A partir de leur plage, orientée ouest ou nord-ouest, les pêcheurs des localités d’Equihen, du Portel, d’Ambleteuse, d’Audresselles et de Wissant exploitent, vers 1900, une nombreuse flottille de bateaux d’échouage. Ils sont cousins des bateaux de Berck, et apparentés aux caïques normandes comme aux lougres anglais de Brighton. Construits à clins, en orme du pays, ils ont un fond plat et un arrière à tableau presque vertical. Leur rapport longueur/largeur est d’environ 2 : ce sont donc des embarcations très larges. Une dérive centrale coulissante leur donne un plan de dérive suffisant au plus près.
Le gréement est celui de bourcet-malet : le mât de bourcet, ou grand mât, très avancé, et le mât de malet, à l’extrême arrière, portent -chacun une voile au tiers. Un foc est établi sur bout-dehors. L’ensemble de ce gréement est amovible, et n’est en général établi, sur les petits bateaux, qu’après le départ de la plage qui s’effectue aux avirons. Avec l’appui des courants de marée, ces avirons constituent un mode de propulsion complémentaire bienvenu. Le renflouage et l’échouage de ces bateaux sont des opérations pénibles, et parfois dangereuses par gros temps. Le renflouage d’un grand bateau d’Equihen, même allégé au maximum, peut demander les efforts d’une quinzaine d’hommes.
Dans tous les villages de pêcheurs du Boulonnais, c’est ce type de canots non pontés, de 4 à 6 mètres de long, qui -prédomine. Leur métier principal, et souvent unique, est le métier des cordes, c’est-à-dire la pêche aux lignes de fond.
Au cours de sorties excédant rarement une marée, ils pêchent soles, carrelets, morues, merlans et congres. Quelques bateaux pratiquent occasionnellement d’autres métiers : le casier, pour le crabe et le homard et, à Audresselles, la ligne traînante pour le bar et le maquereau. Les Portelois et quelques Wissantais arment aussi leurs bateaux aux filets dérivants, à la saison du hareng.
L’expansion de l’industrie de la salaison, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, entraîne l’agrandissement et le pontage du bateau. Ainsi, à Equihen, des bateaux pontés de 7 à 10 mètres de long pratiquent la pêche du hareng aux filets dérivants en octobre et novembre, et celle du maquereau, aux filets dérivants ou à la ligne, de mai à septembre. A -Wissant, un pontage amovible permet à des bateaux non pontés, de 6 à 7 mètres, de protéger l’équipage au cours de la saison du hareng. Au retour de la pêche, ce sont toujours les femmes qui sont chargées de transporter les lourdes mannes remplies de poisson, qu’elles s’occupent aussi de commercialiser.
Au port de Boulogne, de petits armateurs portelois ou boulonnais commandent aux chantiers du Portel, d’Equihen ou de Boulogne, des bateaux pontés de type équihennois. Ils pratiquent les mêmes pêches, et le chalut à bâton à l’occasion, mais ne viennent plus échouer sur les plages.
On trouve ainsi, vers 1900, environ 150 de ces bateaux. Les équipages varient avec le tonnage et avec les pêches pratiquées : de 2 ou 3 hommes sur les plus petits, à une douzaine sur les unités pontées pour la pêche du hareng. Les plus gros bateaux disparaissent dans les années 20, après quelques essais peu concluants de motorisation. Les plus petits s’équipent d’un moteur dans les années 50. La construction bois est remplacée par le polyester dans les années 70. Ces canots du Boulonnais survivent à travers les flobarts modernes, qui ont conservé des formes de coque similaires.