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L'épreuve d'aviron à quatre aux Jeux de Londres de 2012 sur le plan d'eau du célèbre Rowing Club d'Eton. ©Pool/KMSP/DPPI

Par Nathalie Couilloud - Sur l’eau, tous les sportifs n’utilisent pas la force du vent pour se départager. Dès les premiers jeux modernes, le baron de Coubertin a introduit l’aviron, une discipline qu’il pratiquait lui-même et à laquelle il trouvait de nombreuses vertus. Depuis, le canoë-kayak et le surf ont rejoint le programme olympique : les adeptes de ces sports pourront suivre les compétitions dans le nouveau stade nautique de Vaires-sur-Marne ou à Tahiti, à 15 000 kilomètres de Paris.

Pierre de Coubertin pratiquait l’aviron, tout comme la boxe, l’équitation et l’escrime – ou le tir au pistolet, ce dernier « sport » figurant d’ailleurs aux Jeux d’Athènes en 1896. Sans doute en raison de ses origines aristocratiques, et sous l’influence de ses voyages en Angleterre, il se prend de passion pour le rowing, nom donné outre-Manche à la pratique sportive de l’aviron, réservée à l’élite de la société dans ce pays.

En France, l’aviron de loisir découle du canotage, un passe-temps populaire qui se décline sur le mode de la promenade ou de la course et qui prend de l’ampleur dans les années 1830-1840. Dès sa création en 1853, la Société des régates parisiennes encourage le développement de la compétition tout en interdisant la pratique de l’aviron aux femmes – pour ne pas nuire au sérieux des épreuves…
Mais la mauvaise réputation des canotiers résiste et le Rowing Club de Paris est créé la même année avec une partie de la gentry qui s’adonne très sérieusement à la discipline ; en adoptant les outriggers, il importe la nage anglaise et privilégie, comme en Angleterre, le statut d’amateur. En province, les clubs se multiplient en opposition à l’hégémonie parisienne, mais, en 1890, la Fédération française des sociétés d’aviron (FFSA) parvient toutefois à réunir les plus importantes associations du pays, ce qui permet d’organiser des compétitions d’envergure nationale. Les instances de cette fédération participent naturellement à la création des jeux modernes aux côtés de Pierre de Coubertin.

Berlin, 1936. Les premiers athlètes en kayak s'entassent dans l'écluse comme des sardines en boîte. ©Smith Archive/Alamy Banque d'Images

Les premiers Jeux olympiques affichent donc au programme des épreuves d’aviron, cher au baron. Elles doivent se dérouler en mer, dans la rade du Pirée, mais celle-ci, trop houleuse, contraint à les annuler. Passé ce premier rendez-vous manqué, l’aviron est ensuite programmé à toutes les éditions des Jeux. Si Coubertin s’opposait à la participation des femmes aux JO, il faut attendre 1976, soit quarante ans après sa mort, pour qu’elles aient enfin le droit de jouer. À Atlanta en 1996, une autre innovation, non prévue par le baron, est ajoutée : les courses réservées aux « poids légers » – qui devraient être supprimées aux JO de 2028.

Au total, quatorze épreuves d’aviron auront lieu aux JO de Paris

Les compétitions d’aviron se déroulent aujourd’hui sur une distance de 2 000 mètres – il y a eu plusieurs distances au fil des olympiades – et se divisent en « pointe » et en « couple ». En pointe, le rameur, installé sur un siège roulant (« coulisse »), dos à la marche, tient un seul aviron (mesurant entre 3,66 et 3,78 mètres) des deux mains. En couple, il en tient deux (de 2,81 à 2,93 mètres de long). Les bateaux comptent un, deux, quatre ou huit rameurs. Lorsqu’ils sont huit, un barreur dirige le bateau et l’équipage ; sur les autres, c’est un rameur qui mène l’embarcation grâce à une petite barre qu’il actionne avec le pied. À noter que le skiff doit peser au moins 14 kilos et mesurer 7,20 mètres ; c’est la plus petite unité. La plus grande, utilisée par les huit rameurs, pèse 115 kilos et mesure 18 mètres. Ces bateaux tout en longueur, autrefois en bois, sont aujourd’hui en matériau composite.

Tony Estanguet remporte l'or dans la finale du canoë slalom le 31 juillet 2012 à Londres. ©Action Plus Sports Images/Alamy Banque d'Images

La discipline est majoritairement dominée par les sportifs de l’est jusqu’aux années 1990. Depuis le début des Jeux, la France a remporté trente-six médailles, dont huit en or. Hugo Boucheron et Matthieu Androdias sont les derniers à avoir gravi la plus haute marche du podium en 2020 à Tokyo en deux de couple. Le premier défendra son titre cette année avec Valentin Onfroy. Au total, quatorze épreuves d’aviron auront lieu aux JO de Paris sur le stade nautique de Vaires-sur-Marne, inauguré en 2019.
Et le canoë-kayak dans tout ça ? Il arrive. En 1924, une démonstration de canoë canadien a lieu sur le bassin olympique d’Argenteuil, mais ce sport n’entre dans la cour des grands qu’aux Jeux de Berlin en 1936 avec des courses en ligne pour le canoë et le kayak – Coubertin remerciera chaleureusement Hitler pour l’organisation de cette XIe Olympiade. Deux cents athlètes français participent à ces jo où les sportifs s’affrontent dans dix-neuf disciplines différentes – le handball à onze et le basket figurent aussi au rayon des nouveautés. Les épreuves de canoë-kayak (et d’aviron) se déroulent au centre nautique de Grünau ; c’est aujourd’hui un quartier de Berlin, où l’on peut visiter un musée des Sports nautiques sur les rives de la Dahme. En 1936, si la France brille particulièrement en cyclisme, elle ramène aussi neuf médailles en canoë-kayak, dont une d’argent.

Les femmes participent pour la première fois aux épreuves de kayak en 1948

Rappelons pour les néophytes qu’en kayak, l’athlète est en position assise et utilise une pagaie double, tandis qu’en canoë, il est agenouillé dans l’embarcation et manie une pagaie simple. En 1972, c’est encore aux Jeux de Munich que le canoë slalom fait son apparition, avant d’être adopté aux jo de Barcelone en 1992. Aujourd’hui, les épreuves olympiques se présentent sous deux formes différentes : le canoë-kayak sprint et le canoë-kayak slalom. Les épreuves de sprint se déroulent sur un bassin d’eau calme, comme les épreuves d’aviron. La course se fait en ligne sur huit couloirs, et le premier qui franchit la ligne a gagné. Les épreuves se disputent sur des distances de 200 mètres, 500 mètres et 1 000 mètres. Elles se déclinent en solitaire (canoë simple – C1 et kayak simple – K1), en double (canoë double – C2 et kayak double – K2) et à quatre (kayak quatre places – K4). Nicolas Geslin, 23 ans, est le grand favori français du canoë slalom aux prochains jeux.

Les femmes ont participé pour la première fois aux épreuves de kayak – mais pas à celles de canoë – aux JO de Londres en 1948. Le Pallois Tony Estanguet, spécialiste du C1, a été triple champion olympique (en 2000, 2004 et 2012) : c’est le seul athlète français à avoir remporté trois médailles d’or en individuel. S’il a mis fin à sa carrière de sportif en 2012, il préside le comité d’organisation de Paris 2024 où, et ce n’est peut-être pas un hasard, apparaît une nouvelle discipline pour les hommes et les femmes, le kayak cross.

Le surfeur hawaïen Jamie Sterling dans la vague de Teahupoo à Tahiti, choisie pour les JO de Paris. ©Stockshot/Alamy Banque d'Images

Pour la deuxième fois cette année, après Tokyo en 2020 (et le spot de Shidashita dans la préfecture de Chiba), le surf est inscrit au programme des Jeux de Paris avec des épreuves ouvertes aux femmes et aux hommes. Elles se dérouleront sur des planches shortboard qui favorisent les figures spectaculaires, car elles sont plus rapides et maniables que les longboards.

En concurrence avec quatre autres sites plus proches de Paris – La Torche dans le Finistère, Capbreton dans les Landes, Biarritz dans les Pyrénées-Atlantiques et Lacanau en Gironde –, c’est le spot tahitien de Teahupoo, à 75 kilomètres de Papeete, qui a finalement été choisi ; sa vague, l’une des plus sélectives du monde, et des plus belles à cette période de l’année (entre le 27 juillet et le 4 août), est bien connue des champions du monde qui s’y retrouvent depuis plus de vingt ans pour le Tahiti Pro, une épreuve de la World Surf League. Les épreuves des JO doivent durer quatre jours – sur une fenêtre de neuf jours au cas où les vagues se feraient discrètes.

Quatre français sélectionnés pour les épreuves de surf

Kauli Vaast et Vahine Fierro, deux surfeurs originaires de Tahiti, défendront les couleurs du pays, aux côtés de Johanne Defay (seule déjà présente aux JO de Tokyo, où elle s’est classée neuvième) et de Johan Duru, dernier qualifié en mars dernier à Porto Rico, où les Brésiliens ont survolé les épreuves. Ces deux femmes et deux hommes effectueront, comme les autres athlètes sélectionnés, des manœuvres et figures qui seront notées par cinq juges sur des critères d’enchaînement, de variété, de vitesse et de difficulté.

Ces juges seront installés en mer sur une tour de 14 mètres de haut en aluminium, dont l’implantation a été vivement critiquée : 250 000 personnes ont signé une pétition contre sa construction à l’initiative des défenseurs de l’environnement qui la jugeaient nuisible aux coraux vivant à proximité. Préconstruite sur la terre ferme, cette structure qui remplace une ancienne tour en bois, a été installée en pleine mer le 13 mai, juste avant la Tahiti Pro. La situation semble s’être apaisée depuis, et rien ne s’oppose plus à l’organisation de ces épreuves grandeur nature qui se déroulent à plus de 15 000 kilomètres de Paris.
Pour en terminer avec les épreuves qui se jouent sur l’eau, mais sans la moindre voile à l’horizon, notons que le ski nautique a fait une discrète apparition en 1972 à Munich. La démonstration n’a pas dû convaincre, car on ne l’y a plus revu…  ◼