Le sloup du bas Léon est parfaitement adapté à un littoral rendu difficile par les plateaux de roche qui le bordent, les courants de marée, les houles prononcées, les brumes épaisses en été.

Dessin sloup du bas Léon
Sloup du bas Léon. © J. P. Guillou

Jusqu’au début du XIXe siècle, la récolte des algues de rive et d’épave occupe une bonne partie des populations littorales bretonnes, sans nécessiter de moyens particuliers de transport. A partir de 1880, l’industrie de l’iode réclame des tonnages de laminaires de plus en plus importants. Dès lors, l’exploitation se concentre sur les rives occidentales de la Bretagne et réclame des embarcations spécifiques où la récolte se fait du bord.

Le type des bateaux du bas Léon se rattache à un modèle unique, le sloup. Au début du XXe siècle, ce bateau, avec de légères variantes, est utilisé pour la pêche des crustacés (au Conquet ou à l’Aber-Wrac’h), pour la pêche du lieu (à Portsall), pour la pêche du mulet (à Trémazan ou à Tréglonou), et enfin pour la coupe des algues sur l’ensemble du littoral bas léonard.

C’est un bateau creux, de 5 à 8 mètres, à tableau incliné, bordé sur membrures. Il possède deux bancs, avant et arrière, qui rigidifient l’ensemble. Le fond est vaigré sur les goémoniers, tandis que les pêcheurs préfèrent une plate-forme horizontale amovible. Toutes les unités possèdent un petit plancher à l’avant et à l’arrière de part et d’autres des bancs. Les aménagements sont réduits au minimum. Le gréement est très simple. Les plus petites unités ne se déplacent qu’à l’aviron. Le mât en sapin, appuyé et maintenu sur le banc par une clef, est fiché dans une emplanture fixée à la carlingue ; sa longueur excède celle du bateau d’un pied ou deux. Sa tenue est assurée par un étai mobile rejoignant l’étrave et par deux haubans, parfois doublés sur les caseyeurs. La voilure de base se compose d’une grand voile et d’une trinquette endraillée sur l’étai. La bôme dépasse largement le tableau. Au travail, il n’utilise généralement que ces deux voiles ; en route, un bout-dehors peut être établi pour envoyer un foc. Certains ajoutent un flèche, toujours utilisé lors des régates.

 

Sloups en plaisance
Petits sloups de pêche-plaisance à Porspaul. © J.M. Roignant

S’exerçant essentiellement à partir de Portsall, la pêche au lieu jaune est la plus noble. Les bateaux, avec en général trois marins à bord, partent en groupe pour pêcher à la ligne sur les basses entre Sein et Batz. Un bateau revient journellement à Portsall déposer la pêche du groupe, d’où il repart avec des vivres frais et de la gravette blanche, l’appât pour la pêche.

Pour la récolte du goémon, les bateaux travaillent dans un mètre ou deux d’eau. La coupe réclame la mise en service d’outils à longs manches qui imposent de tout amener. L’ensemble mât et guicorne est disposé sur le plat-bord opposé au bord de travail. Le bateau est au mouillage, les déplacements se font aux avirons. Chaque été, la flottille se disperse sur le littoral, poussant parfois jusqu’aux Glénan et à Bréhat ; on embarque souvent cheval et charrette.

La pêche des crustacés, langoustes et homards, se pratique de mars à fin septembre et se fait aux casiers. Les cordes sont largement pratiquées par les pêcheurs en hiver, essentiellement pour le congre. Pour la pêche au mulet, les sennes, les filets maillants et tournants sont aussi utilisés. Dans certains ports, c’est même la seule pêche pratiquée, comme à Tréglonou, où une communauté de pêcheurs vit en famille sur le bateau, reste en mer toute la semaine, et cabane le soir dans une crique.

A partir de 1935 environ, la motorisation se répand, d’abord sur les bateaux de pêche, puis, à -partir de 1955, sur les goémoniers.