Que va devenir le paquebot United States qui, comme son nom l’indique, est un peu le pendant du France outre-Atlantique ? Dessiné par l’architecte
M. L.-C. William Francis Gibbs, The big U est construit à Newport en 1950 et 1951, en pleine guerre froide, pour la compagnie United State Lines. Il doit assurer les voyages entre New York, Le Havre et Southampton avec des passagers civils, mais il est aussi conçu pour embarquer dix mille soldats en cas de conflit et être reconverti en navire militaire, d’où sa construction largement financée par le gouvernement.
Dès sa traversée inaugurale, en juillet 1952, le paquebot de 302 mètres de long, qui peut atteindre 40 nœuds, remporte le Ruban bleu du voyage le plus rapide. Son meilleur temps, de 3 jours, 10 heures et 40 minutes, n’a jamais été battu par un autre paquebot sur l’Atlantique Nord. Cependant, dès 1969, l’essor de l’aviation le condamne à une retraite forcée après avoir transporté en quatre cents voyages un million de voyageurs – dont Marilyn Monroe, Marlon Brando… ou le tableau La Joconde. Resté en réserve aux bons soins de l’US Navy jusqu’en 1978, il connaît ensuite plusieurs propriétaires et de nombreux projets de reconversion – hôpital, navire de croisière, casino…
En 1984, ses emménagements intérieurs sont vendus aux enchères. Quand la Norwegian Cruise Line décide de le céder aux démolisseurs, l’association SS United States Conservancy, dirigée par la petite-fille de son architecte, le rachète en 2010 pour tenter de le sauver. Dix ans plus tard, la société RXR Realty lance un projet d’espace culturel de plus de 55 000 mètres carrés à quai, suscitant l’intérêt de plusieurs villes, dont Boston, New York, Philadelphie, Miami, Seattle, San Francisco…
Depuis 1996, ce témoin de la glorieuse marine marchande américaine patiente le long d’un quai de Philadelphie. Les coûts d’amarrage, qui ont doublé en 2023, sont astronomiques. À la demande du propriétaire du quai, un juge vient de prononcer son expulsion… N. C.
Publié Le Chasse-Marée 341 – Octobre-Novembre 2024