Chaque année, quelque vingt mille bateaux arrivent en fin de vie en France, dont seulement six cents sont pris en charge. Les autres enlaidissent les vasières de leurs cadavres verdâtres. C’est pour contribuer à leur valorisation que Didier Toqué et Romain Grenon ont créé Bathô, « entreprise solidaire d’utilité sociale » qui se propose de restaurer les épaves, non pour naviguer, mais pour être réemployées en habitations légères de loisir, réunies en villages au bord de l’eau. Le volet social du projet consiste à y associer des personnes sans emploi ni qualification, qui pourraient ainsi bénéficier d’un parcours d’insertion vers les métiers de l’industrie nautique, de la valorisation des déchets ou du tourisme.
Un premier village témoin doit voir le jour dès ce printemps à Rezé (Loire-Atlantique), sur un terrain communal en bordure de la Sèvre Nantaise prêté par la municipalité. Il comprendra cinq bateaux posés sur des bers en bois et reliés par des pontons, les sanitaires étant aménagés dans deux anciennes timoneries de bateaux de pêche. Ce gîte d’étape, avec cinq logements de deux à quatre couchettes, pourra offrir ainsi chaque mois cent cinquante nuitées pour quatre cents randonneurs. Bathô prévoit de prélever sur le prix de chaque nuitée une somme destinée à financer, en cinq ans, la valorisation des bateaux réhabilités.
Si le modèle économique du port-village de Rezé est validé, Bathô envisage de réhabiliter quatre-vingts bateaux par an, ce qui donnerait un travail à huit personnes, dont cinq en réinsertion, sans compter les emplois liés à l’hébergement touristique. Restauré au Centre nautique Sèvre et Loire de Trentemoult, le premier bateau réhabilité est un Sangria âgé de quarante-huit ans : seront retenues en priorité les épaves des icônes des années soixante-dix, dont la plupart sont nées dans les Pays de la Loire.