Le développement de la pêche à la coquille en rade de Brest, à partir des dernières années du XIXe siècle, fait apparaître un type nouveau de bateau de pêche, le sloup coquillier, dont les qualités évolutives lui permettent de supplanter bientôt l’ancienne chaloupe locale. Pour la première fois, les pêcheurs de la rade vont se spécialiser dans un métier et travailler pour les conserveries.
Cette mer fermée n’a pas, pendant longtemps, imposé un type de bateau de pêche particulier. L’archaïque chaloupe à deux mâts de Plougastel a fait l’affaire des équipages, le plus souvent familiaux, de marins-paysans qui pêchaient l’huître et autres coquillages, mais effectuaient aussi divers transports, draguaient le maërl, le goémon rouge et même le sable du Minou qui servent d’amendements pour les agriculteurs. Le succès croissant de la coquille Saint-Jacques va amener les marins à abandonner leurs chaloupes à tout faire pour acquérir des petits sloups “de rencontre”. Les premiers sloups coquilliers proprement dits sont lancés en 1912 pour des marins de Logonna et de l’Hôpital-Camfrout. Les pêcheurs les appellent an askelli, “les ailes”, tant ils apparaissent élancés et maniables.
Le coquillier possède une quille en forte différence, et un arrière à tableau bien dégagé qui surmonte un étambot doté d’une forte quête, ce qui lui assure une bonne marche au plus près et d’excellentes qualités évolutives, indispensables pour louvoyer sur les bancs de coquilles. Long en moyenne de 8,80 mètres et large de 3,16 mètres, il est lesté à l’aide de mortier et de terre glaise. Le gréement de sloup se compose d’une grand voile haute, d’un flèche et d’une trinquette. Le bout-dehors et son foc, proscrits dans ces flottes où 50 à 100 bateaux draguent bord à bord, ne sont gréés qu’en régate. Pour compenser l’absence de foc qui rend le bateau ardent, on règle le mât avec une forte inclinaison sur l’avant, ce qui donne au coquillier sa silhouette caractéristique.
La drague des huîtres, puis des praires, des pétoncles et de la coquille Saint-Jacques est limitée en temps et en lieu (1h30 à 3 heures par jour, 3 jours par semaine, environ 50 jours par an entre mi-septembre et -mi-mars), et étroitement surveillée par les autorités administratives, tant à partir d’embarcations en mer qu’à la jumelle depuis la côte.
Les pêcheurs n’ont guère besoin de franchir le Goulet et peuvent se contenter d’exploiter l’écosystème de la rade de Brest. Cette petite mer intérieure leur permet, en un court trajet, de gagner les bancs de dragage ou les ports de la presqu’île ; mais, souvent, les vents tombés ou contraires obligent à tirer pendant des heures sur le bois mort ; il n’est pas rare alors, au lieu de dormir le soir à la maison, de passer la nuit avec trois autres compères dans la paille du tillac avant.
En 1951, une flottille de 150 sloups drague encore la coquille à la voile en rade de Brest, la motorisation n’intervenant qu’en 1953. En 1980, quelques coquilliers travaillent encore au Tinduff, à Pors Beac’h, à Kerascoët. En 1985, ces unités ont abandonné la pêche, mais une dizaine d’anciens sloups ont été regréés pour naviguer en plaisance. Belle Germaine, Saint-Guénolé, Bergère de Domrémy, Pasteur, Indomptable, Général Leclerc en sont les ultimes représentants du type à flot, auxquels il faut ajouter quelques unités de 8 à 8,50 mètres comme Immaculée Conception, Dizro Mad, Anémone et Rouanez ar Peoc’h.