Le 3 septembre dernier, c’est la Terror, le second navire de l’expédition, qui a été identifiée par l’équipage du Martin-Bergmann, ancien chalutier armé par l’Arctic Research Fundation. Cette campagne s’inscrivait dans un programme de recherches engagé depuis 2008 par l’agence d’État Parcs Canada, aux visées à la fois culturelles et environnementales.
Suite au propos d’un chasseur inuit qui avait dit avoir vu, six ans plus tôt, un mât dépasser de la glace à Terror Bay, une anse à l’Ouest de l’île du Roi-Guillaume, le Martin-Bergmann s’est rendu à cet endroit. Il a scruté les fonds sans rien détecter et s’apprêtait à appareiller quand l’écran du sondeur a révélé une silhouette susceptible de correspondre à l’épave de la Terror. Hypothèse vite confirmée en confrontant l’image avec les plans de la galiote mixte.
La coque, bien posée, repose par 24 mètres de fond. La plupart des écoutilles sont fermées et trois des quatre fenêtres de la chambre arrière – celle du capitaine Francis Crozier – ont même conservé leurs vitres. La cloche repose sur le pont à proximité de la barre à roue. Les trois mâts, brisés, ont disparu, mais l’étrave arbore toujours son beaupré de 6 mètres de long et son bardage en tôles de fer protégeant la proue de l’agression des glaces. Les Canadiens distinguent aussi un gros tuyau d’échappement sortant du pont à l’endroit où se trouvait la cheminée.
Pour explorer l’intérieur de la coque, l’équipage y introduit un robot téléguidé qui transmet des images du carré, de plusieurs cabines et de la cambuse dont les étagères portent encore quelques assiettes. Des tables, un bureau, deux bouteilles sont identifiés…
Après une semaine d’exploration, Adrian Schimnowski, qui conduit l’opération, s’avoue étonné par la bonne conservation du navire cent soixante-huit ans après son abandon. « La coque semble presque intacte, dit-il. Si on pouvait la renflouer et pomper l’eau, il est probable qu’elle flotterait. »
Reste que la localisation de l’épave va obliger les historiens à réécrire la fin tragique de l’expédition Franklin dont les cent vingt-neuf hommes sont morts de faim ou de froid. En effet, Terror Bay se trouve à une centaine de kilomètres au Sud de l’endroit où les deux galiotes étaient supposées avoir été abandonnées, et à une centaine de kilomètres au Nord du lieu où gît l’épave de l’Erebus. Les survivants partis à pied après l’abandon des navires ont-ils rebroussé chemin pour reprendre la mer, avant de devoir abandonner leurs bateaux une seconde fois et successivement à deux endroits différents ? Le mystère demeure…
Crédit iconographique : Arctic Research Fundation