Dédiée à Jacques Perrin, la première exposition temporaire du musée de la Marine depuis sa réouverture est consacrée au cinéma maritime. Conçue en partenariat avec la Cinémathèque française qui, pour l’occasion, a sorti de ses réserves de superbes lanternes magiques, elle propose au visiteur un voyage sur les mers et les océans à la fois chronologique et thématique. Les deux commissaires, Vincent Bouat-Ferlier et Laurent Mannoni, rappellent d’abord que le goût de la mer n’a pas attendu le cinéma pour inspirer les artistes. C’est ainsi que le peintre Hugo d’Alési conçoit pour l’Exposition universelle de 1900 un panorama maritime, baptisé « maréorama », composé de toiles peintes et de mécanismes reproduisant le roulis d’un navire.
Le cinéma va faire disparaître ces dispositifs immersifs en proposant au spectateur d’autres expériences visuelles, comme pour le film Windjammer (1958), diffusé en « cinérama » à l’aide de trois impressionnants projecteurs. Les méthodes de tournage dans un environnement hostile constituent un autre fil rouge historique et technique de l’exposition, des plaques photographiques de l’expédition en scaphandre des frères Williamson en 1916 à la caméra sous-marine Arriflex utilisée par James Cameron pour Titanic (1997). En tournant le regard, le visiteur découvre les mannequins de Rose/Kate Winslet et Jack/Leonardo DiCaprio. Grâce aux costumes, aux affiches, aux éléments de décor – parfois à l’échelle 1 – et à de nombreux extraits de film, Objectif mer décline tous les genres du cinéma maritime, du pirate au sous-marin, en passant par le naufrage et le film d’horreur, représenté par l’animatronique du requin des Dents de la mer (1975).
Dans ce musée imaginaire du cinéma maritime, chacun retrouvera, ou pas, ses films « fétiches ». Certaines absences sont anecdotiques – comme celle des surfeurs peroxydés du mythique Point Break (1991) de Kathryn Bigelow –, d’autres plus problématiques : aucune place n’est accordée aux œuvres réalisées par des femmes – par exemple Fidelio (2014) de Lucie Borleteau ou Grand marin (2023) de Dinara Droukarova – qui auraient permis d’interroger l’univers genré de la mer et des navires. Mais le thème choisi est tellement vaste que l’on doit surtout féliciter les commissaires d’avoir su concevoir un parcours dont on sort avec mille idées de films à voir, ou à revoir : l’indépassable Crabe-Tambour (1977) de Pierre Schoendoerffer, le Moby Dick (1956) de John Huston et La Vie aquatique (2004) de Wes Anderson, subtile mise en abyme du cinéma du commandant Cousteau. V. G.