Depuis décembre dernier, les plages de la côte atlantique sont le théâtre d’une pollution un peu particulière et peu visible : des billes en plastique de formes et de couleurs variées, de quelques millimètres de diamètre, utilisées par l’industrie pétrochimique pour produire différents matériaux. Selon le Centre de documentation de recherche et d’expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre), la production mondiale annuelle de ces granulés industriels serait de 300 à 400 millions de tonnes…
« Ces granulés sont envoyés dans les usines pour y être chauffés et moulés afin de prendre la forme souhaitée, précise Kevin Tallec, du Cedre. Transportés par la mer en conteneurs, ils se retrouvent sur nos plages lorsque l’une de ces boîtes se perd, s’ouvre et déverse sa cargaison dans l’eau. Une partie est forcément ensuite portée par les courants marins jusqu’à nos littoraux. » En 2021, le porte-conteneurs X-Press Pearl faisait naufrage près du Sri Lanka, libérant dans l’océan quelque 11 000 tonnes de granulés plastiques industriels qui ont tapissé le littoral de l’île. « Cet événement avait fait grand bruit à l’époque et mis un coup de projecteur sur cette menace, beaucoup plus diffuse que le pétrole », ajoute Lucie Padovani de l’ONG Surfrider Foundation, qui œuvre pour la protection des océans, et s’intéresse en particulier à la pollution plastique.
« Nous appelons cela des “marées blanches”. On en parle beaucoup en ce moment, mais nos bénévoles trouvent ces billes depuis longtemps sur les plages. Même si pour l’instant, aucune étude ne certifie complètement le danger que peuvent représenter ces granulés pour les écosystèmes, certains travaux ont montré récemment que les microplastiques détraquent en tout cas le système digestif des oiseaux marins. »
Le Cedre identifie également un « risque de colonisation et de transport d’espèces pathogènes et invasives ».
Si des campagnes de nettoyage des plages sont régulièrement mises en œuvre par le Cedre et l’ong, il n’existe pas de remède « miracle » : « c’est un travail fastidieux », précise Lucie Padovani. Quatre méthodes sont possibles : on peut utiliser une pelle, un système d’aspiration, un tamis ou un dispositif de séparation par flottaison. Le Cedre note cependant que « le déploiement d’actions de nettoyage sur le littoral ne s’avère efficient et efficace qu’en cas de présence significative de granulés plastiques. »
Selon l’ONG, il faut traiter le problème à sa source, car lorsque « les granulés arrivent sur nos plages, c’est déjà trop tard… » L’une des solutions serait de limiter les pertes des conteneurs, de forcer les transporteurs à les déclarer et à rendre les boîtes plus hermétiques. « Pour l’instant, les armateurs font de l’autorégulation, ajoute Lucie Padovani, mais la classification des granulés comme substance dangereuse pour le transport maritime – l’OMI s’est saisie de cette question – pourrait permettre aux États d’établir de réels contrôles indépendants. »
Maud Lénée-Corrèze