«Quand il y a toujours un homme qui nous dit : “Laisse-moi m’occuper de ça”, tu commences à douter de toi », explique la photographe Verena Brüning à la journaliste Wanda Sachs du Berliner. Mais à bord du brick Roald Amundsen, durant l’hiver 2022-2023, sur la route des Antilles, aucun homme n’a pu prononcer cette phrase… parce que les quarante-sept membres d’équipage, stagiaires ayant plus ou moins d’expérience ou marins professionnels, étaient des femmes !
Cette transatlantique, accomplie en vingt-quatre jours depuis les îles Canaries, avait pour cadre le Roald Amundsen, long de 49,80 mètres, appartenant à une association d’apprentissage et de découverte de la navigation à bord des voiliers, LebenLernen auf Segelschiffen e. V. Une habituée des unités traditionnelles, Verena Brüning, par ailleurs photographe, était à bord. De cette traversée, elle a tiré – au moins – deux choses importantes : une prise de conscience de ses propres capacités en tant que femme, et un livre publié avec une sélection de cent vingt-et-une photographies, Windsbraut, littéralement « la fiancée du vent » (März, mars 2024). Si l’insistance sur le côté « exceptionnel » de l’événement est un peu lassante, il n’en reste pas moins que c’est la première fois qu’un équipage entièrement féminin traverse l’Atlantique à bord d’un voilier traditionnel.
Les photos montrent des moments du quotidien à bord, entre apprentissage de la voile ou de la cartographie, moments de détente, de jeux ou de contemplation, sans cacher les difficultés de la promiscuité. Assez banal somme toute, pour ceux et celles qui connaissent la vie en équipage au grand large. Sauf que Verena Brüning insiste dans son livre sur la camaraderie, l’entraide et l’écoute, qu’elle a très peu expérimentées au cours de ses autres embarquements avec des équipages mixtes, où les chefs de bord – souvent des hommes – ont une « tendance à montrer leurs muscles, un peu à la Popeye ». Chez la capitaine Cornelia Rothkegel, rien de tout cela, mais plutôt une ouverture à la discussion. Verena espère que son livre donnera « envie à d’autres personnes, femmes ou hommes, de sortir de leur zone de confort » et d’oser prendre le large. M. L.-C.