Bette marseillaise
Longueur hors tout : 8,50 m
Longueur du fond : 5,50 m
Largeur : 1,96 m
Tirant d’eau : 0,35 m/1,05 m
Déplacement : 750 kg
Grand-voile : 20,m2
La bette, ou beta, est une embarcation de servitude et de petite pêche, jadis très commune entre les Saintes-Maries-de-la-Mer et La Ciotat. De taille modeste, entre 4 et 8 m, ce bateau creux est pointu à l’avant et à l’arrière, possède un fond plat et une muraille inclinée formant un bouchain vif, ainsi qu’un élancement d’étrave et une quête d’étambot assez prononcés.
La bette marseillaise
La bette appartient à la grande famille des bateaux à fond plat des étangs languedociens. Le betou des étangs du Narbonnais, la nacelle de l’étang de Thau, le barquet, le negafòl, la bette martégale présentent de grandes similitudes de formes avec la bette. Les techniques de construction sont rigoureusement identiques. Ce qui les différencie réside essentiellement dans la qualité des matériaux, la finition et un léger resserrement des formes. Pour s’en rendre compte, il suffit de comparer les charpentes. La barque des étangs est une embarcation rustique, ses fortes membrures sont sciées dans du bois de fil, le pin d’Alep, en utilisant l’angle naturel que forme la branche avec le tronc dont elle est issue. Les membrures de la bette sont beaucoup plus fines, travaillées dans du frêne ou de l’ormeau ; allonges et varangues sont soigneusement poncées avant d’être assemblées.
Cette évolution est le produit de plusieurs facteurs : conditions de navigation et de pêche, présence dans la région marseillaise de nombreux chantiers, héritiers d’une tradition de charpenterie de marine de qualité, qui construisaient d’autres types d’embarcations, barquettes, mourres de porc, tartanes. On peut raisonnablement penser que la bette a très rapidement bénéficié de « transferts de technologie ».
Ce bateau typiquement méditerranéen, voire marseillais, peut être considéré comme le dernier avatar de la barque à fond plat des étangs. Du reste, ce fond plat, imposé à l’origine par une navigation en eaux peu profondes et l’échouage sur les plages, a exigé des aménagements dans les ports de la côte rocheuse. On a vite bâti tout un système de cales de halage avec treuils pour tirer les bettes au sec en fin de pêche.
Car la bette est avant tout un bateau de pêche. Relativement simple à construire, d’un prix abordable, c’est l’outil privilégié des pite-mouffe s’adonnant aux petits métiers : cueillette des oursins, pêche aux rusquets (morceaux de liège pourvus de quatre hameçons qu’on laisse dériver pour pêcher le muge), aux jambins (nasses), à la fouine (foëne), au palangre, traîne au loup et autres. Manœuvrée à l’aviron ou propulsée par une voile latine et un petit foc, la bette a conquis toute la rade de Marseille.
Au début du siècle, de l’Estaque à Callelongue, du vallon des Auffes à la Pointe Rouge, le moindre petit coin de port ou de crique abrite sa flottille de bettes. Dans le même temps, Marseille accueille les débuts d’une plaisance populaire. Une aisance relative, un certain art de vivre font rapidement de la bette, embarcation familière, un bateau familial. Associée au cabanon, elle devient l’instrument du loisir des beaux jours et de la sortie de pêche.
C’est à l’Estaque, à la fin des années 1980, que Laurent Damonte, marin retraité et mémoire vivante locale, et Daniel Arzoumanian, charpentier de marine, ont restauré une première bette, Lo Gabian. Ils l’ont conduite avec succès aux fêtes de Douarnenez et sont à l’origine du mouvement de renouveau de la voile latine sur la rade de Marseille. D’autres bettes seront récupérées et la société des Pescadous de l’Estaque créera bientôt une section voile latine pour les accueillir.
Gisèle
Dans les années 1990, Daniel Arzoumanian récupère une autre épave à l’entrée du tunnel du Rove. C’est une grande bette de 21 pans (environ 7 m), construite par Festinesi à Marseille, en 1953. Cette coque imposante, mais dont les hauts sont détruits, est restaurée tambour battant. Les premiers essais en mer de Gisèle sont un grand moment : avec ses 35 m2 de voilure et son antenne de 9,50 m, le bateau est gréé pour la régate et s’avère très rapide. Sa garde-robe se compose d’une mestre, d’un flèche et d’un jeu de trois focs. Avec cette voilure généreuse, elle écume les rassemblements, de Cancale à Gujan-Mestras, en passant par Rolle sur le lac de Genève.
Extrait de Voile latine, Renaissance des bateaux de Méditerranée. Jean Huet, Philippe Rigaud, Bernard Vigne. Éd. Le Chasse-Marée, 2004.
Voir le Chasse-Marée n° 77 : « Les bettes de Marseille ».