La barque catalane est sans doute le plus beau voilier de pêche du littoral méditerranéen. Longue et fine sur l’eau, gréant une immense voile latine très ronde, elle a gardé dans l’esprit des pêcheurs la réputation d’un bateau marin et rapide.
Construite dans les petits ports catalans par des mestres d’aixa, héritiers d’un long savoir-faire, c’est une embarcation de 8 à 11 mètres de long, à quille longue, avec des entrées d’eau très fines, une coque ronde très porteuse et un arrière pointu. Le capian traditionnel des bateaux méditerranéens est ici très développé. Un pontage avec un bouge important, ou esquina d’ase, court de l’avant à l’arrière. Du mât à la poupe, une longue hiloire fermée par des capots donne accès à la cale où sont logés les filets ; une autre ouverture à l’avant permet à l’équipage de ranger ses effets.
La barque catalane est un bateau de pêcheurs sans port ; aussi, au retour de pêche, les barques munies de quilles d’échouage sont tirées à terre sur la plage. Dans les petits havres du Roussillon, Banyuls et Collioure, ces barques pratiquent la pêche à l’anchois aux filets dérivants pendant la belle saison, et l’hiver les plus grandes arment à la pêche au bœuf. Mais les pêcheurs catalans, audacieux et entreprenants, ont essaimé dans tout le bassin occidental de la Méditerranée, en Sardaigne, sur la côte languedocienne, jusqu’à Marseille où une anse porte leur nom. Ils ont apporté avec eux leurs techniques de pêche, les palangres, la pêche au bœuf et leurs embarcations. Les pêcheurs locaux, séduits par les qualités de ces barques, ont commencé par racheter des bateaux aux catalans, avant que les charpentiers du cru ne construisent aussi des catalanes, comme Ruoppolo à Marseille, Aversa, Ricciardi, Scotto et Repetto à Sète, Lallemand à Agde et bien d’autres, à Valras et à Port-la-Nouvelle.
Les barques sont menées par des équipages de trois à cinq hommes. Une fois la barque mise à l’eau, deux matelots déhalent à la rame, la voile est rapidement établie. La barque catalane conserve le gréement latin dans toute sa simplicité originelle. La grande voile, la mestre, est enverguée sur une longue antenne de 16 mètres, composée de deux espars liés entre eux, le car et la penne. Le mât emplanté au milieu du bateau est fortement incliné sur l’avant. La voile entièrement mobile autour du point de drisse est orientée dans le vent grâce à deux manœuvres coulissant au bas du car : l’orse poupe, qui, tournée à l’arrière, règle l’inclinaison de l’antenne, et le davant qui passe devant le capian et fait retour dans une moque. Le davant permet de régler l’antenne par rapport au lit du vent. A l’arrière, l’écoute permet de border. Une dernière manœuvre, l’oste, saisie dans la partie supérieure de l’antenne, permet d’assurer celle-ci, pour éviter de la laisser fouetter.
Selon que la voile est sous le vent ou au vent, on dit qu’on est à la bona, à la bonne main, ou à la bruta, à la mauvaise main. Les réglages sont différents. Si l’on veut naviguer à la bonne main en toute circonstance, il faut tomber, c’est-à-dire faire passer voile et antenne devant le mât pour établir à la bona à chaque virement de bord. Lorsqu’on navigue au près, l’antenne est bordée au plus près du capian, dans l’axe du bateau ; en s’éloignant du vent, on déborde l’antenne de plus en plus largement ; lorsqu’on est en poupe, au vent arrière, l’antenne est horizontale, la voile ballonne et l’écoute est tournée au pied du mât.
On trouve encore des barques catalanes dans la plupart des ports du Languedoc-Roussillon, bon nombre sont restaurées et naviguent régulièrement.