Au temps héroïque de la marine à voile fourmille d’anecdotes et d’informations tirées des écrivains et historiens qui ont documenté la matière, souvent à partir de leur propre expérience de marin. De Gustave de la Landelle, à Georges Aubin, d’Augustin Jal à Henry Jacques, de Louis Garneray à Edouard Corbière… l’auteur puise largement aux sources de l’histoire de la marine entre es XVIIe et XXe siècles, ce qui n’est pas désagréable pour peu que l’on goûte la langue fleurie des anciens.
Pour héroïque qu’elle fût, la marine n’a pas toujours été exemplaire, loin s’en faut. Jeff Falmor ne fait pas dans la nostalgie et ne cherche pas à masquer les tristes réalités de la vie à bord, les difficiles conditions de travail, la promiscuité, les maladies, le manque de nourriture saine, sur des vaisseaux éprouvés par de longues traversées, quand ils n’étaient pas amochés dans un combat ou ne coulaient pas sous les pieds des braves impuissants. Les guerres navales ont d’ailleurs fait ruisseler tant de sang, souligne l’auteur, que « les ponts des navires étaient à l’origine peints en rouge, ce qui permettait, en quelque sorte, de s’habituer au décor »…
Au chapitre « Les domestiques du bord », on apprend aussi que la coutume de fouetter les mousses, voire de les faire se fouetter entre eux, variante piquante, était censée faire venir le vent, « selon une longue tradition d’imbécillité à laquelle certains ont parfois décerné le titre de folklore maritime », s’indigne Jeff Falmor.
On glane aussi des anecdotes plus amusantes, notamment sur les femmes qui se sont impudemment glissées parmi la gent matelote, habituée, il est vrai, à porter le cheveu long. Ce fut, par exemple, le cas de Louise Antonini qui embarqua comme matelot sur le brick la Revanche, puis sur la frégate la Cornélie où elle servit onze ans durant. Son anatomie finit par trahir son sexe lorsqu’elle fut blessée, et soignée, dans un combat contre l’Anglais. Qu’à cela ne tienne, à peine libérée des pontons, cet intrépide numéro s’en alla porter la culotte dans le 70e de ligne, où elle endossa l’uniforme de caporal, puis de sergent…
Agrémenté de reproductions de gravures anciennes, cet ouvrage se feuillette avec plaisir, à la faveur de près d’une trentaine de chapitres qui vont du vaisseau à la « planche du coq », en passant par les vêtements, la météorologie, le charivari, l’hygiène ou la médecine du bord… Qui inventa le sabord, que faisait-on dans la poulaine, pourquoi dit-on le Pot-au-noir ? Autant de questions qui trouvent ici des réponses sérieuses, mais sans pédantisme.