Entre Le Lavandou et Saint-Tropez, on rencontre des barques de pêche qui, par leur aspect général, ressemblent beaucoup à celles que l’on trouve par ailleurs sur la côte provençale. Elles présentent cependant quelques particularités remarquables qui en font des embarcations singulières. Ici, comme sur l’ensemble du littoral provençal, l’absence d’abri, l’étroitesse de la frange des fonds exploitables et le régime irrégulier des vents ont imposé aux pêcheurs la taille et la forme des barques.
Les bateaux du Lavandou ou de Saint-Tropez, simplement nommés batéu ou barquet par les pêcheurs, sont de petites embarcations de 5 à 7 mètres de long, jaugeant 2 à 3 tonneaux. Ce qui fait leur originalité, c’est leur gréement à livarde, que l’on rencontre fréquemment en mer Tyrrhénienne, en Corse, et sur les bétous de l’étang de Gruissan, mais c’est un exemple unique sur la côte provençale où la voile latine est largement utilisée. Sur les bateaux du Lavandou, la voile est hissée sur un mât court emplanté à l’avant très près de l’étrave et enverguée sur la haste ; les plus grands gréent une deuxième voile à livarde sur un mât placé au tiers arrière. Par beau temps, on envoie un foc, la poulacre, sur un bout-dehors. L’intérêt de ce gréement tient dans la facilité avec laquelle il peut être mis en place ou démonté, lorsque le vent manque ou lorsqu’on est en pêche. En un clin d’œil, les espars et les voiles sont pliés et rangés à l’avant, libérant ainsi tout l’arrière du bateau pour travailler ou pour nager.
Ces bateaux sont légers et manœuvrants, conçus pour pêcher au plus près des rochers, là où se trouve le poisson. Selon la saison, les pêcheurs calent des filets maillants, des palangres, des trémails ou des nasses pour pêcher bogues, jarrets, rougets et rascasses en hiver, sardines et maquereaux au printemps, langoustes, congres et murènes en été.
Les pêcheurs du Lavandou travaillent entre la côte et les îles d’Or. En l’absence de vent, ils arment deux paires d’aviron, il faut alors quatre heures de vogue pour rejoindre les îles. Au moindre souffle de vent, ils hissent la voile pour épargner un peu les hommes, mais bien souvent le métier impose de longues journées de nage.
Du fait de l’utilisation intensive des rames, la barque du Lavandou possède les caractéristiques d’un bateau d’aviron. Ses formes sont rondes et très porteuses avec une surface mouillée minimum. Tout en étant construit solidement, le bateau est léger, il n’y a pas de plat-bord, ni de feuille pour coiffer les têtes de jambettes, il y a seulement un renfort à l’arrière, là où on tire le filet. La barque est ouverte à l’arrière par une large hiloire, il y a un capot sur l’avant pour protéger l’équipage qui est parfois contraint de dormir en mer. Le dispositif de nage est particulier, les toletières sont installées sur une ceinture qui déborde à l’extérieur de la coque et que les tolets traversent de part en part. Ils sont ainsi faciles à chasser en cas de rupture.
Ces bateaux ont bien accepté la motorisation et ont servi à la pêche jusqu’au début des années 60. Aujourd’hui, il n’en reste qu’un ou deux armés par de vieux pêcheurs