C’est à bord d’une coquille Saint-Jacques, si l’on en croit Botticelli, que la déesse de l’Amour aborda nos rivages… Néandertal et Homo Sapiens ramassaient la Pecten maximus pour s’en parer (jusqu’à la mort, les sépultures du Mésolithique en attestent), s’en servir d’outil ou de récipient… à l’instar des pêcheurs bretons qui l’emmanchaient et s’en servaient de cuiller pour super leur godaille, encore au début du XXe siècle. Aujourd’hui que l’humanité en engloutit 2.4 millions de tonnes par an, cette coquille et ses cousines demeurent des objets de merveille et Laurent Chauvaud, qui leur a consacré sa vie de scientifique (il est directeur de recherche au CNRS) célèbre la belleaux deux cents yeux céruléens dans un petit livre plein de savoir, de passion et de charme. Il la chante et la décrit sous tous ses aspects. En naturaliste d’abord, rien sûr, en historien des temps premiers de l’humanité et même de la planète (apprenez que l’on sait lire dans les coquilles, comme dans le coeur des arbres, l’histoire des eaux, des vents et du temps qu’il fit, et ce jusqu’à des âges où les coquilles n’avaient rien à craindre des bipèdes qui les draguent à présent), mais aussi en poète (il a une plume charmante) et en amoureux qui l’a suivie jusque dans les glaces antarctiques. Point d’anthropomorphisme ou d’élégie foireuse à une Nature idéalisée, mais irréelle… Une passion communicative pour le merveilleux et délectable mollusque, qui renvoie aussi à celui qui le regarde et l’étudie. Comme l’amour de la mer, l’amour de la coquille est aussi et avant tout un humanisme.

La coquille Saint-Jacques, sentinelle de l’océan, Laurent Chauvaud, éd. Équateurs, 140 p., 15 euros