La gourse niçoise est un petit bateau très élégant de 4 à 6 mètres de long. C’est une barque d’une grande finesse, aux façons pleines, montée sur une quille légèrement cintrée. Les formes et les aménagements semelles d’échouage, postes de nage, dispositif de tirage à terre montrent qu’il s’agit d’un bateau de plage comme on en trouve tout autour de la Méditerranée. Les plus grandes possèdent sur l’avant un éperon du plus bel effet, qui n’est pas sans rappeler la guibre des anciennes galères. Une pièce de bois courbe, lo nas, prolonge l’étrave qui est surmontée par le talhamar ; l’éperon sert surtout à maintenir la barque le cul à la lame lors de l’arrivée en plage. Quant à l’origine du nom, on ne peut s’empêcher de penser au gozzo, un bateau semblable originaire de la rivière de Gênes. On sait que le comté de Nice a longtemps appartenu à la maison de Savoie, puis au royaume de Piémont Sardaigne, avant de tomber dans le giron de la France. L’aire géographique de la gourse s’étend d’ailleurs sur 60 kilomètres de littoral entre Menton et Cannes.
Ce qui fait l’originalité de ces petits bateaux, c’est qu’ils sont pour la plupart conçus pour naviguer uniquement à l’aviron. La bande de côte exploitable pour la pêche est très étroite. Les Alpes plongent sous la mer à des profondeurs vertigineuses, qui atteignent déjà 1 000 mètres à 3,5 milles de la plage de Nice. On pêche dans les rochers, à l’embouchure du Var, sans s’éloigner du rivage. Il n’est donc pas nécessaire de mettre en œuvre un dispositif vélique sur d’aussi courtes distances.
En revanche, dans la région cannoise, où la zone de pêche s’étend jusqu’aux îles de Lérins, les gourses gréent une voile à livarde, comme au Lavandou. Ce gréement, facile à monter et tout aussi aisé à tomber, permet d’économiser les forces de l’équipage lorsque le vent est favorable.
Autrefois, les pêcheurs niçois armaient de grandes gourses pour caler aux filets dérivants et prendre anchois, sardines et autres poissons bleus, attirés par les eaux riches de l’embouchure du Var.
Mais la gourse est avant tout un bateau voué à la senne de plage, la sàvega, une longue poche de filet calée à partir de la plage et halée à terre à la force des bras par une équipe de savegotous. Cependant la grande affaire des pêcheurs de Nice, c’est la pêche à la poutine, ces alevins de sardine qui naissent dans les frayères de l’embouchure du Var, et dont les Niçois sont depuis toujours très friands. La poutine s’accommode en salade, en omelette, en pissaladière, en soupe. Cette pêche est encore pratiquée de nos jours, au printemps, car la poutine reste un mets recherché et coûteux.
Il n’y a plus guère de savegotous sur les plages de Nice, vouées exclusivement au tourisme et à l’ambre solaire. Une activité de pêche se maintient pourtant au Cros-de-Cagnes, les pêcheurs armant toujours de jolies petites gourses munies maintenant d’un moteur hors-bord. On peut voir en hiver et au printemps quelques barques tirées sur la plage, comme autrefois, mais pour combien de temps encore ?