La Strontweek – littéralement, « Semaine de la merde » – a lieu cette année du 20 au 28 octobre. C’est la quarante-cinquième édition de cette série d’événements, bouquet final de la saison pour de nombreux bateaux traditionnels des Pays-Bas armés au charter ou à la plaisance.
Pendant cette semaine à l’intitulé un tantinet déroutant (mais vous allez comprendre !), ce sont en fait l’eau et le vent qui sont à l’honneur : deux éléments surabondants aux Pays-Bas, dont il s’agit de tirer parti à travers quatre épreuves, au départ du port de Workum, dans le Sud de la Frise, sur l’IJsselmeer.
Avec un nombre d’équipiers limité, ces solides bateaux traditionnels à fond plat et à dérives latérales, en acier ou en chêne, avancent à la voile, à la perche, au halage par les équipiers, et à l’aviron.
Le premier défi est la Strontrace, « course de la merde », qui s’élancera le 20 octobre du port de Workum. Il s’agit d’emporter un chargement de fumier – la voilà, l’explication ! –, produit traditionnel des régions d’élevage comme la Frise, jusqu’à Warmond, dans la région horticole de Hollande-du-Sud. Deux routes sont possibles pour passer du Nord au Sud de l’IJsselmeer, mais ceux qui vont au plus court à l’aller, par Enkhuizen, doivent passer par Lelystad, au retour. De même pour la partie de la course qui se déroule dans les terres : aux portes d’Amsterdam, les concurrents peuvent s’engager dans la ville, avant de partir vers le Sud, et rentrer ensuite par Haarlem, ou accomplir la boucle dans l’autre sens. Le choix de la route peut être déterminant ; outre les qualités de manœuvre, la force physique et l’endurance, la tactique compte aussi.
Le vainqueur est celui qui aura déchargé son fumier et, après une heure de pause obligatoire, rapporté le premier une cargaison de bulbes de tulipes à Workum, non sans une escale à Oude Wetering pour embarquer un pot de cornichons.
Une vingtaine de tjalken et de klippers restent, eux, sur l’IJsselmeer, où ils se mesurent dans le cadre du Beurtveer, course de transport de passagers. Il s’agit de déposer les siens à Amsterdam, de l’autre côté de l’IJsselmeer, en choisissant parmi différentes routes, desservant, en chemin, d’autres petits ports. Le vainqueur est celui qui revient, le soir, après avoir fait le plus de trajets – et d’escales – parmi la dizaine de ports participants.
Les Visserijdagen, « Journées de la pêche », se déroulent aussi sur la mer intérieure, en deux marées. Qui reviendra avec le plus beau butin ? Le poisson est débarqué le mercredi et le samedi, puis pesé et vendu au public sur le quai. Les organisateurs le disent clairement, il n’y a pas que la pêche qui compte : « Voile, perche, halage, lignes et hameçons, filets, boissons fortes et gorges enrouées, tout ça va de pair ! »
Dans toutes ces épreuves, les navires ayant dû faire usage de leur moteur tombent irrattrapablement en bas de classement.
Enfin, le festival Liereliet, paradoxalement consigné à quai, se propose d’explorer « la manière dont la musique peut faire avancer un navire » ! Il y a des concerts de musiciens marins néerlandais, français, britanniques et américains, ainsi qu’un programme « les pieds au sec », au répertoire non maritime, et bon nombre de rendez-vous pour tous ceux qui veulent juste jouer ensemble. Sans compter l’animation musicale, dans le port, de la grande régate annuelle de sabots à voile…
On l’aura compris, tout ça est à la fois complètement potache et très sérieux : la confrérie des platbodems (bateaux à fond plat) compte bon nombre de marins professionnels et amateurs de haute volée qui ont à cœur de donner le meilleur d’eux-mêmes. Les épreuves de la Strontweek leur donnent l’occasion de se mesurer, mais surtout de cultiver des savoir-faire qui risqueraient de tomber en désuétude.
Les quatre associations organisatrices se félicitent, d’ailleurs, de voir cette année leur Semaine de m… reconnue et inscrite officiellement à l’inventaire du patrimoine immatériel de l’UNESCO.