En juillet 2021, la Chine a pris la succession de l’Azerbaïdjan pour l’organisation de la quarante-quatrième session du Comité du patrimoine mondial de l’Unesco. Parmi les trente-trois sites inscrits au patrimoine mondial cette année, le port de Quanzhou, ville côtière de la province du Fujian, désigné comme « emporium mondial de la Chine des Song et des Yuan », a été distingué pour la préservation de son patrimoine historique.
On pourrait exprimer quelques réserves quant à l’impartialité des juges qui ont choisi un port national alors que la Chine présidait le comité, mais le port de Quanzhou possède de fait une riche histoire maritime. Dès le VIIe siècle en effet, il fut fréquenté par les navigateurs arabes commerçant en Asie, et au XIe siècle, il s’imposa comme point de départ de la Route maritime de la soie. Les autorités impériales apportèrent leur soutien à son développement, notamment dans le secteur de la construction navale. Quanzhou connut alors une croissance sans précédent, exportant des épices, du thé, de la porcelaine, de la soie… Les expéditions commerciales vers le golfe d’Aden et le golfe Persique contribuèrent à développer l’usage de la boussole magnétique. De plus, ces voyages favorisèrent l’échange de connaissances : les marins chinois découvrirent, auprès des Arabes, la navigation à hauteur constante de l’étoile Polaire.
Une crise politico-économique mettra fin à la dynastie des Song en 1127, portant un coup d’arrêt à la floraison de ce commerce. Il faudra attendre la dynastie Yuan, à la fin du XIIIe siècle, pour restaurer l’importance du port. Lorsque l’historien marocain Ibn Battûta (1304-1368) visitera la ville à la fin du XIVe siècle – elle compte alors environ 450 000 habitants – il la qualifiera de « port le plus prestigieux du monde ».
En 1405, l’explorateur Zheng He, au service de l’empereur Ming Yongle, lança depuis Quanzhou la première de ses sept expéditions : avec trois cent dix-sept jonques, la « flotte des trésors » (CM 304), dont certains vaisseaux auraient atteint soixante mètres de long, aurait compris 27 000 hommes. Elle s’élança sur ces mers que les marins chinois connaissaient depuis des siècles, sur des bateaux à la pointe de leurs connaissances en construction navale. Plusieurs épaves de ces jonques de haute mer ont été retrouvées ; munies de cloisons étanches et de gouvernails d’étambot, les plus grandes auraient chargé jusqu’à 1 000 tonnes de fret.
L’isolationnisme décrété au XVe siècle par la dynastie Ming, prolongé après elle par les empereurs Qing, condamna Quanzhou à devenir un repaire de pirates. Depuis le début du XXe siècle, l’entrée du port historique est obstruée par les bancs de sable et la ville conduit son trafic maritime depuis le port voisin de Anhai. Arnaud Jouny