Traquées par des surfeurs audacieux, craintes parfois par les marins les plus aguerris, les vagues et la houle sont étudiées par les océanographes depuis un peu plus d’un siècle. Comment les décrire, les expliquer et surtout les prédire ? Avec des outils toujours plus sophistiqués Mêlant mécanique des fluides, mathématiques, physique ondulatoire et statistique, l’étude des vagues est un outil indispensable pour la navigation, mais aussi pour appréhender le changement climatique et la montée des eaux qui lui est associée.
Par Nikolas Jumelle
« Le problème ce n’est pas le vent, c’est la mer. » Nombre de marins ou de plaisanciers connaissent bien cet adage. Que l’on navigue au large ou près des côtes, le danger, quand la météo se fait mauvaise, vient moins du vent que de l’état de la mer ; de ses creux et de ses lames parfois dantesques qui mettent à mal les marins et leurs bateaux. Au-delà des récits romantiques ou épouvantables auxquels il a donné naissance, une problématique bien plus « terre à terre » autour de ce phénomène a émergé avec les navigations au long-cours, à mesure qu’émergeaient les sciences de la nature, à partir du XVIIe siècle : comment décrire, mesurer et caractériser la mer et donc les vagues ?
Encore faut-il… savoir ce dont on parle. Fabrice Ardhuin, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), au sein du Laboratoire d’océanographie physique et spatiale (LOPS) nous explique : « Aujourd’hui, on définit l’état de la mer par la description de la surface de l’eau soumise à l’action d’une perturbation – la plupart du temps celle du vent. Par friction avec la surface de l’océan, celui-ci crée une déformation de la masse d’eau que l’on nomme vague. Lorsque le vent souffle à un même endroit pendant un temps suffisant, un système de vagues est généré : c’est la mer du vent. Ce système continuera à se propager sous forme d’ondes, une fois l’action du vent terminée : c’est la houle. »
Les vagues et la houle – désignées comme « ondes de gravité », étant soumises au champ de pesanteur de la Terre – sont étudiées depuis la fin du XVIIe siècle et l’avènement de la physique des ondes. Nombre de grands noms des mathématiques et de la mécanique des fluides travailleront à la résolution des équations régissant la mécanique des vagues, du Hollandais Christian Huygens (1629-1695) à l’Anglais Georges Gabriel Stokes (1819-1903), en passant par l’Autrichien Franz von Gerstner (1756-1832).
Au départ, on n’étudie pas les vagues pour naviguer, mais pour débarquer
« Mais les premiers travaux modernes d’observations et de prédiction prennent leurs racines avec la colonisation du Maroc par la France au tout début du XXe siècle, précise Fabrice Ardhuin. En 1907, la Marine Nationale installe un service de prédiction de la houle à Casablanca, afin de permettre les débarquements et la sécurité des navires dans les ports de la côte Ouest marocaine, largement exposés à la houle de l’Atlantique Nord. » Cinq ans plus tard, on établit la relation entre la houle observée et les dépressions relevées en mer. En 1918, M. Gain, adjoint au chef du Service hydrographique de la Marine, produit une première étude comparant les cartes isobariques – qui consignent les pressions atmosphériques – et l’état de la mer à Casablanca. Pendant les mois qui suivent, les savants de l’armée française collaborent avec leurs homologues sur la côte portugaise et aux Açores, où des postes d’observations de la houle sont créés. Une première échelle de houle est créée en 1921 par le capitaine Henry Percy Douglas, de la Royal Navy ; elle se compose de dix degrés, allant de 0 (houle nulle) à 9 (houle exceptionnellement forte). En ce début de décennie, les premiers résultats de prédictions de la houle sur les côtes marocaines sont encourageants, voire prometteurs, même si la fiabilité de cette première méthode fondée sur l’étude des cartes isobariques est de « seulement » 75 pour cent.
Il faut attendre deux décennies pour que la recherche dans la prédiction de la houle réalise à nouveau des progrès significatifs, à nouveau pour des besoins militaires. Cette fois, il s’agit de la préparation des opérations de débarquements des Alliés, d’abord pour l’opération Torch, au Maroc en 1942, puis l’opération Neptune sur les plages de Normandie en 1944, sans oublier les déploiements américains dans le Pacifique. « Les chalands de débarquement ne sont pas d’une grande stabilité, commente Fabrice Ardhuin, et il serait très hasardeux de débarquer sur une plage sur laquelle une forte houle déferle. Au Maroc, sur les plages atlantiques, le débarquement n’est possible qu’un jour sur trois. On comprend facilement tout l’enjeu stratégique de la prédiction des bonnes conditions. »
L’océanographe et météorologiste norvégien Harald Ulrik Sverdrup (1888-1957) et surtout l’Américain Walter Munk (1917-2019) seront les deux principaux artisans de ces recherches, fondant ainsi la science moderne de l’évolution des vagues. Déjà, toutes les grandeurs caractérisant les vagues et la houle, communes à tous les phénomènes ondulatoires, sont usitées : hauteur, longueur d’onde, cambrure, période. La hauteur des vagues est définie comme le dénivelé séparant le sommet du creux. La longueur d’onde est la distance séparant deux sommets ou deux creux successifs, et la période est l’intervalle de temps séparant le passage de deux vagues. Enfin, la cambrure décrit la géométrie de la vague : il s’agit du rapport entre la hauteur et la longueur d’onde – un paramètre déterminant pour prévoir si elle va déferler.
Dans les derniers mois de la guerre, les premiers relevés automatiques de houle, notamment au large des Cornouailles anglaises, sont réalisés grâce des câbles sous-marins reliés à la côte, relevant les pressions d’eau au passage des vagues. « C’est à cette époque que la variabilité, c’est-à-dire l’irrégularité des vagues, a été introduite parmi les critères de description des vagues, nous explique le chercheur du CNRS. On distingue en effet deux approches. L’analyse dite “vague par vague” utilise des outils statistiques et probabilistes. Elle est utilisée notamment par le génie côtier, soucieux d’envisager les pires vagues qui pourraient mettre à l’épreuve les ouvrages d’art édifiés sur le littoral, même si elles sont rares. Aux Pays-Bas par exemple, certaines digues qui protègent le pays ont été conçues pour résister à « la » vague qui ne viendrait en moyenne que tous les dix mille ans ! Pas étonnant que les Néerlandais soient à la pointe dans le domaine. »
La seconde approche est née des travaux de Norman Barber, chercheur néo-zélandais du groupe W, constitué à l’instigation de l’Amirauté britannique. Les scientifiques du groupe W réalisent les premières analyses spectrales de la houle à partir de 1946. Alors que les relevés issus des capteurs de pressions dessinent une courbe aussi irrégulière que les vagues le sont, l’analyse spectrale décompose l’enregistrement de la hauteur d’eau en une superposition d’ondes sinusoïdales régulières, dont les propriétés sont bien connues. Comme celles que dessine spontanément un enfant qui veut représenter la mer, ces ondes périodiques sont symétriques, dessinant des courbures régulières et progressives. Ces spectres qui représentent la répartition de l’énergie de la houle, mais aussi ses directions, présentent un profil plus régulier et se prêtent à la modélisation numérique, et donc à la prévision, facilitée par les capacités de calcul des ordinateurs, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
« Pour planifier les débarquements alliés, on calculait la mer du vent et on évaluait l’état de la mer en fonction de trois grandeurs majeures : longueur d’onde, période et direction. Mais la mer, c’est davantage que deux ou trois chiffres. À partir de l’invention des spectres et grâce aux études des années 1960, on a commencé à calculer leurs évolutions. Et celles-ci ont montré que, outre l’effet du vent et du déferlement, d’autres phénomènes intervenaient, les vagues par exemple s’échangeant de l’énergie entre elles. Peu à peu, les prévisions s’amélioraient », conclut le chercheur du CNRS.
L’analyse spectrale et la méthode du « vague par vague » se complètent : la première sert aux prévisions et la seconde est nécessaire dans l’étude du déferlement, lorsque la vague « casse » en cédant sous propre poids.
Les ondulations de la surface sont aujourd’hui observées depuis l’espace
Durant les années 1970, les satellites artificiels et les stations spatiales deviennent les nouveaux outils de pointe pour l’étude de la hauteur des vagues. Les premières mesures sont effectuées depuis Skylab, première station spatiale américaine lancée en orbite basse en 1973. « Depuis un satellite en orbite, explique Fabrice Ardhuin, on observe assez facilement la hauteur des vagues grâce à des altimètres radar, qui ont d’abord été utilisés pour mesurer la forme de la Terre. » Une série de satellites entrera en service pour succéder à Skylab dans sa mission de mesures d’altitude et de hauteurs de vagues, comme les GEOS lancés par la NASA à partir de la fin des années 1960, Seasat en 1978 ou encore SPOT, développé par le centre national d’études spatiales français entre 1986 et 2002. Plus récemment, les satellites d’observation de la Terre ers-1 et ers-2, qui ont motivé la création du laboratoire où nous reçoit Fabrice Ardhuin, mis en orbite en 1991 et 1995 par l’agence spatiale européenne, fournissent des mesures de hauteur de vagues en continu depuis 1992. En 2018, le lancement du satellite CFOSAT scelle une collaboration internationale entre l’agence spatiale chinoise et son homologue française. Les satellites embarquent des altimètres radar et des diffusiomètres ; ces derniers mesurent également la hauteur des vagues à partir de la réflexion d’une onde électromagnétique. Ils embarquent aussi des SAR, ou radar à synthèse d’ouverture, qui restituent l’image en deux ou trois dimensions à partir de la réception des ondes électromagnétiques qu’ils émettent.
L’avènement de l’instrumentation spatiale n’a pas fait disparaître pour autant les méthodes de mesures plus anciennes, qui permettent notamment… de calibrer les satellites ! Dans l’arsenal des instruments de mesures, depuis l’estran jusqu’au large, on trouve les bouées houlographes, qui mesurent les hauteurs des vagues mais aussi leurs directions, les perches à houles qui enregistrent des hauteurs en fonction de la durée, ou encore des capteurs qui mesurent la variation de pression au passage des vagues, permettant d’en déduire la hauteur de la colonne d’eau (lire p. 108).
Les voyages d’un train de houle à travers trois océans
L’océanographie physique est aujourd’hui capable de retracer la vie d’un train de vagues ou de houle. Le vent issu d’une dépression, par exemple, va par friction mettre en mouvement des masses d’eau et ainsi lever la mer. Plus le vent sera fort et soufflera longtemps, plus la mer du vent sera formée. La distance sur laquelle s’exerce l’action du vent, ou fetch, aura aussi son importance. Une fois que le vent cesse, la mer du vent se transforme en houle et se propage à travers les océans en se régularisant. « Une houle peut naître d’une tempête au large de Madagascar et être observée quelques semaines plus tard sur les côtes de la Floride après avoir traversé trois océans, raconte François Ardhuin. Lors de sa propagation, la période de la houle reste constante et constitue une sorte “d’empreinte digitale” de la tempête, qui nous permet de la suivre. Même si elle peut “rebondir” sur les côtes – c’est le phénomène de réfraction –, la houle va globalement tout droit ; seuls de forts courants comme celui des Aiguilles, au large de l’Afrique du Sud, par exemple, peuvent infléchir sa direction. »
Les périodes des vagues sont liées à leurs hauteurs ainsi qu’à la célérité de l’onde, sa vitesse de propagation à la surface de l’eau. Plus la période est longue, plus la hauteur et la vitesse de propagation des vagues seront importantes. Dans l’océan Atlantique par exemple, les houles d’une période de 15 à 18 secondes se rencontrent quelques fois par mois ; celles de 20 à 25 secondes n’arrivent qu’une fois par an, voire moins. Certains trains sont donc très caractéristiques et, en les couplant aux cartes météorologiques et à la direction de propagation, les scientifiques peuvent identifier la tempête qui les a causés.
Si la genèse de la mer du vent et sa mutation en houle sont bien connues aujourd’hui, l’analyse de la dissipation de l’énergie, au large, fait toujours l’objet de recherches. La mer du vent perd de l’énergie quand elle moutonne, ce qui produit de l’écume et un peu de chaleur. La houle, quant à elle, déferle seulement près des côtes. Là, elle se déforme à cause de l’influence grandissante du fond qui remonte. La période demeure constante, mais la longueur d’onde diminue. La géométrie de la vague change, elle se creuse, avec une cambrure qui s’accentue jusqu’au stade critique où la vague s’effondre. L’onde est alors détruite : c’est le déferlement ; un phénomène qui intervient notamment lorsque la vitesse de l’eau, au sommet de la crête, dépasse celle de la propagation de l’onde. Le phénomène est aggravé par la raideur de la pente du fond et, bien entendu, l’orientation du vent influence aussi sur la forme du déferlement. « Reste ce qui se passe au large, conclut Fabrice Ardhuin. Là, le frottement entre l’air et l’eau est l’hypothèse en cours d’étude pour expliquer la dissipation de l’énergie de la houle au large. »
Si les premières motivations de l’étude des vagues furent militaires, la nécessité de prédiction s’est élargie depuis la Seconde Guerre mondiale, entre les besoins de l’industrie d’extraction pétrolière en mer, les champs éoliens, l’ingénierie côtière ou plus simplement le trafic maritime marchand et la plaisance. Dans les années 2000, EDF était ainsi à la pointe de la recherche dans l’étude des vagues, grâce à des travaux destinés au dimensionnement des ouvrages d’art protégeant les bassins de refroidissement de centrales nucléaires comme celle de Paluel, près de Dieppe.
L’océan mondial a son « jumeau numérique », au maillage toujours plus fin
De nos jours, les prévisions reposent sur des modèles numériques qui découpent la surface des océans en un maillage de petites zones triangulaires juxtaposées. À chaque nœud du maillage formé par la rencontre de plusieurs triangles, les propriétés des vagues sont calculées grâce aux équations issues des modèles mathématiques. « Sur cette grille qui représente la surface de l’eau, les ordinateurs calculent en chaque point le résultat des équations demandées. Certains comportements comme la génération de vagues par le vent par exemple, répondent aux lois de la physique et sont bien maîtrisés en particulier à grande échelle. D’autres caractéristiques sont encore mal connues et difficiles à modéliser, comme l’influence des courants sur la houle. On tente malgré tout de les intégrer au modèle d’après des expériences ou des observations, nous explique Laurent Leballeur, expert des états de mer au Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM). »
Le modèle numérique Wavewatch 3, développé par un consortium international dont le SHOM fait partie, et coordonné par l’agence océanographique américaine (NOAA), est aujourd’hui le plus abouti. Ses données sont librement accessibles en ligne. La précision du modèle réside dans sa résolution, c’est-à-dire la finesse du maillage. Plutôt large en pleine mer, celui-ci se resserre près des côtes afin de modéliser le plus finement possible les interactions complexes des vagues avec le rivage et les fonds. La recherche est actuellement très active pour faire progresser ces modèles numériques. Certaines zones complexes sont modélisées par des programmes spécifiques, comme les bassins-versants. L’étape suivante de la modélisation est la mise en interaction de tous les modèles spécifiques afin qu’ils échangent des informations. « Avant, par exemple, nous précise Laurent Leballeur, on modélisait les vagues sur un programme avec un niveau d’eau constant, et un autre programme permettait de modéliser les marées. Petit à petit, on est parvenus à les coupler. Et désormais, la modélisation des vagues tient compte de la variation du niveau d’eau due à la marée. Maintenant, on passe à l’échelle encore au-dessus en couplant les grands systèmes entres eux comme l’atmosphère, l’océan ou encore les bassins-versants. »
Ces projets, toujours en cours, ont pour but d’obtenir de véritables « jumeaux numériques » comme le Digital Twin Ocean, développé par Mercator Ocean International, société internationale à but non lucratif œuvrant pour le développement de simulations numériques de l’océan, dans le cadre du programme européen Copernicus de collecte de données sur l’état de la Terre. Libre d’accès en ligne, ce modèle offrira un service de surveillance et de prévision.
Les nouveaux outils ne cessent de progresser, comme le satellite de topographie océanique des eaux de surface SWOT, développé par les agences spatiales américaine et française, lancé en décembre dernier (lire p. 109). Doté de meilleurs instruments de mesures que la génération précédente, sa mission est d’améliorer notre connaissance des courants marins et de la circulation océanique. Beaucoup des recherches actuelles s’intéressent en effet aux interactions entre systèmes : à l’intérieur du champ de vagues, entre les vagues et le courant ou entre celles-ci et l’atmosphère. En plus des phénomènes d’interactions complexes à définir, la recherche se concentre aussi sur l’étude de zones particulières comme les milieux vaseux ou les régions polaires, riches en glace, où la propagation des vagues et de la houle est encore peu connue.
Les phénomènes fortement énergétiques, comme les ouragans, et leurs actions sur les océans sont également à l’étude. Les difficultés de mesure s’y ajoutent à la complexité des phénomènes.
La croissance du nombre des tempêtes et de leur force fait désormais consensus chez les scientifiques. Le contexte climatique et le danger que représente le rehaussement du niveau de la mer, notamment pour certains États insulaires ou côtiers, donnent aujourd’hui à l’océanographie physique une place de plus en plus importante. Bien que peu connue du grand public, l’étude des vagues semble donc avoir de beaux jours devant elle…
EN SAVOIR PLUS
LES INSTRUMENTS DE MESURES DES VAGUES
Les satellites donnent des mesures de grande précision, dans des zones difficiles d’accès où la météo est parfois très rude, mais l’instrumentation antérieure reste utile, ne serait-ce que pour calibrer les mesures satellites et confronter les modèles numériques aux relevés. En France, le Service hydrographique de la Marine ou l’IFREMER conservent un parc d’instruments et les moyens de les déployer.
BOUÉES HOULOGRAPHES
Ces bouées sphériques jaunes ou rouges, de 40 à 90 centimètres de diamètre, sont mouillées plus ou moins loin des côtes. Certaines emploient des accéléromètres couplés à un compas magnétique afin d’enregistrer les mouvements verticaux et horizontaux, permettant d’obtenir la hauteur et la direction de la houle ; d’autres utilisent des instruments basés sur un récepteur GPS.
CAPTEURS DE PRESSION
Afin de mesurer la hauteur des vagues, il est également possible d’utiliser des capteurs de pression fixes immergés. Des tubes d’une quarantaine de centimètres de longueur pour un diamètre de 8 centimètres intègrent le capteur et un microprocesseur qui enregistre les données sur une carte mémoire. Au passage de la houle, la variation de la pression enregistrée est liée à la hauteur de la colonne d’eau. En associant au moins quatre capteurs disposés au fond de l’eau, les scientifiques peuvent restituer la hauteur et l’orientation des vagues.
PERCHES À HOULE
Les perches à houle sont des dispositifs fixes verticaux installés près des côtes. Des capteurs électriques y sont disposés à intervalles réguliers, indiquant en continu jusqu’à quelle hauteur elles sont immergées.
CAMÉRAS STÉRÉO VIDÉO
La stéréo vidéo est permise par deux caméras synchronisées filmant la même zone. Elles peuvent être installées sur des plateformes en mer ou sur des bateaux, réalisant un relevé sur quelques mètres carrés de mer. La différence de points de vue permet de recomposer une image en trois dimensions, à l’instar des yeux des êtres humains. Cette technologie, notamment déployée par France Énergie Marine sur le phare de la Jument à Ouessant, permet ainsi d’observer finement la propagation imbriquée de grosses et de petites vagues, dont la répartition de l’énergie est encore méconnue.
Quand la vague se fait scélérate
Longtemps considérées comme un mythe ou comme le fruit de l’exagération, les vagues scélérates peuvent former de vertigineux murs d’eau issus de l’interaction de plusieurs vagues, l’une d’entre elles se dressant en empruntant l’énergie de ses voisines.
Une vague est dite scélérate si sa hauteur atteint au moins deux fois la hauteur significative de la mer, valeur définie comme la hauteur moyenne du tiers supérieur des vagues les plus hautes : ce serait le cas, par exemple d’une vague dantesque de 15 mètres de haut qui se formerait dans une mer de 6 à 7 mètres de hauteur significative. Les plus hautes vagues jamais enregistrées dépassent les 25 mètres.
Ce phénomène fait toujours l’objet d’études mais il reste, de nos jours, encore mal connu. Se produisant dans des mers très fortes, il est difficile à mesurer. Les satellites ne disposent pas encore d’une définition suffisante, et du fait de la rareté de ces lames, la chasse s’annonce difficile.
RENVERSANT LABORATOIRE !
Après des tests non concluants menés à bord du sous-marin USS Baya dans les années 1950, pour obtenir la stabilité nécessaire à certaines mesures, notamment acoustiques, la société d’architecture navale américaine Glosten Associates propose une solution pour le moins originale: un navire vertical, formé d’un long tube cylindrique de 108 mètres de long, surmonté d’une proue conventionnelle. Dépourvu de moteur pour ne pas perturber les instruments de mesures embarqués, ce navire de recherche est remorqué à l’horizontale sur sa zone d’étude, puis des ballasts à la base du cylindre sont inondés – la base s’immerge peu à peu et toute la structure pivote à la verticale, ne laissant dépasser de la surface de l’eau que l’extrémité abritant le laboratoire et les zones de vie.
L’opération prend une vingtaine de minutes. Nommé RP FLIP (acronyme de Floating instrument platform, « plateforme instrumentale flottante » et jeu de mot sur to flip, « pivoter ») ce navire dérivant est très peu sensible au tangage ou au roulis, grâce à son fort contrepoids immergé et à sa faible surface de flottaison. Onze personnes peuvent prendre place dans la cellule de vie avec une autonomie d’un mois pour étudier la hauteur des vagues et les signaux acoustiques, mais aussi pour récolter des données sur la température, la densité de l’eau et la météorologie.
Autre singularité de l’engin : son aménagement intérieur. Afin qu’il puisse être utilisé pendant le remorquage (horizontal), mais aussi lors de sa mission scientifique, tout l’aménagement intérieur pivote de 90 degrés lorsqu’il se met à la verticale. Le site de l’Institut océanographique Scripps, qui exploite le navire, indique qu’en 2013, la structure du navire scientifique, lancé en 1962, était en toujours en bon état. L’année suivante, le projet RV FLIP II, porté par le département d’architecture navale de l’université du Michigan, prévoyait un remplaçant à ce laboratoire pas comme les autres en reprenant l’architecture globale, mais en améliorant les faiblesses du prototype, notamment en le dotant d’une propulsion rétractable.
Les promesses du SWOT
Le satellite de topographie des eaux de surface et de l’océan SWOT a été lancé en décembre dernier. Son principal outil de mesure, un altimètre nommé KaRIN, se fonde sur l’interférométrie radar, grâce à deux antennes disposées aux extrémités de mâts de dix mètres de long.
La résolution de l’appareil de mesure a nettement évolué depuis les générations précédentes : KaRIN est désormais capable d’atteindre une précision d’élévation de moins de 2 centimètres. Ce programme est l’aboutissement de trois décennies de collaboration entre l’Agence spatiale américaine (NASA) et le Centre d’études spatiales français (CNES).
Les données recueillies doivent faire progresser l’hydrologie, avec un suivi précis des variations des niveaux des lacs et des cours d’eau. Pour les océanographes, grâce à sa résolution très élevée, il permettra une meilleure connaissance de la circulation océanique, contribuant notamment à une meilleure compréhension des interactions entres les courants et les vagues. Les tout premiers résultats s’annoncent prometteurs, mais la communauté scientifique doit encore patienter pour pouvoir exploiter cet outil. ◼