C’est un plan de légende qui est actuellement entre les mains du charpentier de marine François Blatrix dans son chantier de Baden, dans le Morbihan. Construit au chantier Souter de Cowes en 1965, Yanica n’est autre que l’un des deux frères en construction (et le seul survivant) du célèbre Monk of Malham conçu par John Illingworth.
Yanica est acquis, l’année de son lancement par la société civile Les Plaisanciers réunis, dont un des quatre associés n’est autre qu’Henri Rouault qui, à la fin des années 1950, avait commandé à Illingworth les plans du Maïca qui a donné naissance à la série portant son nom. Dès 1965, le bateau dessiné par Illingworth court les régates du Royal Ocean Cruising Club (RORC). Il remporte notamment la Cowes-Dinard, dans la classe 2, en 1966.
En 1970, Yanica passe aux mains de Dominique Meyenberg qui le rebaptise Boomerang II et le base aux Embiez, dans le Var. Le moteur est remplacé et surtout, le cotre est converti en sloup, avec une bulle « à la Tabarly » sur le capot de descente. En 1987, le Lillois Denis Billon en devient le troisième propriétaire. Désormais basé à Nieuport (Belgique), le plan Illingworth rejoint, par la route, Saint-Malo et le chantier Labbé en janvier 1991. Les travaux visent notamment à réparer le rouf… qui perd sa bulle mais également ses hublots. Un an plus tard, Boomerang II gagne le chantier malouin Leclerc où il reste deux ans avant de reprendre la mer.
En 2005 enfin, c’est au tour de Benoît Feracci de prendre la barre. Le yacht gagne bientôt le chantier Pichavant à Loctudy dans le but d’une restauration des œuvres mortes. Mais après le démontage du pont et du rouf, le projet doit être mis en attente. Dix années durant, Yanica va être stocké dans un hangar.
Le 15 mars 2016, Philippe Lamotte et William Vogel rachètent le voilier, dont ils transfèrent bientôt la propriété à une association, Les Amis de Yanica (<yanica.fr>). En 2018, le plan Illingworth, qui a retrouvé son nom de neuvage, est classé au titre des monuments historiques.
Yanica a rejoint le chantier de François Blatrix à la fin de l’été dernier. Une fois le lest (4 t) et le safran déposés, la restauration à proprement parler a pu commencer par le remplacement de l’étrave, puis celle de l’allonge de voûte et de l’étambot dont la fabrication en bois moulé a nécessité quarante-cinq plis de 3 mm d’épaisseur. Le tableau a été refait ainsi que certaines varangues ou encore les bauquières. À la veille du confinement printanier, c’est le nouveau puits de dérive, à l’arrière, et la cloison de cockpit qui rejoignaient leur place. Là où le bordé, en plutôt bon état, doit être refait – la coque en bois moulé a été construite avec six plis de 4 mm d’épaisseur – François Blatrix et ses charpentiers, Loïc Siat et Robin Durand ont choisi d’utiliser des lattes d’acajou de 12 mm d’épaisseur qui seront recouvertes de trois plis croisés. Mi-avril, à l’heure où nous bouclons, le chantier morbihannais s’affairait autour de la restitution du cockpit. Une fois remis à l’eau – la fin du chantier est prévue pour juin 2021 –, Yanica aura à son programme des rassemblements et, bien entendu, un riche programme de régates jusqu’en Angleterre. La formation de jeunes à la manœuvre d’un tel yacht de course-croisière est également prévue.