Cela fait vingt-sept ans que le Sainte Denise-Louise attend une main secourable sur le quai Freycinet iv où la mairie de Dunkerque l’a abandonné. Ce dundée harenguier de 19,60 m de long, héros de l’opération Dynamo et classé Monument historique en 1992, méritait meilleur sort. Le Sainte Denise-Louise est construit en 1935 à Ostende par le chantier Hillebrand pour Victor Marteel, un patron pêcheur de Dunkerque. Ce dernier arme à la pêche côtière entre le cap Gris-Nez et la frontière belge jusqu’en 1939. Son bateau est alors réquisitionné par la Marine et transformé en arraisonneur dragueur auxiliaire (AD 394).
Le 27 mai 1940, suite à son bombardement par la Luftwaffe, il est amarré dans un bassin de Dunkerque. Mais cela ne l’empêche pas de participer à l’opération Dynamo : le 4 juin, à 3 heures du matin, il appareille à destination de Douvres pour rapatrier cent seize soldats britanniques. La paix revenue, Victor Marteel revient à son métier. Le Sainte Denise-Louise (immatriculé D 818) pratique la pêche jusqu’à son désarmement, en 1973. Deux ans plus tard, son patron le cède à un club de plongée, qui ne tarde pas à le reléguer au fond de l’arrière-port, où il sert d’atelier flottant, voire de dortoir – notamment pour Jean-Pierre Després, sa femme Christiane et Philippe Bret, pendant la restauration de Notre-Dame des Flots, échouée à proximité (CM 289). Ce trio a mis les voiles depuis trois ans quand Bruno Deman et Hervé Boukaert se laissent tenter par une aventure similaire : en 1986, ils achètent le Sainte Denise-Louise dans l’intention de le restaurer. « J’ai tout quitté à vingt-six ans pour vivre ma passion. Chaque jour, hiver comme été, je venais travailler », a récemment confié Bruno Deman à La Voix du Nord.
Quatre ans plus tard, la grande coque en chêne n’est toujours pas en état de reprendre la mer. Les deux amis jettent l’éponge et revendent le dundée à la ville de Dunkerque. « Nous n’avions plus de quoi vivre », affirme Bruno Deman. Depuis lors, rien ! La coque, solidement accorée devant les anciens établissements Jokelson & Handtsaem, semble faire partie du paysage. Encombrée de cet embarrassant Monument historique, la mairie a commandé une expertise en 2015, qui a préconisé sa démolition « étant donné l’état d’abandon constaté ». À qui la faute ? S’exprimant dans La Voix du Nord, Michel Tomasek, adjoint à la culture, se dit prêt à céder le bateau à une association désireuse de le restaurer, tout en prévenant que la Ville exclut toute prise en charge financière.
En terme rugbystique, on appelle cela : « botter en touche ».