[COURRIER DE LECTEUR] Le Musée de la batellerie de Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines, vient de faire l’acquisition d’une yole apparue sur la Seine vers 1880. D’une longueur hors tout de 7,42 mètres, un maître-bau de 1,07 mètre, élégante et particulièrement légère (23 kilogrammes), elle est l’oeuvre du constructeur Georges Seyler (CM 277), dont les ateliers étaient installés, à cette époque, sur le quai de Seine à Courbevoie. Cette yole dite « de Maurecourt » est un as, une embarcation de promenade pour un seul rameur et un barreur. Son bordé, en acajou du Honduras (Swietenia macrophylla), est fait en tout et pour tout de deux planches de la longueur du bateau et de 0,60 mètre de large pour une épaisseur de 5 millimètres !
Étonnés par la finesse de ces planches, nous nous sommes documentés sur l’usinage des bois au milieu du XIXe siècle et avons prospecté les rares ateliers de sciage encore existants en Île-de-France dont les Établissements George à Bagnolet, où nous avons découvert une machine dite « à bois montant », brevetée en 1814 par le mécanicien Jean-Baptiste Cochot. Monsieur George en a conservé deux exemplaires, et nous a montré le fonctionnement de l’une d’elles, placée au-dessus d’un puits de 4 mètres de profondeur – les plus profonds atteignent 10 mètres. La grume à débiter est placée à la verticale dans le puits et fixée sur un « cabriolet », un support mobile entraîné par une crémaillère. La scie débite la grume horizontalement au fur et à mesure que celle-ci est remontée par la crémaillère. Monsieur George nous a montré des feuillets de quelques millimètres d’épaisseur parfaitement lisses.
La question du débit en partie résolue, Claude Dirlik a fabriqué un modèle de l’as au 1/10 à partir d’un moule. En humidifiant légèrement les bordages, il a pu les mettre en place tout naturellement, nous confirmant ainsi leur caractère développable. Prochaine étape : réaliser un fac-similé avec l’outillage la clouterie en cuivre de l’époque en vue d’une construction. Une difficulté sera de dénicher un scieur disposant d’un puits de 7,50 mètres de profondeur ! Un lecteur du Chasse-Marée pourrait-il nous dépanner ? La seconde est de trouver les fonds nécessaires… Toutes les aides sont les bienvenues. Nous remercions Laurent Roblin, conservateur en chef du musée de la Batellerie pour sa disponibilité et ses conseils.
François Casalis
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par François Casalis. En un siècle (1870-1970), cette dynastie aura accompagné l’évolution des loisirs nautiques sur la Seine et la Marne, produisant toutes sortes d’embarcations à voiles, à rames, à pagaies ou à moteur.