Par Rémi Le Berre - Le port est au carrefour d'activités au premier abord contradictoires : outil économique bien sûr tant en ce qui concerne la pêche que le transport maritime ; lieu d'animation aussi, cher au cœur des autochtones, mais attirant en été un nombre sans cesse croissant de touristes ; base de loisir enfin avec la navigation de plaisance. Il semble que bien souvent on ait développé l'une de ces activités au détriment des autres. N'est-il pas possible de concilier les choses, et peut-être aussi de réduire les tensions qui parfois naissent entre groupes d'individus : pêcheurs, plaisanciers et touristes ? L'automobile est au premier plan des « impératifs » qui ont justifié des transformations douloureuses : comblements mais aussi création de ponts interdisant à la navigation de très belles rivières comme le Goyen à Audierne. Mais les « parkings » immenses restent souvent vides en hiver. Ce n'est donc pas aux utilisateurs du port, marins-pêcheurs le plus souvent, qu'ils s'adressent. Si, pour ces professionnels, quelques emplacements bien situés et réservés sont nécessaires, tant pour leurs véhicules que pour les apparaux de pêche, c'est bien au tourisme qu'en réalité ces parkings sont destinés. Pourquoi alors ne pas créer des zones de stationnement en retrait, ou même à l'extérieur de la ville comme cela se trouve couramment en Cornouaille Britanique (Polperro, Looe) ? On pourrait alors faciliter la circulation des piétons autour du port, ce dont bénéficieraient les promeneurs, les habitants du voisinage et les professionnels dont les véhicules accèderaient plus facilement aux bassins. Trop souvent on ne peut pas marcher le long des quais et il faut choisir entre le risque de se faire renverser par une voiture ou celui de tomber dans le bassin... S'ils fournissent un cadre acceptable pour les activités artisanales, les ports anciens se prêtent mal à une adaptation aux impératifs actuels de l'économie maritime : pêche industrielle et commerce. N'est-il pas préférable de créer sur un autre site des installations rationnelles comme cela s'est fait à Roscoff pour le terminal des transbordeurs transmanche... après avoir détruit inutilement, hélas, le cadre exceptionnel du vieux port ? Quant à la plaisance, n'est-il pas temps pour elle de penser à adapter les bateaux aux ports (faible tirant d'eau, échouage, bateaux remorquables derrière voiture) plutôt que chercher à tout prix à adapter ports anciens et sites naturels à des bateaux conçus exclusivement en fonction d'autres critères (performance, habitabilité.) ? Et ne faudrait-il pas réhabiliter la fonction de port-d'accueil, trop souvent oubliée aujourd'hui au profit du port-garage, où certains bateaux prennent bien rarement la mer ? Le port est un lieu animé privilégié. Manœuvres, passages d'écluse, travaux d'entretien des bateaux, déchargement du poisson ont toujours attiré les regards. C'est pourquoi il ne peut y avoir de développement harmonieux d'un port que celui qui conserve à la fois sa fonction économique et sa fonction d'animation. Venise et Amsterdam ont compris cette nécessité, ont résisté à la tentation facile de remplacer les canaux par des rues ou des parcs à voitures et reçoivent des visiteurs du monde entier. Honfleur a su conserver un bassin, où coexistent pêche artisanale et plaisance, dont le charme n'est pas à vanter. Tréboul, Concarneau et Morlaix sont des exemples moins heureux que l'auteur, architecte, a voulu nous montrer dans les pages suivantes.
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L’art de combler
Publié le 02 avril 1982
N° 004
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