. Au début, les parcours étaient assez longs, environ 30 à 40 minutes par épreuve, et on en avait deux à trois pendant six jours. »

La Française Faustine Merret (à droite) aux JO de Pékin en planche à voile RS:X. Quatre ans auparavant, elle avait remporté l'or en Mistral.

Entrée relativement tard dans le milieu, la véliplanchiste française gravit les marches très vite, avant de se heurter aux sélections des Jeux de 2000 : « Tout le monde me voyait aux JO, j’étais première mondiale en 1999, je dominais au niveau national, mais je n’ai pas été sélectionnée. Je découvrais les Jeux olympiques et je ne mesurais pas encore l’ambition qu’il fallait pour y participer. Quand j’ai vu que je n’étais pas sélectionnée, je me suis dit : “Dans quatre ans, j’y vais”. Et pendant ces quatre ans, je n’ai fait que ça. Même si le support est un monotype pour la planche, chaque voile, chaque mât est différent. On joue là-dessus et sur nos sensations, qui sont très fines. »

« Pour l’IQ Foil, il faut des gabarits grands et lourds »

En 2000, toujours à Sydney, un nouveau venu vient chambouler la voile, le 49er, ou « forty-niner », un dériveur léger, lancé en 1996, conçu par Julian Bethwaite qui s’inspire des 18 pieds australiens : 4,99 mètres de long, 1,75 mètre de large pour 54,10 mètres carrés de voile au portant. « Il était bien plus rapide et excitant que les autres supports de l’époque, affirme Ben Remocker, le responsable de la classe des 49er. Je crois qu’à l’arrivée de ce monotype, on a atteint une sorte de point de basculement, car ce bateau est très exigeant, il faut être très bien coordonné. » Les équipiers se tiennent en effet debout en équilibre, les pieds posés sur le bord des ailes.

Une version réservée aux femmes, le 49er FX, est introduite aux Jeux de 2016. « L’édition 2024 est la première édition avec une parité complète hommes-femmes des médailles aux épreuves de voile », ajoute Henry Bacchini qui a bataillé en ce sens. Pour la planche à voile, il y a aussi des changements cette année : « Pour l’IQFoil, il faut des gabarits grands et lourds afin de garantir un bon couple de rappel, explique Faustine Merret. Mais tout le monde ne peut pas changer comme ça de gabarit, alors certains s’en sont détournés. Ce qui change aussi cette année, ce sont les formats de course : il va y en avoir de 3 à 4 minutes, mais on aura aussi une épreuve d’une heure et demie. Là, il va falloir travailler sur son endurance… Je pense que ça va être assez spectaculaire. »

Sans oublier l’arrivée du kitesurf, devenu discipline olympique cette année, symbole que les Jeux continuent à s’adapter aux dernières tendances. On dit même que les Wingfoil seront présents aux olympiades de Brisbane en 2032… ◼

ENCADRÉS

Virginie Hériot championne olympique

C’est à 38 ans que Virginie Hériot décroche le 9 août 1928 une médaille d’or aux Jeux d’Amsterdam avec son 8 m JI Aile VI. Quand la reine Juliana des Pays-Bas lui remet le trophée, c’est l’apothéose de sa carrière de régatière : « Ma victoire olympique fut très belle. […] Je dus combattre le doute, le temps, la routine, la supériorité, la muflerie, la fatigue et la maladie. J’ai donné, comme dans une bataille, ma vie pour avoir la victoire. »

Virginie Hériot et ses équipiers sur Aile VI. ©Albert Harlingue/Roger-Viollet

Sur le plan d’eau du Zuiderzee, les 8 m JI ont enchaîné deux régates d’entraînement, sept journées olympiques, ainsi que trois courses pour la coupe d’Italie. Levés à 6 h 10, Virginie et ses équipiers se rendent en taxi à Sixhaven, où un remorqueur les prend à 8 h 30 pour les amener sur le plan d’eau, un trajet de trois à quatre heures selon le vent. À bord, il y a deux jeux de voile, et l’on envergue au dernier moment celui qui convient à la météo du jour. Juste avant la course, trois matelots débarquent avec le youyou et les voiles inutiles. Le départ est donné à 12 h 30 et l’épreuve dure quatre à cinq heures sur un parcours en forme de triangle de 2 milles de côté qu’il faut parcourir trois fois. La course achevée, le remorqueur ramène les concurrents à Amsterdam à 13 milles du parcours olympique. Virginie regagne sa pension vers 20 heures, tandis que trois de ses marins restent dormir à bord.

Huit pays s’affrontent : France, Italie, Norvège, Angleterre, États-Unis, Argentine, Pays-Bas et Suède. La cohue dans l’écluse a raison de la peinture blanche d’Aile VI, « devenue un échantillon de palette ». « Sur le 8 m français l’Aile, rapporte Virginie Hériot dans Service à la mer, par mauvais temps, l’équipe ressemblait, avec ses cirés disparates jaunes et noirs, à une poignée de Bretons qui auraient fait la pêche ! À bord, une femme : la seule à courir les finales. » Avant la dernière course, la France, les Pays-Bas et la Suède ont gagné chacun deux manches. Donatien Bouché, qui barre Aile VI, remporte l’épreuve décisive – avec en prime la coupe d’Italie.

L’architecte naval Pierre Arbaut, et le chantier de la Hève, au Havre, ont construit cinq des voiliers de la Dame de la mer, dont Aile VI, mis à l’eau le 21 avril, peu avant les JO. C’est le seul qui navigue encore : il appartient à une société de quirataires de Noirmoutier et fait partie du Cercle de la voile du bois de la Chaise. N. C.

Les olympiades de 1900

Sur les quais de Seine, les fringantes Parisiennes portent ombrelles et caressent le pavé de leurs crinolines en admirant des bateaux aux garde-robes encore plus étoffées, ceux de la jauge Godinet, qui n’ont duré qu’une olympiade. En 1900, les Français ont cueilli seize médailles, un record jamais égalé depuis.

L’inventeur de ladite jauge, Auguste Godinet, est parmi les compétiteurs sur Favorite, dans la catégorie des 2-3 tonneaux avec trois autres équipiers ; il régate avec un couturier fameux, Jacques Doucet, collectionneur fou de manuscrits rares et d’œuvres d’art. En 1900, leur Favorite leur rapporte l’argent – quand ce genre de créatures en faisait souvent dépenser… Dans la série des 1-2 tonneaux, c’est Martha qui s’approprie l’argent : Charles Hugo, petit-fils du grand Victor, fait partie des équipiers. On note aussi que dans la plus petite catégorie, jusqu’à un demi-tonneau de jauge, la France fait carton plein avec l’or, l’argent et le bronze.

L’or est adjugé à un artiste peintre, Pierre Gervais, membre du Cercle de la voile de Paris qui court sur Baby. Dans la même classe, Jean-Baptiste Charcot, futur explorateur et commandant du Pourquoi Pas ?, est double médaillé d’argent avec Quand même. Ce voilier appartient à François Texier, fils du constructeur éponyme, lui-même concepteur du monotype de Chatou, qui est à bord lors de ces épreuves avec son frère Auguste. Le quatrième larron, Robert Linzeler, est un orfèvre : il a dessiné la coupe de l’Exposition universelle de 1900 et le trophée de la One Ton Cup du CVP l’année passée.

En bronze, enfin, l’architecte Gaston Cailleux en découd avec Sarcelle à Henri Monnot, un négociant en broderie qui, s’émancipant du tout-puissant CVP, créera le Club nautique de Chatou en 1902… N. C.

Les champions français depuis 1908

Après les Jeux de 1900, en 1908, à Londres, Henry Arthus, Louis Potheau et Pierre Rabot remportent le bronze sur le 6 m JI Guyoni. À Stockholm en 1912, Amédée Thubé, avec ses frères Gaston et Jacques, repartent avec l’or sur le 6 m JI Mac Miche. À Anvers en 1920, Félix Picon, Robert Monier et Albert Weil décrochent l’argent sur le 6 m SI Rose Pompon, tandis qu’en 1924 à Paris, Louis Charles Breguet et ses équipiers remportent le bronze en 8 m JI, ce support qui vaut l’or en 1928 à Virginie Hériot. À Los Angeles en 1932, Jacques Lebrun s’attribue l’or en Snowbird ; il participe aussi aux JO de 1936, 1948, 1952 et 1960 – et sera champion du monde en 505 en 1956. Aux JO de Munich en 1972, les frères Yves et Marc Pajot de La Baule, remportent l’argent sur Flying Dutchman ; ils reviennent aux JO de 1976, mais se classent huitièmes. Marc Pajot remportera la Route du Rhum en 1982 et représentera la France à la coupe de l’America, tandis que son frère s’occupera des catamarans de croisière de la société Fountaine-Pajot. En 1972 aussi, Serge Maury remporte l’or en Finn… sur le bateau n° 13 dont personne ne voulait ! Il revient en 1976, mais se classe dixième, ce qui l’incite sans doute à retourner à son métier de tonnelier dans le Bordelais.

Georges Pompidou salue les champions Yves et Marc Pajot, médailles d'argent en Flying Dutchman, et Serge Maury, médaille d'or en Finn, aux JO de Munich de 1972. ©Pierre Guillaud/AFP

À Los Angeles en 1984, Thierry Péponnet et Luc Pillot s’adjugent la troisième place en 470. Quand ils reviennent à Séoul quatre ans plus tard, toujours en 470, c’est pour la médaille d’or. Tous deux sont restés dans le monde de la voile de haut niveau. À Séoul en 1988, une seconde médaille d’or est attribuée à Jean-Yves Le Déroff et Nicolas Hénard qui courent sur Tornado. Ils survolent les épreuves au point de se dispenser de courir la dernière, ayant déjà acquis la victoire ! Nicolas Hénard remporte à nouveau l’or, avec Yves Loday, un coureur venu du large, toujours sur Tornado à Barcelone en 1992. Loday est devenu architecte naval et construit des catamarans de sport.

À Athènes en 2004, une médaille de bronze récompense Pascal Rambeau et Xavier Rohart sur Star. Ils sont toujours dans le milieu de la voile, l’un au sein de la FFV, le second à la Star Sailor League qu’il a fondée. À Pékin en 2008, Guillaume Florent décroche le bronze sur Finn ; depuis, il a été navigateur sur la Coupe de l’America, adjoint aux sports du maire de Dunkerque et travaille aujourd’hui sur l’application des matériaux composites à la construction navale.

Toujours aux JO de Pékin en 2008, les deux amis Nicolas Charbonnier et Olivier Bausset s’attribuent le bronze en 470 pour leur première participation à une olympiade. À Londres en 2012, Jonathan Lobert décroche le bronze sur Finn. À Rio de Janeiro en 2016, Camille Lecointre et Hélène Defrance sont médaillées de bronze sur 470. À Tokyo en 2021, la même Camille Lecointre, en double avec Aloïse Retornaz, remporte la médaille de bronze sur 470. Si Aloïse vogue maintenant dans le circuit de la Coupe de l’America, Camille, qui a fêté ses 39 ans en février, est sélectionnée pour les JO 2024 où elle sera associée à Jérémie Mion en 470. Ce dériveur, introduit aux JO en 1960, devient mixte pour la première fois cette année. Sans oublier les performances en planche à voile, avec les médailles d’or de Franck David (1992), Faustine Merret (2004) et Charline Picon (2016) ; celles d’argent de Julien Bontemps (2008), Charline Picon et Thomas Goyard (2021), et, enfin, de bronze pour Pierre Le Coq (2016)... N. C.