De l’En Avant lancé en 1973 par Léon Gléhen au Guilvinec, et qui a été remis à l’eau le 15 décembre dernier, il ne reste que l’arrière… Ce bateau de pêche d’une quinzaine de mètres a été transformé chez Y&Y, le chantier d’Yves Tanguy à Douarnenez, où il a reçu une moitié avant toute neuve, complètement redessinée par le patron, avec une de ces étraves saillantes aux allures de bulbe dont il s’est fait la spécialité. Ces formes permettent de gagner en volume à l’avant et en longueur à la flottaison, donc en efficacité de marche. En outre, ce type de travaux permet aux armateurs de réduire le temps d’immobilisation des navires et des équipages. « On peut préparer la construction de la partie neuve avant de sortir le bateau de l’eau, de le couper et de reconstruire… » Un tiers du travail à peu près peut être effectué en avance, sur six mois en tout pour une unité de cette importance. Dans le cas d’En Avant, cela n’a pas été le cas, puisque les travaux ont été effectués à la faveur de la reprise du bolincheur par de nouveaux armateurs, Thomas Hamon et Philippe Dieudonné.
« Ça reste beaucoup plus compliqué que de construire un nouveau bateau », précise Yves Tanguy, mais la formule a fait ses preuves, puisqu’En Avant est la sixième unité ainsi transformée ici depuis 2014. « Ces dernières années, après bon nombre de constructions neuves, en plus de l’entretien de la soixantaine d’unités de pêche qui font appel à nous pour leur maintenance, le chantier s’est surtout consacré à des refontes de navires de pêche, et à des restaurations de yachts et autres bateaux historiques. » Le hangar accueille d’ailleurs en ce moment plusieurs voiliers classiques, dont le plan Stephens Khayyam, à côté du sloup de Camaret Red ar Mor, et la baleinière à moteur Amiral Charner. Du pain sur la planche pour les huit charpentiers du chantier. « Mais malgré le contexte très incertain, nous travaillons avec des armateurs de pêche à des projets de constructions neuves de près de 15 mètres. » Toujours sur des dessins d’Yves Tanguy : « Je tiens à construire des bateaux selon mes propres conceptions. D’ailleurs c’est pour ça que les armateurs viennent me voir. »
Voici une centaine d’années que Félix Tanguy (le grand-père d’Yves), établissait son chantier à Sein, avant Jean-Marie (le père), à Douarnenez. Pour autant, le patron et fondateur d’Y&Y se garde farouchement de tout passéisme : « Nous sommes une entreprise d’aujourd’hui, insiste-t-il, au même titre que le garage automobile voisin… Le siècle qui m’intéresse, moi – et qui intéresse les clients qui investissent dans les bateaux que je leur construis –, c’est le prochain ! »
En avant, pour sa part, après les ultimes finitions, tests de stabilité, et certifications par le Bureau Veritas, a pris la mer avec ses apparaux de pêche. Son port d’attache est désormais celui de Concarneau.