Par Philippe Urvois – Beaucoup de plaisanciers pêchent du maquereau à la traîne (CM 260), mais rares sont ceux qui expérimentent d’autres modes de pêche. La palangre bigoudène peut pourtant être abordée très sereinement. La ligne n’étant jamais sous tension, on ne risque guère d’être accroché par les hameçons, d’ailleurs en nombre limité. Posé à partir d’une annexe ou d’un canot voile-aviron, cet engin permet de capturer surtout des dorades grises et royales.
La palangre de fond est utilisée par les pêcheurs professionnels pour capturer de nombreuses espèces, comme le merlan, le merlu, le congre, la dorade ou le bar. Cet engin est constitué d’une ligne principale, appelée « maîtresse » ou « ligne mère », sur laquelle sont fixés, à intervalles réguliers, des bas de lignes, ou « avançons », terminés chacun par un hameçon. Les extrémités de la ligne mère sont raccordées par des agrafes à des orins reliés à un lest dans leur partie inférieure et à une bouée de signalisation dans leur partie supérieure.
Les plaisanciers ont le droit d’utiliser deux engins de ce type, comportant chacun trente hameçons, mais la plupart ne s’y risquent- pas, jugeant leur manipulation compliquée et dangereuse. Ils n’ont pas tort : le stockage, la mise à l’eau et la récupération de ces longues lignes demandent une certaine habitude et peuvent rapidement se révéler délicats. Faut-il, pour autant, renoncer à cette technique ?
Dans le Finistère, les propriétaires de canots emploient une version simplifiée de cet engin, qui ne comporte pas plus de cinq hameçons. Couramment appelé « palangre bigoudène », il peut être mis en œuvre par un néophyte et se montre très efficace pour capturer toutes sortes de poissons et surtout de la dorade.
Cet engin peut être aisément fabriqué à partir d’une palangre préassemblée, vendue dans les coopératives d’avitaillement ou chez certains marchands d’articles de pêche pour une vingtaine d’euros. Elle comprend une trentaine d’avançons et une ligne mère en Nylon longue d’une centaine de mètres, déjà équipée d’émerillons. Il suffit de la couper pour obtenir plusieurs petites palangres, mais on peut aussi en confectionner soi-même en achetant tous les composants nécessaires à leur fabrication et en suivant le montage indiqué page suivante.
Outre le nombre réduit d’hameçons, la palangre bigoudène se caractérise aussi par le fait qu’une des extrémités de la ligne mère est laissée libre. N’étant pas reliée à un orin lesté, elle va donc s’orienter seule au gré des courants à partir d’un unique point fixe et prospecter une zone plus étendue qu’une palangre tendue entre deux poids.
Cette particularité est également très utile pour les débutants car à aucun moment, ils ne seront appelés à manipuler une ligne tendue par un lest.
FABRIQUER SA CAISSE À PALANGRE
Avant de mettre cet engin en œuvre, il faut d’abord penser à le stocker. Ce détail a son importance car on ne trouve pas le matériel nécessaire dans le commerce. Il faut donc le réaliser en s’inspirant des caisses utilisées par les professionnels. Le plus pratique est d’acheter, dans un magasin de bricolage, un seau de maçon, fabriqué dans une matière plastique assez souple. À l’aide d’une scie à métaux, on pratique sur son bord supérieur cinq entailles verticales de 3 ou 4 cm. Celles-ci sont régulièrement espacées et placées sur un même demi-cercle, délimité par les deux points d’ancrage de l’anse du seau. La « caisse » est prête, on peut désormais commencer à ranger la palangre.
L’extrémité de la maîtresse qui sera reliée à l’orin est terminée par une agrafe spéciale qui est provisoirement fixée sur l’anse du seau. Puis la ligne mère est lovée au fond du récipient. Lorsque le premier avançon se présente, la partie du fil située juste avant l’hameçon est engagée dans une des fentes aménagées sur le rebord du seau, puis on continue à lover la ligne mère jusqu’à l’avançon suivant qui est coincé dans la deuxième encoche. On procède ainsi jusqu’au dernier hameçon. L’orin avec sa bouée et son lest peut alors être entreposé sur la palangre, dans le seau. L’engin est prêt à l’emploi.
La pêche à la dorade est pratiquée de mai à octobre, lorsque ce poisson fréquente les eaux peu profondes, à proximité de la côte. Elle se déroule par beau temps, pendant la journée. Les zones de sable- ou de gravier situées à proximité de roches couvertes de moules, le large des plages riches en coquillages ou l’embouchure de petites rivières ou de rias peuvent se révéler propices à cette pêche.
La pose de la palangre s’effectue au mouillage ou en dérive, en mettant par exemple son voilier à la cape. Si le bateau est équipé d’un moteur, ce dernier doit impérativement être débrayé pour éviter tout risque d’engagement de la palangre dans l’hélice.
On commence par sortir du seau l’orin posé sur la palangre. Puis les hameçons, qui pendent à l’extérieur du récipient, sont garnis d’un appât. Pour la dorade, on utilise surtout des coquillages (coque, couteau, mye, etc) ou des vers marins (arénicoles, vers blancs ou bibis). Mais ce poisson apprécie également les lamelles de blanc de seiche ou d’encornet qui résistent plus longtemps à l’immersion.
L’hameçon situé à l’extrémité libre- de la palangre est alors mis à l’eau puis le reste de la palangre est filé, jusqu’à l’agrafe. Celle-ci vient pincer l’orin à environ un mètre- au-dessus du lest. Ce dernier peut alors être mouillé à son tour et la bouée (comportant l’immatriculation du bateau) matérialise bientôt la position de l’engin de pêche.
SI LE POISSON A MORDU, LA LIGNE EST TENDUE
Il faut attendre au moins trente minutes avant de relever sa ligne. L’idéal est de mouiller pendant ce temps une ou deux autres palangres à proximité, ce qui permettra d’effectuer une rotation entre les différents engins, sans temps mort. Après récupération de la bouée et du lest, la ligne est relevée progressivement et stockée au fur et à mesure de sa remontée dans le seau, comme précédemment décrit. S’il y a deux personnes à bord, la première peut haler la ligne à bord et la seconde la ranger dans le seau. Si le poisson a mordu, la ligne est tendue et il faut éviter de positionner ses mains juste devant un avançon pour ne pas risquer d’être accroché par un hameçon. Pour la même raison, il est aussi préférable de couper l’avançon si le poisson ne peut être décroché facilement. Ce bas de ligne sera remplacé au calme…
Cette pêche amusante permet de s’initier en sécurité à la palangre et réserve parfois de belles surprises : il n’est pas rare de capturer plusieurs poissons en même temps, la dorade étant un poisson grégaire. Les deux espèces les plus fréquentes sont la dorade grise et la dorade royale. Cette dernière peut parfois dépasser 5 kg et se reconnaît à une bande dorée située entre ses deux yeux. Elle est aussi surnommée « gueule pavée » car ses mâchoires, prévues pour concasser les coquillages, peuvent sectionner net le fer d’un hameçon…
Au fil du temps, on affinera le maniement et le positionnement des engins et on augmentera, éventuellement, le nombre d’hameçons. Les palangres pourront aussi être posées avec d’autres appâts et à d’autres moments – de la tombée du jour au lever du soleil par exemple – pour capturer d’autres espèces, comme le bar ou les poissons plats.
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