En effet, l’Association des plaisanciers ouvreurs de coques (APOC) est sans doute la seule à afficher dans ses statuts un objet social à vocation humanitaire : les « échanges et soutiens entre plaisanciers avec une sympathie particulière pour les talonneurs de roches et autres tâteurs d’obstacles n’ayant rien à faire là ». Créée en 2000 par Gildas Jannin, son président, autoproclamé commodore à vie, cette association, outre l’organisation chaque année en mai d’une régate interentreprises au milieu des cailloux bréhatins, remet à l’occasion de la régate des Lilas blancs des récompenses à ses adhérents les plus méritants. Écrabouilleurs de crabe, exploseurs de granite ou modestes sillonneurs de banc de sable sont ainsi récompensés de leurs exploits qui, à part chez leur assureur, provoquent l’hilarité. Et si, par hasard, ces dilettantes du pied-pilote et autres allergiques à l’annuaire des marées montraient quelque vergogne à rendre publics leurs méfaits, un ingénieux système de délation a été mis au point : les équipiers, les conjoints ou tout autre témoin ayant dénoncé les coupables se voient gratifiés d’une pastille Vichy. Quant au raboteur de plomb ou de fonte, au délamineur de stratifié, au perforateur d’alu, de bois ou d’acier, il aura droit à sa pinoche… Et le meilleur d’entre eux recevra le Talon d’or, matérialisé par une authentique œuvre d’art (fruit de la collaboration d’un grand manufacturier chinois et des ateliers internes de l’APOC).
Ainsi, le 27 août dernier, le président-empereur, encadré par son service d’ordre, son ministre de la Propagande, ses consuls et la pompe à bière du bistrot du Port, a remis le Talon d’or 2016 à Jean-Yves de Chaisemartin pour le magnifique échouement sur un banc de sable « dérivant » dans le pertuis de Maumusson de son 55 pieds tout neuf portant haut les couleurs de la ville dont il est maire. Le trophée siège désormais pour un an à la mairie de Paimpol entre le buste de Marianne et la photo du président de la République.
Dès le lendemain l’heureux récipiendaire s’en est pris au granite de l’île de Bréhat… Ambitieux, les politiques ?
par Patrick Huet
Crédit iconographique : Benoît Tréhorel