La bette (beta, prononciation beto en occitan et en provençal) est une embarcation vouée à la petite pêche, à l’“art menu”, qui était autrefois très répandue sur le littoral languedocien, de l’étang de Leucate à l’étang de Berre.
De taille modeste, entre 4 et 8 mètres hors tout, c’est un bateau creux, pointu à l’avant et à l’arrière, à fond plat et à muraille inclinée formant un bouchain vif, avec un élancement -d’étrave et d’étambot assez prononcé.
Bette est un terme générique qui se décline tout le long du littoral, de Gruissan à Marseille, en bétou, bétoune, nacelle, barquet, négafol, négachin, marinié, bette martégale et bette marseillaise… Si la taille, les formes et les élancements varient, les techniques de construction obéissent aux mêmes canons traditionnels. Sur le plan (la sole), le charpentier cloue ses membrures réalisées dans du bois de fil, chêne vert ou pin d’Alep, en utilisant l’angle naturel que forme la branche avec le tronc ; il présente ensuite les pièces d’étrave et d’étambot et prépare le bordage. La courbure du plan, et par conséquent la tonture de la barque, est donnée par la découpe du premier bordé (la biobasse), qui est largement évidé selon une longue courbe au niveau du bouchain. Les finitions comprennent un petit pontage à l’avant, le teoume, deux ou trois bancs fixés sur la sarette, une lisse de plat-bord et les escaumières pour fixer les escans (les tolets) ; le fond est couvert d’un payol, le plancher.
Les plus grosses embarcations ont un banc de mât situé un peu en avant du maître-couple et gréent une voile latine. Le faible plan de dérive est compensé par un safran assez long qui dépasse largement la quille.
Parfaitement adaptée à la navigation et à la pêche sur les étangs, propulsée à la partègue, à l’aviron ou à la voile, la bette est par excellence le bateau des petits métiers. Que ce soit pour caler les travaccos, filets à poste pour capturer les anguilles, les canats pour la pêche aux muges, les palangres, la pêche au loup à la traîne, la cueillette des palourdes à l’arseillère, le dragage de l’huître plate, le bouliech, la senne de plage, la pêche à la fichourle (trident), à la boîte, le pêcheur d’étang a toujours un bétou, un barquet ou une nacelle convenant au mieux au type de pêche pratiqué. Les plus grandes bettes s’aventurent en mer pour traîner le gangui devant Les Saintes-Maries-de-la-mer ou près des embouchures du Rhône.
La bette, en devenant marseillaise, a conquis un public plus vaste et, tout en restant un petit bateau de pêche, s’est adaptée à la navigation de plaisance. Associée au cabanon, elle est devenue un symbole de l’art de vivre marseillais. Sous l’influence de plaisanciers régatiers, on a vu apparaître au début du XXe siècle une véritable flottille de bettes de régate, bateaux de course surtoilés et sportifs, mais arborant toujours une grande voile latine.
La plupart de ces bateaux a aujourd’hui disparu, mais quelques passionnés entre Leucate et Marseille ont restauré et regréé les dernières bettes et les dernières nacelles du littoral.