En janvier 2021, le chalutier Breiz a sombré lors de son remorquage par le canot SNSM de Ouistreham. Les trois jeunes marins du Breiz ont perdu la vie dans ce naufrage.
Nous sommes tous extrêmement touchés par cette tragédie qui constitue une des pires situations pour un équipage de sauveteurs.
En avril 2024, Philippe Capdeville, patron du canot SNSM lors de cette intervention, bénévole comme tous les sauveteurs embarqués, a comparu devant le tribunal maritime du Havre à la suite de ce naufrage. Le 4 juin, nous avons appris avec un énorme soulagement son acquittement. Après trois ans d’une procédure éprouvante, aucun chef d’accusation n’a été retenu par le juge. Mais cet acquittement ne résout en rien le problème de fond. Le modèle français, unique, du sauvetage en mer bénévole, est en danger : suite aux réquisitions du procureur à l’encontre de notre collègue (un an de prison avec sursis et deux ans d’interdiction de naviguer), accusé de « négligence » lors du remorquage du Breiz, de nombreux sauveteurs se posent la question de la poursuite de leur engagement.
Philippe Capdeville, 62 ans, est un marin professionnel, bénévole à la SNSM depuis trente-cinq ans, avec à son actif plus de neuf cents sauvetages. C’est un patron particulièrement chevronné. Dans le rapport du bea Mer (Bureau Enquête Accident), disponible sur son site, chargé d’analyser les raisons du drame, sa responsabilité n’est nullement mise en cause.
Nous, sauveteurs de la station de Loguivy-de-la-Mer, avons lancé une pétition en ligne pour appuyer auprès des élus et du gouvernement notre demande d’une protection juridique. Nous demandons au gouvernement et au parlement de légiférer rapidement sur un statut protégeant les bénévoles dans l’exercice de leur mission, qui implique déjà des sacrifices personnels, familiaux et professionnels, et comporte des risques conséquents.
Nous ne réclamons pas l’immunité. Il serait normal qu’un sauveteur qui aurait gravement failli à sa mission réponde de ses actes (faute intentionnelle, négligence manifeste, accident sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants). Mais nous ne maîtrisons pas toutes les conditions de nos interventions (météo, état du bateau requérant…) et les accidents, bien que rares, peuvent malheureusement arriver. La responsabilité ne doit pas nous en incomber.
Pour ceux d’entre nous qui sont marins professionnels, il est impensable de risquer la perte de leurs brevets, et donc leur emploi, lors d’une mission de sauvetage bénévole. Pour tous, retraités ou en activité, un procès, une condamnation et son inscription au casier judiciaire, sont un traumatisme qui vient s’ajouter à celui de voir des marins disparaître sans pouvoir les sauver.
Une protection juridique, permettant la mise en cause de la personne morale SNSM et non des sauveteurs en tant que personnes physiques, nous semble indispensable. Il en va de la pérennité de l’engagement des bénévoles de la SNSM. De nombreuses démissions sont déjà à déplorer. Le recrutement de nouveaux bénévoles est aussi durement impacté par cette affaire.
Hervé Berville, secrétaire d’État chargé de la Mer, avait annoncé la mise en place d’une mission parlementaire pour travailler sur cette question. Malheureusement, la dissolution a, pour le moment, empêché notre demande d’être suivie d’effets. Nous poursuivons donc notre démarche et avons créé une pétition sur Change.org : Protection des sauveteurs embarqués.
Suzanne Bauer et Charlotte Spillemaecker, sauveteuses