Le port à sec de Roses, en Catalogne, accueille une jonque en ferrociment de 25 mètres en pleine reconstruction, pour le plus grand étonnement des passants non initiés, surpris par ce navire « en béton armé » et à la silhouette inhabituelle. Le navire de recherche Heraclitus a été construit en 1975 en Californie par les membres de l’Institute of Ecotechnics, une association britannique qui promeut « une avancée technologique en harmonie avec l’écologie ». Il a depuis navigué sur tous les océans, sauf l’Arctique, au gré des programmes de recherche marine dont il fut le support.
En 2012, après 270 000 milles parcourus, une restauration d’ampleur s’imposait, ce qui n’allait pas sans revivifier un savoir-faire en perdition. Une vingtaine de volontaires, de tous âges et toutes origines, se sont succédé depuis sur le chantier, sous la direction du capitaine Claus Tober et de la cheffe d’expédition Christine Handte, pour mener à bien la reconstruction.
La membrure est entièrement refaite : une à une, de longues tiges métalliques sont courbées et soudées, redonnant ses formes à la jonque. Ces couples sont reliés par de multiples lisses longitudinales et sur ce quadrillage, des centaines de mètres carrés de grillages sont enroulés, puis minutieusement ajustés à la structure à l’aide de fils de fer galvanisé, pour former un maillage dense prêt à retenir le ciment.
En février 2020 débutait l’étape cruciale : cimenter. Durant six semaines, les membres de l’équipage assistent des cimentiers professionnels, rompus aux travaux du bâtiment, pour qui cimenter un voilier représente un défi technique inhabituel. Chaque matin, une pompe projette une tonne de ciment polymère sur les flancs du navire — de quoi former environ 20 mètres carrés de bordé par jour. L’après-midi est consacré à polir la pâte encore malléable à l’aide de platoirs et de taloches-éponges, jusqu’à obtenir une surface lisse. Le ciment est livré durant quelques heures au contact de l’air pour qu’il commence à durcir, puis il est maintenu à un taux d’humidité élevé pendant 48 heures, afin d’acquérir une solidité maximale. Le rendu final, prêt à peindre, témoigne des récents progrès réalisés pour ce type de matériau.
Interrompus aux deux tiers par la pandémie de Covid-19, les travaux reprennent avec trois semaines supplémentaires de maçonnerie prévues cet hiver. Cette étape décisive de la reconstruction rapprochera l’équipage de sa prochaine expédition en mer… L’atypique navire de recherche Heraclitus devrait faire voile en 2022. <rvheraclitus.org>