Pour sa nouvelle édition, l’été dernier, les participants au challenge naviguer léger avaient rendez-vous en Hollande. Une semaine durant, ils ont sillonné les eaux intérieures des lacs et des canaux des Pays-Bas.
par Roger Barnes
C ’est Dieu qui a fait la Terre, disent les Néerlandais, mais c’est nous qui avons fait les Pays-Bas. » Ici, on sait bien que seules les digues qui contiennent la mer et les pompes qui drainent incessamment les terres empêchent les eaux d’envahir une bonne partie du pays, situé sous le niveau de la mer. Un « loup des mers » mythique harcèle ces côtes, avide de planter ses mâchoires écumantes dans l’arrière-pays.
Une froide nuit d’hiver, en 1916, une marée de tempête s’engouffra dans le Zuiderzee, ce golfe peu profond séparant la Hollande de la Frise. L’onde déborda les digues, submergeant les champs, les villes et les villages. Une solution ambitieuse s’imposa : barrer l’entrée du Zuiderzee par une immense digue. Ainsi isolé du flot, il deviendrait un inoffensif lac d’eau douce, l’IJsselmeer.
Les travaux commencèrent en 1927. Sous la supervision de l’ingénieur Cornelis Lely, des grues à vapeur élevèrent 32 kilomètres de remblai. En 1933, l’Afsluitdijk, la « digue de fermeture » fut enfin achevée. C’était la fin, dans ces eaux, de la pêche des harengs, des anchois, des poissons plats et des crevettes, mais le drainage des zones peu profondes fermées par la digue permit de créer de nouvelles terres agricoles qui s’avérèrent très fertiles. Quant aux anciens ports de mer du Zuiderzee, ils devinrent bientôt de prospères zones résidentielles et touristiques.
Voilà le cadre que le Challenge naviguer léger (CNL) s’est choisi pour sa dernière édition en juin dernier. Pour la première fois, ce rendez-vous annuel initié en 2015 se tenait hors de France. Le principe de ce rassemblement consistait, à l’origine, à parcourir une centaine de milles en trois ou quatre jours, à la voile ou à la seule force humaine et en totale autonomie avec pour objectif notamment de promouvoir un art de « naviguer autrement » sobre et proche de la nature… L’occasion aussi de montrer de quelles croisières étaient capables d’aussi modestes canots.
Gilles Montaubin et Emmanuel Conrath, concepteurs de cette édition, ont donné rendez-vous aux participants à Naarden, en Hollande du Nord. Sur l’ancienne côte Sud du Zuiderzee, cette ville-forteresse au plan en étoile et aux rues étroites d’allure pittoresque fait face aux polders asséchés. Avec Mary Dooley, mon équipière sur l’Ilur Avel Dro (CM 287), nous avons choisi d’arriver un peu en avance pour pouvoir visiter le centre historique avec des bicyclettes que nous empruntons au port de plaisance, et passer une journée à Amsterdam. Le dimanche 12 juin, nous retrouvons au port les autres participants au cnl. La plupart de ces onze équipages venus de France, de Belgique et du Royaume-Uni se sont rencontrés lors des précédentes éditions mais certains viennent aujourd’hui avec un nouveau bateau, la flottille évoluant d’année en année vers des unités plus rapides et plus élaborées… Sur les douze bateaux présents, seuls quatre peuvent être qualifiés de traditionnels ou de classiques – deux Ilur (CM 38), le mien et Tournepierre, à Emmanuel Mailly, le cotre de Carantec Amzer Zo, à Patrick Menneteau (CM 307) et Whimbrel, le Wayfarer de Stéphane Blanc. En Grande-Bretagne, ce dériveur gréé en sloup bermudien est un des modèles favoris des adeptes de la croisière légère, le Wayfarer comptant de nombreuses grandes traversées à son actif, y compris, récemment, le tour des îles Britanniques sans escale !
Ces quatre participants – et leurs montures – sont tous des vétérans du CNL, comme Gilles Montaubin, du chantier M.E.R., qui vient en général avec un nouveau bateau, profitant du Challenge pour mettre à l’épreuve les avatars de sa conception, unités conçues pour la vitesse à la voile et à l’aviron tout en demeurant des bateaux marins et à l’aise en croisière. Gilles naviguera cette année à bord de son Walabi, Alain Gœtz menant quant à lui l’Émerillon 17 Petit Gabriel, un autre dessin de Gilles. Ces deux nouveaux plans Montaubin sont nettement plus puissants que les précédents vus sur le CNL.
Le chantier Arwen marine est toujours bien représenté, avec cette année quatre bateaux : deux Goat Island Skiff – Épik, à Pierre Mucherie, et le Let’s Goat d’Emmanuel (CM 308). Ces bateaux polyvalents conçus par l’Australien Michael Storer (CM 322) sont bons marcheurs à l’aviron avec des performances sous voile de dériveur moderne, quoiqu’ils portent un gréement au tiers traditionnel.
Alea, le plus petit bateau de la flottille (4,26 mètres), est également un plan Storer, canoë du type Viola mené par Marco Dessardo et fraîchement sorti de chez Arwen Marine. C’est le seul bateau « poids plume » cette année, Marco ayant souhaité pour sa nouvelle unité conserver la légèreté et la portabilité de son ancien canoë en aluminium. Enfin, Jean-Louis Tiberghien est arrivé avec Ravie, un Silmaril (CM 257), né d’une collaboration entre Emmanuel Conrath et François Vivier, très joli bateau dont les belles lignes ne sont pas sans rappeler celles d’un Whitehall (CM 76), avec une coque effilée, gage de bonne marche à l’aviron, tandis que sa voile au tiers s’établit sur des espars en carbone-époxy.
Des années durant, le Monotype des Pertuis dessiné par Jean-François Garry était le plus fort des challengers. Généreusement toilé, il nous laissait loin derrière… Cette fois, Fipanou allait avoir fort à faire avec le RoG 15 Bluto, à William Pieter. Construit par Arwen marine sur des plans de Jean-François Bédard, c’est le seul concurrent « à cabine », les abris des deux bateaux signés M.E.R. relevant davantage d’un rangement. Doté de deux mâts et d’un bout-dehors, Bluto peut établir un grand nuage de toile noire qui en fait un bateau rapide malgré sa longueur modeste.
le challenge reste un défi « à la française », avec ses longues pauses pour déjeuner
Face à cette jeunesse si compétitive, je choisis d’appareiller un peu plus tôt que les autres le premier jour, m’engouffrant bientôt au louvoyage entre les culées de béton du pont routier et ferroviaire sous lequel il faut passer pour accéder au plan d’eau. Dans mon sillage, les autres participants progressent à l’aviron contre le vent qui accélère sous l’ouvrage d’art. Au-delà, les eaux peu profondes du Markermeer, la partie méridionale du lac formé par l’ancien Zuiderzee, s’offrent à nous.
Quand le temps fraîchit, le déplacement d’Avel Dro tourne à son avantage… Et c’est ainsi que nous arrivons bons premiers à l’île de Marken, mouillant sous le vent d’un hameau de maisons en bois pour attendre les autres… pronostiquant d’ailleurs de potentiels abandons ! Marco, auquel on donnait le moins de chance de parvenir à franchir le pont avec son canoë, nous fera heureusement mentir, nous rejoignant bientôt, ravi quoique trempé jusqu’à la moelle, faute d’avoir enfilé sa combinaison sèche. « Mon problème c’est que j’embarque de l’eau, nous explique-t-il. J’ai bien un vide-vite, mais il marche bien à partir de 4 nœuds, et je suis tout le temps à 3,5 nœuds ! »
Ravie, dont on pensait qu’il était tout juste bon pour l’aviron, à la rigueur sous voile mais en eaux calmes, arrive à son tour. Jean-Louis nous montre dans la foulée son ballast de 100 litres, ainsi que les nombreux compartiments étanches inclus dans ses réserves de flottabilité. Manifestement, ce bateau recèle maintes ressources cachées…
Après un repas à l’ancre – certes le Challenge est un défi, mais il est organisé par des Français, et le programme comprend donc de longues pauses pour déjeuner ! – la flottille repart, cap vers la pointe de l’île de Marken, avant de piocher dans le raide clapot du Markermeer, parcouru par un vent du Nord. Au terme d’un long bord de près, croisant plusieurs péniches à voile dont les dérives latérales battent dans les vagues, nous atteignons Hoorn, port jadis important qui a donné son nom au célèbre cap et où nous allons passer la nuit.
Une nuit sur la berge, sous un ciel immense
Le lendemain, nous franchissons à l’aviron l’écluse de bois qui protégeait la ville avant la création de l’IJsselmeer. Dans le centre historique, nous découvrons une série de bassins étroits remplis de péniches à voile, entourés de hautes maisons aux pignons à gradins et aux volets aux couleurs éclatantes.
La digue moderne qui sépare l’IJsselmeer du Markermeer est percée de monumentales écluses, qui assurent le passage de l’important trafic sillonnant les voies d’eaux intérieures. Au-delà, les clochers et les toits pointus d’Enkhuizen nous serviront d’amer pour rejoindre notre nouvelle halte.
Le troisième jour, il s’agit de traverser l’IJsselmeer vers la Frise. Avec la chaleur, le vent s’éteint bientôt et c’est à l’aviron que nous glisserons sur la surface soyeuse, jusqu’au but. Le « plat pays » l’est tant qu’on ne voit rien d’autre que des péniches au moteur, voiles ferlées, et les éoliennes de la côte. Sur Avel Dro, chacun occupe son banc de nage, une configuration qui permet de marcher bon train à l’aviron. Mary est une rameuse enthousiaste, mais son ardeur doit faire face à une soudaine et redoutable attaque de… moucherons ! Accélérer en espérant les distancer n’y changera rien : les mouches hollandaises se montrent capables d’atteindre en vol une vitesse au moins égale à celle de deux Britanniques à l’aviron. Bientôt elles sont partout dans nos cheveux, sur nos figures, dans nos habits. Mary finit par craquer, les poursuivant à travers le canot, pestant, jurant, et les massacrant du revers de sa casquette.
La flottille se retrouve à Stavoren. Après avoir évacué la multitude de cadavres écrasés par Mary dans sa folie meurtrière, nous pénétrons dans une nouvelle écluse géante, qui va nous faire descendre jusqu’à un canal. Un nouveau monde s’offre à nous, celui des paysages enchantés des rivières, des canaux et des petits lacs de Frise. Les rives basses sont frangées de roseaux et bordées d’arbres. Des moulins anciens et des fermes isolées se nichent au loin dans l’étendue des champs fertiles. Nos bateaux seront tirés sur la berge d’un des lacs pour la nuit, au milieu des zones humides et sous un ciel immense.
L’air est froid au matin. Les rayons du soleil miroitent sur l’eau calme tandis que la flottille se glisse en silence à travers une série de lacs et de goulets, à la voile ou à l’aviron. À Woudsend, jolie petite ville atteinte par un canal qui serpente, certains accostent pour prendre un café sur la rive. L’équipage d’Avel Dro en profite pour se ravitailler.
L’après-midi, un vent léger suffit à gonfler nos voiles et c’est ainsi que nous poursuivons notre route sur les calmes voies d’eau de la Frise, à travers la campagne, au long des canaux, à travers les lacs et de jolis villages. Au passage des ponts basculants, les gardiens qui nous ouvrent la voie descendent au bout d’un fil attaché à une canne le sabot de bois où chacun dépose son droit de péage.
L’écluse de la princesse Margriet est atteinte dans le gris crépuscule, ce sas aux dimensions dignes de Piranèse nous remontant au niveau de l’IJsselmeer. Nous manquerons malheureusement de temps pour découvrir Lemmer, où nous faisons escale, petite ville aussi adorable que toutes celles que nous avons vues sur la côte de l’ancien Zuiderzee. Le lendemain, nous devons partir tôt afin de regagner l’autre côté de l’IJsselmeer.
Cette traversée nous prendra toute la journée, au louvoyage dans une petite brise. À Enkhuizen, notre campement se reconstitue, quelques canots étant dotés de tauds faits sur mesure, comme Avel Dro, mais la plupart se couvrant de tentes légères à arceaux trouvées dans le commerce, choisies aux dimensions du bateau. Au matin, les fermetures Éclair s’ouvrent sur les lumières délicates d’un jour naissant. Les visages aux yeux ensommeillés apparaissent. Bientôt le café chauffe et l’appareillage s’annonce.
Certains devant rentrer – trois équipages nous ont déjà quittés la veille pour rejoindre Naarden –, la flottille se divise en deux au matin du samedi, sixième jour du Challenge. Tandis que le plus gros du contingent rejoint l’IJsselmeer à l’aviron, Avel Dro et Amzer Zo choisissent de poursuivre ensemble. Avec Patrick et Mary, en effet, nous ne sommes pas pressés de quitter les Pays-Bas. Avant de gagner Naarden demain, nous souhaitons visiter le musée du Zuiderzee à Enkhuizen (CM 19), encouragés par certains qui l’ont vu la veille. On peut y découvrir plus de cent trente bâtiments historiques, déplacés depuis tout le littoral, ainsi que d’innombrables bateaux traditionnels amarrés le long de ses quais et de ses canaux. En flânant dans les ruelles aux petites maisons de bois, nous avons enfin commencé à mieux comprendre les lieux que nous avions sillonnés, la vie de leurs habitants et leur lutte pour créer les terres sur lesquelles ils vivent.
Le samedi après-midi, Avel Dro et Amzer Zo traversent à nouveau le Markermeer, cap sur Edam. Dans un vent forcissant, nous filons 5, 6, voire 7 nœuds dans les surfs. C’est notre navigation la plus éprouvante de la semaine. Comme nous gagnons des eaux toujours moins profondes, les vagues grossissent alors que l’entrée d’Edam reste cachée jusqu’au dernier moment dans la ligne indistincte de la côte. Après un virage sec sur tribord, avec le clapot brisant par-dessus notre avant, nous nous retrouvons enfin à l’abri dans le canal, dérivant devant un bistrot, sur la berge, dans l’odeur réconfortante des frites et du lekkerbek, le fish and chips local.
En même temps que de bons navigateurs, nous devons être des bons vivants
Le lendemain, après la découverte tranquille d’Edam et un passage à son marché au fromage, il est temps de mettre à la voile vers Naarden. Pour nous, ces deux derniers jours venaient corriger un défaut involontaire du programme : nous avions remorqué nos bateaux sur des centaines de kilomètres pour venir naviguer aux Pays-Bas, mais jusqu’alors nous n’avions pas vraiment eu l’impression de découvrir le pays, sa culture…
« Le Challenge naviguer léger est un défi, pas une croisière », rappelle souvent Gilles Montaubin. C’est un moment où éprouver son sens marin, son endurance, la capacité de son bateau, une occasion de progresser. Mais si la recherche de la performance pure prend le dessus, les bateaux plus traditionnels pourraient ne plus y trouver leur place.
Dans le même ordre d’idées, le plus âgé d’entre les participants du Challenge 2022 était Patrick Menneteau, sur le bateau le plus ancien, le plus petit, et le plus lourd. Son Amzer Zo emporte un petit moteur hors-bord, remisé la plupart du temps sous le pontage avant, mais Patrick l’a sorti au passage des écluses et lors des longs calmes en eaux ouvertes. Le canot de Patrick est un remarquable petit bateau, très bien pensé pour la navigation en solitaire, et il serait bien dommage qu’il ne se sente plus bienvenu au CNL.
De fait, on peut regretter que le Challenge 2022 ait donné tant d’importance aux longues distances en eaux ouvertes. Nous aurions pu mener nos petits bateaux au cœur des vieilles villes côtières, toutes étonnantes et traversées par des canaux. Plutôt que de les visiter à pied, nous aurions pu abattre nos mâts, nous balader à la godille entre les façades étroites, et nous amarrer pour la nuit, peut-être face à un restaurant des quais…
Tout en faisant la démonstration des possibilités offertes par le « naviguer léger », les Challenges devraient aussi explorer la philosophie plus vaste du « naviguer autrement ». Que pouvons-nous faire, dans nos petits canots, que l’on ne peut pas se permettre à bord de yachts conventionnels ? Les bateaux habitables sont des machines merveilleuses, mais leur cabine isole leurs équipiers du monde qu’ils viennent découvrir. Par contraste, dans nos petits canots ouverts, nous demeurons profondément plongés dans notre environnement. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles ils permettent tant de rencontres.
La frange entre la mer et la terre est la partie la plus fascinante de l’océan, et dans nos petits bateaux nous avons moyen de l’explorer jusque dans ses moindres détails. En nous aventurant au ras des cailloux et du littoral, nous pouvons faire l’expérience de toutes les merveilles de la côte, apprécier en profondeur le paysage et la culture des lieux que nous visitons. Voilà pourquoi, en même temps que de bons navigateurs, nous devons être des bons vivants. Nous nous devons de bien vivre, de bien manger et de bien boire. Nous devons savoir flâner. Sans excès de bagages encombrants, spirituels ou physiques, nous pouvons nous promener aux marges des grands océans, en faisant l’expérience de leurs cultures dans toute leur puissance et leur diversité.
EN SAVOIR PLUS
RoG 15, UN MINICROISEUR CHEZ LES VOILE-AVIRON
Le RoG 15 a été dessiné par Jean-François Bédard, architecte naval québécois installé en Floride, dans le cadre de son projet de fin d’études. Le concepteur a ensuite construit le prototype afin de participer à l’Everglades Challenge, raid exigeant autour de la Floride qui a inspiré le nom du modèle – acronyme de River of Grass, « la rivière d’herbe », surnom du réseau de marécages et de lents cours d’eau des Everglades. Le RoG 15 a depuis été mis au catalogue du chantier Arwen Marine (CM 207), qui distribue le bateau en France, en kit ou barre en main.
Cet exemplaire a été construit en contreplaqué d’okoumé stratifié lin-époxy biosourcé. Pour limiter le déplacement, les virures sont de seulement 6 millimètres d’épaisseur. En contrepartie, la structure interne – qui compte 165 pièces – est assez dense, afin d’apporter de la raideur.
Gréé en ketch avec des voiles s’enroulant autour de mâts tournants, le petit croiseur à bouchains vifs est doté d’une teugue. Alors que le bateau ne fait que 4,65 mètres de long, l’espace intérieur accueille deux bannettes, un petit réchaud et des espaces de rangements. Tout est prévu pour le raid côtier.
La carène du RoG 15 se caractérise par une muraille verticale et un bouchain dégagé de l’eau, qui contribue à diminuer la surface mouillée. Une qualité appréciable à l’aviron, où la position du rameur assure une bonne assiette au bateau.
Avec un tableau large associé à des formes avant généreuses, la coque prend de l’assiette sur l’avant quand elle gîte. Le faible déplacement (autour de 230 kilogrammes lège) et les formes arrière tendues et plates promettent une jolie glisse, avec la possibilité de gréer un gennaker sur bout-dehors. Le cockpit, quant à lui, est vaste ; il occupe toute la moitié arrière et deux adultes peuvent y prendre place au vent. Cependant, l’emplanture de l’artimon, au milieu du cockpit, juste devant la barre, est moins convaincante d’un point de vue ergonomique.
Viola 14, l’approche ultralégère
Dessiné par Michael Storer (CM 322), le Viola est un canoë pour le moins minimaliste. 34 kilogrammes : c’est le poids de sa coque. Un déplacement plume rendu possible grâce à un bordé en contreplaqué okoumé de 4 millimètres. La faible largeur n’offre guère de stabilité de forme ; l’équipier devra assumer seul l’équilibre de l’engin en se postant au rappel.
Le plan prévoit une dérive sabre, permettant un meilleur positionnement du barreur que la dérive pivotante installée sur Aléa. Les bords de portant dans la brise s’annoncent sportifs ; attention à l’enfournement et au chavirage. La finesse des entrées d’eau et de la coulée assurent une faible résistance à l’avancement, facilitant la progression, à la pagaie, quand le vent vient à manquer.
Le gréement est composé d’une seule voile – bermudienne ou au tiers bômée, au choix – établie sur un mât autoporté. La position du palan d’écoute situé sur le tiers avant de la bôme a de quoi surprendre même si on comprend qu’elle facilite le passage de l’équipier au virement. Le centrage de la voile en revanche ne semble pas trop en pâtir, certainement grâce à sa surface modérée et donc des efforts réduits
WALABI 17, POUR PLANER DANS LA BRISE
Le Walabi 17 a été dessiné et construit au chantier M.E.R. par Gilles Montaubin. Ce dériveur de 5,20 mètres est dans l’air du temps : lignes tendues, étrave verticale, tableau arrière large et entièrement ouvert sur un très grand cockpit. Le gréement de catboat présente une grand-voile à balestron s’enroulant autour du mât, un gennaker pouvant être établi sur bout-dehors.
L’architecte a doté le bateau de deux dérives sabres asymétriques plutôt qu’une centrale, afin d’éviter les risques de blocage de cette dernière dans son puits. Cette configuration offre également l’avantage de libérer l’espace central du cockpit. Les deux dérives servent aussi de béquilles à l’échouage.
Les formes plates et tendues sont taillées pour la glisse au portant. Toutefois, la largeur du bateau à la flottaison est probablement pénalisante à l’aviron, même si Gilles Montaubin assure une vitesse de 5 nœuds avec un rameur en bonne forme.
Court et bas, le rouf crée une « semi-cabine », l’idée – singulière – étant d’offrir un grand rangement mais aussi de permettre à un adulte de s’allonger à l’intérieur avec la tête dépassant du panneau de descente vers le cockpit une fois le bateau cabané (avec le balestron comme faîtière et le bout-dehors, démontable, comme support vertical à l’arrière)…
La claustrophobie avouée de l’architecte n’y est probablement pas pour rien ! À noter que le cockpit est assez long et spacieux pour que deux adultes puissent s’y allonger. Sur le second exemplaire, nommé Walabis et doté d’un gréement de ketch, un rouf plus long offre les 2 mètres indispensables pour se coucher à l’intérieur.