En cette belle journée d’automne, quand nous pénétrons dans la nef du chantier du Guip, à Brest, nos yeux cherchent en vain la star du moment, Sumurun, un Fife de près de 29 m de longueur de coque (ci-dessous), cadeau d’une épouse à son mari, lancé en 1914 et baptisé de l’appellation de la favorite d’un harem… C’était oublier que le Guip s’est agrandi… En poussant la porte de « l’extension », la vision est majestueuse. Sumurun envahit l’espace, massif et pourtant si fin quand, placé au talon de quille, on s’aperçoit qu’il faut regarder plusieurs mètres en l’air et surtout en arrière pour découvrir l’extrémité de sa voûte…
« Nous allons flipoter les œuvres-vives, explique Gerd Löhmann ; au-dessus de la flottaison, c’est déjà fait. Avant cela, une fois la coque mise à nu, nous avons nettoyé les coutures du bordé en teck pour vérifier le calfatage, et le refaire si besoin. » Les boulons de lest vont être remplacés. Une partie du barrotage doit également être refaite, le ketch étant transformé en yawl – il conservera un gréement bermudien, quoique né à corne. Les espars seront réalisés par le chantier Pasqui (Villefranche-sur-mer).
Si le Fife, qui doit retrouver son élément en juin prochain, en impose par ses dimensions, c’est un German Frers qui remporte la palme de la restauration de fond. « Juana [ci-dessus] a été dessiné en 1949 et lancé trois ans plus tard par le chantier Tandonor à Buenos Aires, poursuit Gerd. Cette unité d’un peu plus de 19 m de longueur hors tout bénéficie d’une restauration lourde. Toute la structure métallique est remplacée ; la quille et l’étambot sont conservés, mais l’allonge de voûte et l’étrave sont changées ; on refait la moitié de la membrure, l’intégralité du bordé… »
D’autres chantiers se déroulent en parallèle. Sur Séverine, ex-Petite Lande, réplique en aluminium lancée en 1993 d’une goélette de 16,35 m de longueur au pont dessinée par John Alden en 1927, on refait les emménagements et le pont en contre-plaqué bordé de teck. Pastenague, un bateau de plongée de la Marine nationale bénéficie d’un maintien en condition opérationnelle (mco) tandis que la goélette Étoile voit ses préceintes refaites. Dans un autre bâtiment, c’est sur Pen Duick qu’on va bientôt s’affairer, le légendaire Fife d’Éric Tabarly nécessitant un remplacement complet de sa charpente en bois, structure de sa peau en fibre de verre… « Pour mener tous ces travaux, nous sommes actuellement une trentaine, conclut Yann Mauffret, patron du Guip. C’est exaltant, du fait de ces projets, mais aussi – voire surtout – quand je vois tous ces jeunes charpentiers pleins d’enthousiasme qui nous ont rejoints. »