Au XIXe siècle et jusqu’aux années 1930, Spontour, petit village à la frontière du Cantal et de la Corrèze, se consacrait à la construction de bateaux. Pour transporter vers les vignes du Bordelais le chêne nécessaire à la fabrication des tonneaux et le châtaignier utilisé comme tuteur pour les ceps, on construisait ici gabaraus, courpets, coujadours et naus, autant d’unités vendues comme bois de chauffage au terme de leur voyage, étant donné l’impossibilité de leur faire remonter le fleuve. Pour rappeler cette histoire et la raconter au fil de balades sur la Dordogne, le chantier de Fort-Lary de Saint-Pantaléon-de-Lapleau a été chargé dans les années 1990 de mettre sur cale la Spontournoise III, un courpet de 13 m de long (3,41 m de large, 1,07 m de creux, 0,30 m de tirant d’eau, 5 t de déplacement) propulsé par un hors-bord de 50 ch en puits. « C’est un bateau qui peut transporter trente-huit passagers, précise Samuel Zambaldi, patron du chantier Charpentier marine Morbihan qui a remporté en 2017 l’appel d’offres pour sa restauration. Et, surtout, c’est un bateau qui travaille beaucoup, avec sept sorties par jour, sept jours sur sept et six mois de l’année. »
Les travaux ont débuté à Saint-Philibert en novembre dernier pour s’achever en février. « Nous l’avons refait à environ quatre-vingts pour cent, poursuit Samuel. Un peu plus de la moitié de la structure en chêne a été remplacée, le bordé en bois rouge de 30 mm d’épaisseur est neuf, comme l’ensemble des emménagements, le tout imprégné d’huile de lin et le goudron de Norvège. » Pour Samuel, c’est aussi un retour à ses premières amours… « J’ai été formé sur la Loire au sein de l’association Boutavant. À l’époque, et surtout après m’être installé en bord de mer, j’étais loin de penser que ça me servirait à nouveau un jour ! » En 2017, le chantier a également fabriqué une dizaine de mâts, une de ses spécialités. Il a également terminé la restauration d’Erika – espars, varangues, pont… –, le Requin no 238 construit chez Pouvreau en 1957. Il a aussi refait en presque totalité le Riva Super Florida Madonna di Bonaria.
« On va bientôt attaquer la restauration d’un Cormoran et celle d’un Chassiron junior, ainsi que la fabrication d’un mât de 10 m. Surtout, on devrait intégrer cet été un nouveau bâtiment qu’on fait construire à quelques mètres d’ici sur un terrain de 1 000 m2. Depuis huit ans que le chantier existe, nous serons enfin chez nous. Cela va contribuer à l’amélioration de nos conditions de travail, tout en représentant aussi un progrès quant au stockage des bateaux. » Outre Samuel, le chantier emploie aujourd’hui deux charpentiers, Benjamin Mathé et Jérôme Henry, et un apprenti, Alfred Renaud.