Par Nathalie Couilloud. La ville de Sète est en effervescence, qui s’apprête à accueillir pendant une semaine – du 22 au 28 mars- grands voiliers, bateaux traditionnels, musiciens et des milliers de visiteurs. Mais les organisateurs d’Escale à Sète, à l’image de son directeur Wolfgang Idiri, gardent la tête froide, préférant la qualité à la quantité.
L’article publié dans la revue Le Chasse-Marée bénéficie d’une iconographie enrichie et d’encadrés supplémentaires.
Chaque matin, les étals des halles frétillent de mille écailles : petits jols pour les fritures, darnes de thon rouge, baudroies revêches et rougets dodus, dorades bombées et soles plates, sardines et anchois argentés se languissent près des grosses moules, huîtres, escargots et violets. Quant à la famille des céphalopodes, elle s’affiche au grand complet : poulpes, encornets, seiches et chipirons enchevêtrent leurs tentacules sur les paillettes de glace, en véritables stars de la gastronomie locale.
À l’instar des bras d’un pouffre – le nom local du poulpe –, l’eau enserre la ville de tous côtés : outre la mer et l’étang de Thau, les canaux ont peu à peu irrigué les nouveaux quartiers. Ces racines d’eau, de pêche et de commerce sont étroitement mêlées, tout comme est mêlé le sang qui coule dans les veines des Sétois, métissé par des vagues d’immigration séculaire.haque matin, les étals des halles frétillent de mille écailles : petits jols pour les fritures, darnes de thon rouge, baudroies revêches et rougets dodus, dorades bombées et soles plates, sardines et anchois argentés se languissent près des grosses moules, huîtres, escargots et violets. Quant à la famille des céphalopodes, elle s’affiche au grand complet : poulpes, encornets, seiches et chipirons enchevêtrent leurs tentacules sur les paillettes de glace, en véritables stars de la gastronomie locale.
À l’origine, le mont Saint-Clair domine, du haut de ses 175 mètres, un paysage sauvage et marécageux, fait de sable et de lagunes, où règnent des fièvres endémiques et où vivent de petites communautés d’agriculteurs. C’est par la volonté de Louis XIV que le port de Cette est créé ex nihilo. La première pierre du môle Saint-Louis, long d’environ 600 mètres, est posée en grande pompe le 29 juillet 1666. En trois semaines, un décor est monté : des toiles en trompe-l’œil simulent les bâtiments d’une ville pour accueillir dignement les autorités. Les premières joutes de l’histoire de la ville ont lieu ce jour-là. Deux ans plus tard, Pierre-Paul Riquet est autorisé à faire aboutir son projet de canal des Deux Mers dans le nouveau port, dont une partie des travaux lui est confiée par adjudication. Le futur canal du Midi sera ouvert à la navigation en 1681.
Le plus grand centre de tonnellerie du monde
Un arrêt du 30 septembre 1673 stipule que « le Roy ayant fait commencer la construction d’un port au cap de Cette en Languedoc pour servir de retraite aux vaisseaux qui naviguent sur le golfe du Lion [et] d’entrée au canal de communication des Deux Mers », des privilèges sont accordés à la ville pour y attirer des habitants. Quelques années plus tard, lorsque l’exemption d’impôt est remise en question, les autorités de la ville argumentent pour la conserver : « La ville de Cette est située au pied d’une montagne isolée, qui n’est formée que de rochers arides, aussi peu susceptibles de cultures qu’incapables de production, obligée à tirer du dehors la subsistance de ses habitants, les vivres y sont d’une cherté excessive […]. Les deux tiers des habitants de Cette ne sont que de simples journaliers que l’on a fixés à peine en doublant le prix de leurs journées. »
Un mémoire de 1786 mentionne que vingt-cinq familles de pêcheurs catalans sont déjà venues s’installer à Cette. Ces « étrangers » y introduisent le commerce du poisson salé. Ils sont aussi un sujet d’émulation pour les pêcheurs locaux « moins habiles et moins courageux », comme le souligne ce même mémoire, qui note également que les pêcheurs « sont intelligents, sensibles, spirituels et braves, mais fiers, insubordonnés et aimant le plaisir, surtout celui de la table ».
Les Sétois sont encouragés dans le négoce du poisson salé par l’obtention de privilèges sur le sel, qui provient de salines proches de la ville. Lorsque la sardine disparaît du golfe du Lion, le port importe des anchois de Catalogne et des sardines de Bretagne, tout en continuant à exporter du sel. Au xixe siècle, les navires terre-neuviers sont nombreux à venir livrer leur morue à Sète et à en repartir les cales pleines de sel et de vin vers les ports de la Manche. Car la ville exporte aussi les vins de l’arrière-pays, du moins jusqu’à la crise du phylloxéra qui détruit le vignoble vers 1875. Les négociants vont alors chercher du vin en Italie, en Espagne, et plus tard en Algérie : à partir de 1878, les importations de vin dépassent les exportations.
Ce commerce juteux n’est pas le seul à enrichir le port, qui importe aussi des agrumes, du bois pour la tonnellerie et la construction, du soufre pour traiter la vigne, des céréales, du fer et du charbon, des bitumes, des phosphates et nitrates, des produits pétroliers – deux raffineries sont installées à proximité, en 1884 et 1904 –, et le charbon extrait des mines du Gard, de l’Aveyron et du Tarn.
À la fin du xixe siècle, Sète est le plus grand centre de tonnellerie du monde. En 1901, le registre du commerce enregistre cent vingt-trois négociants en vins. Le port s’agrandit : au-delà du môle Saint-Louis, le brise-lames est prolongé et la rade est draguée.
Petits métiers et chalutiers au cœur de la ville
La pêche a de tout temps été très active dans cette zone de reproduction où la « planasse », plate-forme continentale du golfe du Lion, est très poissonneuse. À Sète, les Catalans introduisent la pêche en bœufs, qui se pratique à l’aide de deux barques d’une dizaine de mètres de long traînant le même chalut appelé gangui. Les pêcheurs locaux arment aussi à la palangre ou à la palangrotte, et ils exploitent des bordigues, sorte de pêcheries destinées à piéger dans les canaux les poissons allant de la mer aux étangs.
En 1898, cent cinquante-trois patrons pêcheurs et cent vingt-deux matelots travaillent en mer, tandis qu’on recense sur l’étang de Thau deux cent neuf patrons de barques et vingt-huit matelots. Si la ville devient une « station climatique » avec casino et établissement de bains de mer, elle se distingue surtout par sa population ouvrière où se mêlent Espagnols, Alsaciens émigrés après la guerre de 1870, et surtout Italiens chassés de leur pays par la misère. À la fin du xixe siècle, de nombreuses familles originaires de Gaète (golfe de Naples) ou de Cetara (près de Salerne) s’établissent ainsi à Sète où elles arment des bateaux-bœufs (CM 89). Cette communauté très soudée habite près du port de pêche et jusque dans le Quartier Haut, à flanc de colline. Les hommes se retrouvent au Café social, créé en 1920 par un compatriote socialiste et républicain, qui deviendra en 1947 le siège de la Jeune Lance sétoise, fameuse équipe de joute. À deux pas de là, place de L’Hospitalet, la pulpeuse Mamma du sculpteur sétois Richard « Buddy » Di Rosa rend hommage aux femmes de pêcheurs… qu’on ne remerciera jamais assez d’avoir inventé la tielle, une tourte en pâte à pizza, fourrée d’une farce de poulpe et de tomate.
Aujourd’hui encore, les pêcheurs sont au cœur de la ville. Les petits métiers se retrouvent tous les matins, quai de la Marine. Sortis la veille au soir poser leurs filets en mer ou dans l’étang, ils les relèvent chaque matin ; à 9 heures, ils sont rentrés. Avec un peu de chance, un pêcheur vous vendra du poisson ou vous proposera une sortie de « pescatourisme » pour le lendemain. Les chalutiers, eux, rentrent chaque après-midi, du lundi au vendredi, poursuivis par des nuées de goélands. Bien sûr, on ne saurait oublier les plus impressionnants, les énormes thoniers, à quai onze mois sur douze, qui ont tant fait jaser. On ne cesse de dire ici que la ressource de thon rouge se reconstitue peu à peu.
Wolfgang Idiri, un citoyen du monde
C’est dans ce port que renaît tous les deux ans une fête maritime dont la réputation ne cesse de grandir. Une manifestation encore jeune à l’instar de son principal animateur, Wolfgang Idiri, qui réunit en son nom le métissage de la ville et qui aime se définir comme un citoyen du monde. Ce jeune homme, né à Sète en 1980, avoue des racines kabylo-germano-languedociennes, avec une mère originaire de Castelnaudary, dont le père était prussien, d’où cet étrange prénom que tout le monde s’empresse d’abréger en « Wolf » (Loup, en allemand comme en anglais).
Ce jeune loup n’a pas fait ses gammes sur le même clavier que celui à qui son illustre prénom renvoie aussitôt. « Lionel, mon frère aîné, raconte-t-il, a créé un groupe de musique traditionnelle baptisé Les Mourres de porc. C’est lui qui m’a embarqué dans l’aventure musicale. » Wolfgang y joue du hautbois, cette « trompette du pauvre » qui, avec le tambornet (tambour), scande toutes les manœuvres pendant les joutes. « Nous pratiquons le style sétois, commente le musicien, très vibré, très expressif, dont on ne sait pas s’il rit ou s’il pleure. »
Issu du Quartier Haut, Wolfgang a passé une partie de son enfance à Pézenas et a fait ses études à Montpellier, où il s’est intéressé à l’ethnologie et à la sociologie, avant de bifurquer vers un bts de marketing alimentaire à l’issue duquel il sera recruté comme conseiller en formation. Il œuvre ensuite comme attaché commercial au Midi Libre, ce qui enrichit à la foi son bagout et son carnet d’adresses. En 2010, il intègre la Ville de Sète comme agent territorial chargé de la vie associative. Enfin, depuis 2015, il est délégué à l’organisation d’Escale à Sète.
« Quand j’ai eu l’idée de créer une association pour lancer une fête maritime, avoue-t-il, je ne faisais pas le poids, car en plus d’être jeune, je n’étais même pas marin. » Wolfgang, qui connaît les rassemblements maritimes bretons pour y avoir joué avec les Mourres de porc, comprend qu’il lui faut s’entourer d’aînés compétents, en recrutant dans le milieu des voiles latines, chez les pêcheurs et les jouteurs, parmi les rameurs et les sociétés nautiques. « Wolfgang voulait des voiles latines pour sa fête, précise le charpentier Raymond Dublanc. Je l’ai soutenu et suivi. Et tant qu’il sera là, je le suivrai n’importe où. Il a mille idées à l’heure, on en discute, au bout d’un moment, il en reste cent, à la fin, on en retient deux. »
« Ce qui nous anime c’est notre jusqu’au-boutisme »
« Nous avons organisé en quelques mois le premier rassemblement, qui a réuni entre dix mille et quinze mille personnes le 29 mai 2010. C’était comme une grosse fête de village et on était vraiment contents. À notre grande surprise, l’Office du patrimoine culturel immatériel (opci) nous a soutenus tout de suite. Et on s’est aperçu que par le bouche à oreille on parlait de la fête jusqu’à Barcelone, ce qui prouvait qu’il y avait une attente très forte. Notre idée, c’était de créer une manifestation avec des figures d’ici et d’ailleurs, avec nos traditions, et dans notre port de caractère. On a su inspirer une envie d’y aller. Quand les gens ont compris qu’on ne s’offrait pas un caprice, mais qu’on voulait vraiment faire quelque chose de bien, tout le monde nous a facilité la tâche. »
Pour ne pas démériter, le conseil d’administration qui entoure Wolfgang Idiri met au centre du projet l’exigence de qualité autour d’une idée-force : la valorisation des gens de mer, de leurs bateaux, de leurs musiques, de leurs traditions, gastronomie et jeux compris. La philosophie de l’événement repose sur une charte qui encadre les différents volets de la fête. « Cette charte sert de préambule aux conventions que nous passons avec nos partenaires. Nous avons des convictions et nous voulons éviter les dérives commerciales. Ce qui nous anime, c’est notre jusqu’au-boutisme. Le jour où on commencera à faire des compromis, il faudra jeter l’éponge. »
Le baroudeur basque Raymond Dublanc, qui a posé son sac à Sète après avoir trop regardé le mont Saint-Clair, a ainsi rédigé le chapitre de la charte concernant les bateaux. « Des siècles d’évolution, de travail, de recherche ont fait du bateau à voile l’une des plus belles créations de l’homme, écrit-il. Charpentiers, gréeurs, capitaines et matelots ont su insuffler au gré des milles et des siècles un esprit qu’il ne nous est pas permis de galvauder lors de notre manifestation. » Pour cette raison, les « anachronismes et arrangements farfelus » seront bannis « pour faire œuvre d’éducation afin d’offrir au public une approche responsable d’un monde discret ». Les bateaux invités doivent donc répondre « aux critères les plus fidèles, les plus stricts d’une restauration ou d’une réplique digne de ce nom ».
Dans l’atelier qu’il partage avec le charpentier Raymond Contreras, Raymond Dublanc montre l’exemple en réalisant la maquette de la Comtesse Émeriau, une goélette corsaire de l’Empire dont certains Sétois rêvent de construire la réplique. En miniature, comme en grandeur nature, le modéliste estime qu’« il faut monter en qualité, pas en quantité ». Plutôt que d’augmenter le nombre d’unités présentes à la fête, il prône le développement de la pédagogie : « Après avoir visité un bateau, le public doit avoir compris comment fonctionne son gréement ». Il ne s’agit pas de créer un décor, aussi pittoresque soit-il, mais bien de transmettre une culture. Dans cet esprit, la manifestation accueille de nombreuses conférences.
« Aujourd’hui, on est soudé comme un équipage »
Annick Artaud, déléguée aux sports traditionnels, compte aussi parmi les figures du conseil d’administration. Présidente d’Escale à Sète, mais aussi de Cette à rames, elle a fait de sa boutique des halles, Chez la Miss, un lieu de rendez-vous incontournable. « On a commencé tout petit, sur Escale, on était trois. Aujourd’hui, on est neuf et on est soudés comme un équipage. On subit des pressions, peut-être qu’on se fera manger un jour, mais pour l’instant, on tient bon. » Tenir bon, c’est par exemple batailler pour que la fête reste gratuite – seule la visite de certains bateaux est payante.
Annick supervise les initiations à la rame et les jeux traditionnels comme le capelet (« petit chapeau ») qu’il faut aller décrocher en haut d’un mât savonné. Elle est aussi responsable des joutes, l’emblème de la ville. Ces épreuves se disputent régulièrement sur des barques armées par dix rameurs, deux musiciens et six jouteurs : « C’est un sport très physique et c’est aussi assez violent, ce qui explique qu’il n’y ait pas de joutes féminines. Le pavois (bouclier) des jouteurs pèse à lui seul 6 kilos. »
Les femmes peuvent toujours se rabattre sur les rames. Tous les soirs, les adeptes de cette discipline se retrouvent à bord de barquettes ou de pointus aux mêmes caractéristiques – 7,20 mètres de long, 2,20 mètres de large et 600 kilos de déplacement – pour tirer sur le bois mort. Chaque embarcation est armée par six rameurs et un barreur, appelé patron. Vingt-deux clubs s’affrontent ainsi toute l’année entre Cannes et Collioure dans le cadre d’un championnat spécifique. À Sète, l’entraînement se pratique sur les canaux, avec parfois une incursion en mer ou sur l’étang. « On se régale, affirme Annick, on rame, on mange tous ensemble, c’est la convivialité qui prime. » Et on voyage ! Les adhérents de Cette à rames ont ainsi eu l’occasion de nager en Finlande, à New York, à Shanghai et à Venise où le club participe depuis trente et un ans à la Vogalonga. « Là-bas, à force, on nous prend pour des Italiens ! »
Sur la Route des agrumes à bord du Santa Eulalia
« On est passé de trente bateaux en 2010 à près de quatre-vingts en 2012, avec deux cent mille visiteurs sur trois jours, se souvient Wolfgang Idiri. Personne ne s’y attendait, les restaurateurs étaient en rupture de stock… De Balaruc à la presqu’île, toute la ville était bloquée. » En 2014, pour décongestionner le site, la fête s’étale sur une semaine et deux cent cinquante mille personnes viennent visiter les grands voiliers russes Sedov et Kruzenshtern, invités d’honneur.
Pour la quatrième édition, c’est la Catalogne qui sera célébrée. Les grands voiliers partiront de Barcelone le 20 mars pour rejoindre Sète le 22 en empruntant la Route des agrumes, dans le sillage de la goélette à trois mâts Santa Eulalia, le fleuron du musée maritime de Barcelone, sur la trace des balancelles qui acheminaient les agrumes entre ces deux ports. Le Kruzenshtern, un habitué des fêtes depuis 2012, sera aussi du voyage. Ils rejoindront plus de cent vingt bateaux traditionnels, dont plus de soixante unités à voile latine, réunies quai de la Consigne, quelques bateaux croates, des embarcations à vapeur, des Riva…
Depuis des mois, des ateliers sont organisés dans les écoles, où l’on confectionne notamment des costumes pour la fête. Les jeunes du lycée de la mer embarqueront pendant l’événement sur le Dar Mlodziezy, le trois-mâts carré polonais. Le Marité, terre-neuvier français, le Shtandart, réplique d’une frégate russe du xviiie siècle, seront aussi de la partie. Huit villages thématiques permettront à toutes les marines de se côtoyer : de l’aviso Jacoubet parrainé par la ville de Sète, au navire océanographique Europe de l’Ifremer, en passant par les pilotines et remorqueurs portuaires, le Patron Marius Oliveri de la snsm, le canot dépollueur Ecotank, ou le sloup de croisière pour personnes handicapées Laisse Dire. La flottille de pêche actuelle sera également au cœur de la manifestation sur les quais de la Consigne et Aspirant-Herbert… tant il est vrai que les bateaux de travail d’aujourd’hui sont les futurs bateaux du patrimoine.
Deux unités emblématiques du canal du Midi seront également présentes : la barque de poste de Robert Mornet (CM 249) et la barque de patron Marie-Thérèse. Construite en 1855 à Toulouse, celle-ci a transporté vin, chaux, sable, ciment et farine jusqu’en 1960. Transformée en discothèque et en restaurant à Sète, puis abandonnée au début des années quatre-vingt-dix, elle a été rachetée par le Conservatoire maritime et fluvial du pays narbonnais en 1992. Après maintes péripéties, Marie-Thérèse a bénéficié de quatre ans et demi de restauration pour devenir un bateau-musée itinérant.
« Nous tenons à ce que la manifestation reste gratuite »
L’exigence de qualité ne laisse rien au hasard… pas même la bonne chère. L’organisation travaille ainsi avec une cinquantaine de partenaires, via une charte qui les engage à ne fournir que des produits de la pêche locale. Des mois à l’avance, ils ont donc fait des stocks pour ne pas être pris au dépourvu pendant la manifestation.
Une attention particulière est aussi portée au volet musical. Le groupe tunisien El Arkhabil fera découvrir les chants de l’archipel des Kerkennah au son des tbal et zokra (sorte de hautbois et tambour). Les polyphonies du groupe Alte Voce délaisseront un temps les fêtes d’Ajaccio pour celle de Sète. Les Canterini Valbisanio de Gênes s’illustreront dans un genre musical inventé par les dockers et les ouvriers de ce port. Giovanni Mauriello, l’un des initiateurs du renouveau de la musique traditionnelle en Italie, proposera des chants de travail du golfe de Salerne. On écoutera aussi, entre autres, les Sacaires de Tarragona, un groupe d’une trentaine de musiciens, qui a relancé la pratique de la cornemuse, appelée sac de gemecs.
Quant au Trophée du capitaine Hayet, ce concours de chants de marins qui ambitionne de « faire vivre la chanson matelotesque », il se déroulera le 25 mars. Durant toute la fête enfin, les terrasses du port seront animées par des chanteurs tandis que des chants de manœuvre auront lieu à bord de Marité.
« Notre but est de faire la meilleure fête, pas la plus grosse, assène Wolfgang Idiri. D’ailleurs, la manifestation est limitée par la géographie même de la ville, qui ne compte que deux entrées. Ce que nous voulons surtout, c’est garder notre âme et ne pas décevoir. Depuis la première édition, les subventions publiques diminuent. Aujourd’hui, nous avons soixante-dix pour cent de fonds privés, dont un tiers d’autofinancement. Et nous tenons vraiment à ce que la manifestation reste gratuite. »
Ce qui semble d’ores et déjà avéré, c’est que cet événement a su raviver la fierté des Sétois pour leurs origines maritimes. Sur le toit de « la Décanale », l’église Saint-Louis qui domine la ville, la statue de la Régina Maris, tournée vers la mer, est déjà prête à accueillir bateaux et musiciens, « tantôt venant d’Espagne et tantôt d’Italie, tous chargés de parfums, de musiques jolies » pour ce « jour de fandango, de tarentelle, de sardane », comme chantait Brassens, l’enfant du pays.
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