Par Serge Lucas – Le concours « Bateaux des côtes de France » avait lancé le pari que chaque port se construirait sa propre unité, qui serait porteuse d’une identité singulière. Mais plusieurs types de bateaux étaient susceptibles de défendre les couleurs de Saint-Malo, port dont l’histoire maritime est particulièrement riche. En choisissant, après moult débats, de reconstituer le « Renard », dernier cotre corsaire armé par Robert Surcouf les promoteurs du projet ont fait preuve d’originalité et d’audace. Ils quittaient le monde, relativement familier, des voiliers de travail, pour plonger dans l’univers plus lointain de la « Grande marine ». Une vraie première qui a nécessité un travail de recherche titanesque. Mais les talents conjugués des érudits, des gestionnaires, des charpentiers, des voiliers, des gréeurs ont permis que cette ambitieuse reconstitution soit menée à bien avec assez de rigueur; sans pour autant compromettre une utilisation effective ouverte au plus large public. Et le « Renard » fait aujourd’hui, à juste titre, la fierté de tous les Malouins.
J’ai l’honneur de vous informer que j’ai mouillé, hier soir sur la rade de la Grande-Anse, port de Diélette, revenant de croisière. Nous partîmes de l’île de Batz le 8 [septembre 1813], avec grand frais d’Ouest; dans la nuit, nous traversâmes et le matin à quatre heures, nous eûmes connaissance de Starpoint dans le Sud-Ouest, distant de quatre lieues. Le 9, à trois heures, nous aperçûmes une voile sous le vent, courant tribord amures : je le chassai et, à cinq heures, je le reconnus pour goélette de guerre. Je virai de bord; elle imita ma manœuvre et se trouvait alors à distance de deux lieues derrière nous; elle me rejoignit à une heure.
« Je fis préparer la batterie et placer chacun à son poste. La goélette ennemie engagea le feu par des coups de canons de chasse. L’ennemi lança dans le vent et je lui envoyai la volée de bâbord : il laissa arriver pour passer à tribord et je lui envoyai plusieurs volées à portée de pistolet, soutenues de toute la mousqueterie. Pendant ces premières décharges, mon premier lieutenant Devose, et les deux lieutenants Berthelot et Ramerie, furent blessés et mis hors de combat ainsi qu’un grand nombre d’hommes de l’équipage. »
Le dernier combat
« Il fit calme plat, quoique la mer grosse, et l’ennemi fut jeté par la lame sous le bossoir de dessous le vent : je commandai l’abordage. L’ennemi plus fort en nombre, le repoussa avec perte et nous envoya sa volée à mitraille qui balaya tout le gaillard d’avant. Mon second fut tué dans cette décharge et j’eus plusieurs blessés. Je n’eus pas besoin d’exciter le courage de mes gens, et M. Herbert, officier de gaillard d’avant, avec M. Lavergne, enseigne, réunirent plusieurs hommes pour faire une seconde tentative, mais les bâtiments rompirent les grappins et se séparèrent. Pendant tout ce temps la batterie des deux bords ne cessa pas de jouer et les officiers du gaillard d’avant jetèrent plusieurs grenades. Pendant que les bâtiments étaient abordés, nous nous arrachions les lances et les pistolets des mains les uns des autres et l’on se mutila sans pouvoir monter à bord l’un de l’autre.
« L’ennemi tomba vers notre hanche de tribord, nous envoyant des décharges qui se succédaient vivement. Dans une de ces décharges, j’eus un bras emporté et j’encourageai mes gens en leur criant : « Courage, mes amis, l’ennemi va se rendre ». Je fis prévenir M. Herbert, le seul lieutenant qui me restait, de prendre le commandement du corsaire : il me fit porter dans la chambre ; il était alors trois heures.
« M. Herbert avec M. Lavergne excita le courage du petit nombre d’hommes qui restait et continuèrent le combat, lorsque deux coups de canon qui partirent à la fois de notre bord parurent mettre le désordre à bord de l’ennemi. Comme l’officier commandant criait : « Ils sont amenés, bas le feu !», la goélette sauta à portée de pistolet sous le vent. Nous fûmes au même instant couvert de flammes et de débris qui tombaient en feu de tous bords.
« L’officier commandant fit jeter de l’eau partout et ordonna de mettre les embarcations à la mer, pour sauver ceux de l’équipage ennemi qui auraient pu échapper de l’explosion; mais notre chaloupe se trouva toute hachée, et le porte-manteau à la traîne coulé. On en aperçut trois ou quatre nageant sur les débris, et tout ce qu’on put faire fut de les engager à s’approcher du bord, le calme empêchant de manœuvrer, mais aucun ne put approcher ; ils s’écriaient qu’ils n’y voyaient rien.
« Il était alors trois heures et demie. Le premier soin fut ensuite de s’occuper de nos blessés qui étaient au nombre de trente et un, cinq hommes seulement avaient été tués. Il ne nous restait que treize marins en état de manœuvrer. Nous nous réparâmes le mieux que nous pûmes et fîmes route pour la côte de France où nous sommes arrivés le 14.
Signé, pour le capitaine Leroux, Jean Herbert, Lieutenant. »
Au-delà du récit aventureux et de l’émotion qu’il inspire, cet extraordinaire rapport de mer du capitaine du Renard permet de mieux comprendre la nature de ce bâtiment, son rôle et les stratégies adoptées dans la guerre de course. Ainsi voit-on dans un premier temps le capitaine Leroux, auquel Robert Surcouf a confié le commandement de ce cotre, tenter d’éviter l’engagement contre la trop puissante Alphea. Cette goélette anglaise, armée de seize canons de douze et de seize pierriers, a un équipage de quatre-vingts hommes alors que le Renard, armé de dix caronades de huit et de quatre canons de quatre, n’a qu’un équipage de quarante-neuf hommes. Mais bientôt l’Alphea rattrape le Renard qui n’a plus le choix et doit livrer bataille, pour finalement triompher, au prix de lourdes pertes.
Ayant donc fait parler la poudre à son corps défendant, le Renard envoie par le fond la redoutable Alphea, un navire réputé excellent dans la Royal Navy. Pas un seul Anglais ne survivra. Quant au capitaine Emmanuel Leroux-Desrochettes qui perd un bras au cours de l’engagement, il va décéder deux semaines plus tard (le 25 septembre) à Diélette. Il était né le 7 novembre 1787 à Saint-Malo, et n’avait pas vingt-six ans. On l’enterra, avec trois de ses hommes, dans le cimetière de Tréauville, une petite localité de l’Ouest Cotentin. Sans doute cet événement a-t-il marqué fortement la population locale, car deux siècles plus tard, une authentique tradition vivante rappelle encore la mémoire des marins morts au combat : chaque année la mairie de ce village de trois cents âmes dépose au mois de septembre une gerbe sur la tombe des corsaires disparus.
La guerre de course à Saint-Malo
La guerre de course dans laquelle s’illustrèrent les corsaires, était, on le sait, un affrontement d’ordre avant tout économique. Elle était menée par des bâtiments civils qui s’attaquaient aux navires de commerce — mais souvent puissamment armés — de l’ennemi, dans le but avoué d’en tirer un profit matériel, mais aussi dans le souci supérieur de priver le pays adverse de ses approvisionnements extérieurs en matières premières, denrées alimentaires, etc. et donc de l’atteindre dans son équilibre économique. On ne fait pas un blocus — il faudrait pour cela une marine puissante —, mais on crée un climat d’insécurité, on pille — pardon, on saisit — les marchandises qui lui sont destinées. Les navires corsaires n’ont donc aucun intérêt à affronter les bâtiments de guerre de l’ennemi… D’où l’attitude parfaitement logique du Renard qui vire de bord lorsqu’il identifie l’Alphea…
Pour exercer ce métier risqué en toute légalité, les navires armés en course devaient simplement être munis d’une « lettre de marque » portant le paraphe du roi ou des plus hautes autorités navales. Le corsaire est donc un matelot dûment accréditer qui sert son pays. Lorsqu’il est capturé par l’ennemi il est d’ailleurs considéré comme prisonnier de guerre.
Surcouf, capitaine corsaire à vingt-deux ans
L’Ordonnance royale de 1778 codifiait alors la course. Cette activité particulière, déjà très pratiquée au XVIIe siècle, connut son plus grand essor au XVIIIe siècle, mais c’est sous l’Empire que les hauts faits des corsaires firent l’objet de la plus grande ferveur nationale. En l’absence d’une flotte de guerre suffisamment nombreuse et efficace, les Français pouvaient ainsi espérer battre en brèche la toute puissante marine britannique.
Bien entendu, la Manche est une des zones favorites des corsaires, mais ils exercent également leurs talents dans l’océan Indien, à proximité de l’île de France (Maurice). Et c’est dans ces eaux que Robert Surcouf acquiert richesse et célébrité. Né à Saint-Malo en 1773, ce jeune homme intrépide ne tarde pas à emboîter le pas de son illustre prédécesseur Duguay-Trouin, auquel il est apparenté par sa mère. A treize ans, il s’embarque comme mousse sur un navire en partance pour les Indes. Et comme il fait preuve de qualités exceptionnelles de marin et meneur d’hommes, il est nommé second capitaine dès l’âge de dix-sept ans ! Il revient en France de temps à autre, mais le pays d’adoption qu’il s’est choisi est manifestement l’océan Indien. Installé à l’île de France, il pratique, pour le compte d’armateurs nantais, la traite des esclaves destinés aux planteurs de l’île Bourbon (La Réunion).
Le 30 août 1795, il obtient le commandement de l’Emélie et se lance dans la guerre de course. Mais ses premières prises lui sont confisquées par le gouverneur de l’île de France — le jeune corsaire n’avait pas de lettre de marque et chassait l’Anglais en toute illégalité. Surcouf n’apprécie guère. Il fait spécialement le voyage de Paris pour venir clamer son indignation, et demander réparation au Directoire. Le Conseil des anciens lui donne raison et ordonne qu’on lui restitue la part qui normalement lui revient de sa prise. Bon prince, il n’en prend qu’une partie (660 000 livres) et laisse 1 040 000 livres à l’État.
Dès lors, il va mener, légalement cette fois, une fulgurante guerre de course. Avec la Clarisse d’abord, et surtout la Confiance, il sème une véritable panique dans les flottes marchandes britanniques croisant du côté de l’île de France. Bien que la Confiance ne soit armée que de vingt canons, il n’hésite pas à défier le Kent, l’une des plus belles unités de la Navy. Et il gagne ce combat ! Les Anglais sont furieux et, malgré les usages, la tête de Robert Surcouf est mise à prix.
De l’audace, un sens marin inné, un instinct rare des affaires et un zeste de chance, Surcouf réunit toutes les qualités qui font de lui un véritable héros. En quarante-quatre mois de guerre de course, il bâtit sa légende et réunit un immense magot. Mais l’homme est réaliste ; fortune faite, il abandonne la course aux lles avant que la chance ne tourne. Il rentre à Saint-Malo, se marie et s’établit comme armateur. Devenu notable, il sera l’un des premiers décorés de la Légion d’honneur. Une dernière escapade aux Antilles, assez peu concluante, le vaccine définitivement contre la tentation de l’aventure. Robert Surcouf se contente désormais d’être l’un des plus puissants armateurs de France. Il conserve néanmoins le goût de la course, mais limite ses risques en armant de plus petits bâtiments. C’est ainsi, qu’en 1812, il fait construire, à Saint-Malo, un petit cotre corsaire de soixante-dix tonneaux : le Renard qui coula l’Alphea. Ce sera son dernier navire armé en course.
Le 9 août 1814, un an après cet exploit, le tribunal de commerce de Saint-Malo règle « la liquidation de l’armement en course du corsaire le Renard’. La minute du jugement précise que cette liquidation comprend : « La somme de 2 700 francs, montant de la vente publique à la Bourse, de l’ancienne coque nue du corsaire le Renard, celle de 10 700 francs, montant de la vente dudit corsaire réédifié… » Ce qui semble signifier que le Renard, trop endommagé après sa bataille contre l’Aphea, a dû être remplacé par un nouveau Renard.
A quarante et un ans, Robert Surcouf liquide ses affaires et prend sa retraite de la course dans sa malouinière de Riancourt. Le richissime armateur n’a cependant pas rompu tous les liens avec la mer. Il conserve des navires de traite et de commerce. Durant treize ans encore, il se rendra régulièrement rue Saint-Philippe, dans sa maison natale qui domine le port, pour suivre l’évolution de la marine…
Malouin suis !
En 1987, grande première en France, Cancale construit et lance sa bisquine : un bateau de près de vingt mètres, extrêmement spectaculaire avec ses trois mâts, son long bout-dehors et ses trois cent cinquante mètres carrés de voilure. Les promeneurs de La Houle n’avaient pas vu un tel spectacle depuis longtemps. La Cancalaise se taille très vite une réputation nationale : on parle davantage du petit village de pêcheurs que de ces « Messieurs de Saint-Malo ». La querelle de clochers renaît de plus belle; cette fois pourtant, la vieille rivalité entre Malouins et Cancalais va avoir un effet bénéfique.
Certains racontent que nombre de Malouins présents au rassemblement de Douarnenez 88, où beaucoup de ports français étaient représentés, furent blessés dans leur fierté de ne pas avoir de bateau à la hauteur du passé maritime de la cité corsaire et que les esprits s’échauffèrent quelque peu au retour. N’avait-on pas lancé, non sans quelque succès de mobilisation, l’idée d’un « grand voilier malouin », quelques années auparavant ? Cette fois il était temps de passer à l’acte ! Le 30 août, Jean-Yves Auffret, Thierry Echard, Yann Guesdon, Roland Mazurié des Garennes, Louis Rettel et Robert Surcouf — descendant de l’illustre corsaire — lancent un défi : « Une bisquine pour Saint-Malo ». Le libellé de l’affiche d’appel à la première réunion, « volontairement provocateur », comme le rappelle Yann Guesdon, fait l’effet d’une bombe. Près de deux cents personnes affluent à la Chambre de commerce et d’industrie, dont bon nombre pour dire non à la bisquine ! Mais les Malouins ont bougé…
« Attention ! Il n’y a jamais eu de bis-quine à Saint-Malo ! » protestent nombre de connaisseurs, parmi lesquels Raymond Labbé. Il eut été plus simple, pour ce constructeur, d’appuyer la proposition. En qualité de patron d’un des derniers grands chantiers navals bois de la région, c’est lui qui avait construit la bisquine cancalaise. Il aurait donc pu se contenter, au prix de quelques légères modifications, de construire une seconde bisquine. Ne ré-pète-t-il pas à l’envi : « Moi, dès qu’on me demande de faire un bateau, je suis content. » Oui, mais pour le charpentier malouin, comme pour tous les vrais passionnés, Saint-Malo se devait de reconstituer un bateau réellement représentatif de son passé maritime.
Quoi qu’il en soit, l’idée de la construction d’un navire ancien est lancée et bien lancée : c’est là l’essentiel. Saint-Mao aurait donc son bateau, mais lequel ? Les proposition affluent. Pourquoi pas le… Pourquoi-Pas ?, avancent certains. Construit au début du siècle au chantier malouin Gautier, le navire polaire de Jean-Baptiste Charcot réveille bien des souvenirs. Belle idée, mais ambitieuse et… bien trop coûteuse pour être adoptée.
On ne retient pas non plus la suggestion, pourtant plus séduisante encore, de reconstruire un terre-neuvier. Un tel navire serait relié à la mémoire maritime la plus longue, mais aussi la plus vivante de Saint-Malo. La Grande Hermine et les derniers bâtiments de l’armement Pleven n’essaient-ils pas de maintenir coûte que coûte la tradition de la grande pêche ? Reconstruire un trois-mâts goélette des Bancs, c’eut été rendre un spectaculaire hommage aux milliers de matelots de la grande région malouine qui depuis le XVe siècle ont gagné leur vie au Grand métier… Les partisans du navire terre-neuvier — au premier rang desquels figurait Jean Le Bot, universitaire rennais spécialiste des bateaux de pêche de la région malouine, et qui traça le plan de formes de la Cancalaise — défendent le projet bec et ongles. Mais là encore, après consultation de la Mairie, on se rend compte que le budget ne pourrait pas suivre; mettre en chantier un navire de quarante-cinq mètres est, pour l’instant, trop ambitieux.
On envisage alors de reconstruire toute une série de maquereautiers ou de borneurs, mais, à l’inverse du terre-neuvier, ces bateaux semblent trop petits pour porter suffisamment haut les couleurs de la cité malouine. Raymond Labbé, lui, a un faible pour le cotre pilote Général Gallieni qu’il a vu naviguer durant son enfance. Hélas, ce pilote a été construit à Boulogne. Difficile vraiment de trouver un bateau suffisamment représentatif pour faire vibrer la corde sensible des Malouins.
Pourquoi pas Le Renard?
De conversations de quais en réunions informelles à la Chambre de commerce et d’industrie, les initiateurs du projet en arrivent à évoquer la figure de Robert Surcouf. De tous les personnages de l’histoire maritime de Saint-Malo, il est incontestablement le plus célèbre. Et puis, l’épopée de la course n’est-elle pas l’élément le plus original du passé malouin -Granville aussi a eu ses terre-neuvas —, la course n’est-elle pas l’image de marque la plus spectaculaire et la mieux partagée d’une cité dont chacun connaît la majestueuse architecture ? Celle-ci fut reconstituée de toutes pièces, après les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, comme si la ville avait voulu renouer le fil brisé qui la reliait à son glorieux passé. N’était-il pas opportun de reconstituer un bâtiment corsaire, — on a d’abord parlé d’un lougre – qui s’intégrerait à merveille à ce cadre unique ? L’assentiment, tout de suite, est quasi général. Il ne fallait pas aller chercher plus loin.
Quel bâtiment choisir parmi la longue liste des navires corsaires armés par Surcouf ? La Confiance avait sans doute été le plus célèbre d’entre eux. Mais une fois encore, le coût de la réalisation d’une unité de cette importance aura raison des enthousiasmes les mieux fondés. D’ailleurs, ce bâtiment navigua toujours dans les eaux de l’océan Indien et ne vit jamais les remparts de Saint-Malo.
Tandis que certains recherchent fébrilement le bateau idéal à mettre en chantier, quelques personnes envisagent la question sous un jour plus pragmatique. Elles s’attachent à faire une addition sérieuse des subventions, aides et dons qu’il est raisonnable d’espérer. On en arrive ainsi à la somme de quatre millions de francs. « Avec un budget de cet ordre, estime Raymond Labbé, il faut fixer notre choix sur un bateau d’environ vingt mètres ». Voilà qui limite• le choix.
Et la bonne piste sera bientôt suggérée par M. Martin-Désgrèves, qui rappelle qu’au temps de Surcouf, on a aussi armé de grands cotres en course ! C’est ainsi que, presque naturellement, le choix se portera sur le plus petit, et le dernier des bâtiments armés par Robert Surcouf : le cotre Le Renard. Un bateau à l’histoire glorieuse, qui au surplus a remporté le dernier combat victorieux de toute l’histoire de la course en France ! Mieux, ce navire a laissé une trace dans la mémoire vivante de Saint-Malo : aujourd’hui encore, il n’est pas rare de rencontrer des familles où les souvenirs personnels de cet ultime combat n’ont pas disparu.
La chasse aux souvenirs
Tandis qu’une équipe efficace se met en place pour collecter les subsides nécessaires au démarrage du projet, une réflexion est lancée dans le but de définir les plans du bateau à reconstituer. Hélas, l’espoir de retrouver le plan d’un cotre proche du Renard s’amenuise bien vite : il n’en existe ni à Saint-Malo, ni au Musée de la Marine de Paris, ni au National maritime museum de Greenwich – qui conserve, pourtant des dizaines de plans de corsaires français, dont celui de La Confiance -, ni dans les archives familiales de Surcouf, en grande partie brûlées en 1938 et 1944. Les seuls documents retrouvés correspondent à des bateaux de vingt-six mètres, comme la Caroline, certes gréée en cotre à l’origine, mais qui fut transformée en brick car les cotres de cette taille s’étaient avérés difficilement manœuvrables.
En revanche, Thierry Echard dispose d’un magnifique plan de sloup de guerre de la dimension requise. Il avait repéré ce petit bâtiment armé de quatorze canons, et dessiné par Chapelle, dans son ouvrage The National Vatercraft Collection. Thierry Echard en tire une esquisse avantageuse, qu’il présente à ses amis. On apprécie en connaisseurs, mais beaucoup font remarquer que les formes en V et les élancements de ce sloup rappellent par trop les navires de construction américaine du style « Baltimore clipper ».
L’hypothèse d’une carène de ce type n’est pourtant pas absurde, car Surcouf s’intéressait beaucoup aux innovations techniques ; quelques années auparavant, il aurait même envoyé une mission en Amérique pour étudier les formes des corsaires locaux réputés pour leur marche. En outre, preuve que le Malduin entretenait bien des rapports avec le Nouveau Monde, on retrouve dans le rôle d’équipage du Renard la présence de sept Américains, dont le maître d’équipage, le maître charpentier et le maître canonnier…
Cela dit, rien ne permet d’affirmer que des bâtiments de ce type aient été réellement construits à Saint-Malo, et il paraît plus sûr de recentrer la recherche sur des plans de cotres du type le plus couramment utilisé sur nos côtes dans les années 1800.
En définitive, c’est au Musée de la Marine de Paris que sera dénichée la perle rare. Il s’agit des plans du Requin, un cotre de Dunkerque construit en 1793 (vraisemblablement par Denys, qui en lança quelques-uns à Saint-Malo). Ce bateau correspond assez bien aux normes du Renard puisqu’il comporte sept sabords de chaque bord et mesure vingt-deux mètres’. Ce plan initial, qui se limite à un simple profil et à un jeu de lignes, va servir de base de travail à l’architecte. C’est Georges Martel, de Laval, ingénieur, modéliste de grand talent et grand érudit en matière navale, qui le retracera. Quant à Thierry Echard, il aura en charge le plan d’aménagement et celui de la voilure; spécialiste incontesté de cette période, il devra en outre reconstituer tous les détails de gréement et d’accastillage.
Aventuriers du XXe siècle
Qui sont les hommes autour desquels se bâtit la véritable aventure moderne que représente un tel projet ? Il importe maintenant de passer aux présentations, sans se soucier toutefois de hiérarchie — nous serions bien incapables de l’établir, et elle ne correspondrait guère à l’esprit de cette équipe.
Raymond Labbé, malouin, est né à deux pas du chantier naval de son père, au bord du bassin. Depuis cinquante ans il construit des bateaux et ne s’en lasse pas… Gamin, il avait rêvé d’une bisquine, Cancale a comblé ses espérances. Et ce constructeur réputé, plutôt spécialisé au départ dans les yachts et les chalutiers, est devenu au fil des ans un fervent défenseur des bateaux traditionnels.
Thierry Echard se passionne depuis toujours pour la marine. Avec ses cousins, il a pratiqué tout jeune la navigation de plaisance, bien avant la vogue de cette activité. Il a à peine une dizaine d’années qu’il cherche déjà à construire son propre canot. A la retraite, après une carrière dans l’Administration des postes où il s’est frotté à l’architecture, il vient s’installer à Saint-Malo. Il n’a jamais abandonné la mer et s’est constitué, au fil d’années de fouilles chez les bouquinistes — c’était un fidèle client de M. Sergent, le prédécesseur de Jean Pollak, aujourd’hui décédé —, une impressionnante bibliothèque. Parmi ses quelque huit mille ouvrages figurent les plus rares manuels de construction et de gréement des années 1780 à 1860, mais aussi, à la place d’honneur, le Manuel du caboteur de son arrière-grand-père ! Car ce sont d’abord les ouvrages de métier qui l’intéressent. Spécialiste de l’histoire des techniques (armes, marines, locomotion), il est de ceux qui veulent connaître les secrets des gestes et des outils utilisés. Praticien autant qu’érudit, il possède une capacité de travail et d’enthousiasme phénoménale. Cette démarche et ces qualités lui seront d’un grand secours pour la reconstitution du Renard, auquel il va consacrer cinq années de sa vie.
Le troisième homme n’est autre que Robert Surcouf, arrière-petit-neveu du corsaire. A la fin du XVIIIe siècle, la famille Surcouf comptait quatre fils : Charles, Robert, Nicolas et Noël-Nicolas. Le second acquit la renommée que l’on connaît. Noël-Nicolas, le petit dernier, engendra à son tour une famille — les autres aussi d’ailleurs — dont descend aujourd’hui Robert Surcouf, agriculteur au Tronchet, près de Miniac-Morvan, et passionné de bateaux. Des spécialistes verront sans doute l’influence du prénom dans certains traits de caractère qui semblent rapprocher les deux hommes : l’attrait de la mer et… le sens des affaires. Le Robert Surcouf d’aujourd’hui, affable gentilhomme-agriculteur, a été vice-président de la plus grosse coopérative agricole de France ! Cette double qualité et son nom le prédestinaient à prendre la barre de la structure créée pour mener à bien la reconstruction du Renard.
En fait, c’est autour d’un noyau de dix-huit volontaires que naît l’association, avec le soutien sans failles de la Mairie. La municipalité de Saint-Malo, qui se cherche une image forte et a parfaitement analysé l’impact économique et culturel du phénomène « patrimoine maritime », s’engage à verser une subvention d’un million et demi de francs sur trois ans. Le Conseil général et le Conseil régional ne seront pas en reste. Ils apportent leur décisive contribution alors que l’association, menée tambour battant, rassemble bientôt mille cinq cents adhérents.
A l’instar des Cancalais, les Malouins mettent en vente les membrures de leur futur bateau. Chaque co-propriétaire entre ainsi dans le « club des armateurs » constitué à cette occasion. De plus, la société civile met en vente des parts qui donnent droit à divers privilèges. Le propriétaire d’une part reçoit un titre sur parchemin, réplique exacte des lettres de marque. Pour dix parts, il obtient un tableau et le droit de disposer du bateau pour organiser une réception, à quai bien entendu. Car à aucun moment il ne sera question de remise sur les tarifs de navigation (rappelons que le bateau n’est pas encore en chantier). C’est là, que le gestionnaire Robert Surcouf va faire merveille : il parvient à trouver des fonds sans pour autant hypothéquer les ressources à venir du bateau. Même la vente des habituels « pin’s », réalisés avec goût, sera hissée par les financiers du corsaire au niveau d’un véritable pactole!
Le chantier
Une fois tracés les plans de formes et de charpente, et un premier stock de bois rassemblé, le Renard peut enfin être mis en chantier. Le 13 mai 1989, Raymond Labbé et ses compagnons posent la quille. L’assemblée générale constitutive de l’association s’était tenue six mois plus tôt (le 18 novembre 1988). Le noyau dur de bénévoles n’a pas les deux pieds dans le même sabot ! Cette première matérialisation spectaculaire du projet ne fera que stimuler l’ardeur de tous.
Conformément aux recommandations du concours « Bateaux des côtes de France », et suivant l’expérience réussie de la bisquine cancalaise, le Renard sera construit en public à l’entrée de la ville. Ainsi, la population malouine pourra-t-elle suivre jour après jour la progression des travaux. Sans doute cela complique-t-il quelquefois la tâche des charpentiers, mais l’ambiance chaleureuse qui règne sur le chantier en plein air compense les petits inconvénients. Et puis, autofinancement oblige, la boutique bien garnie en produits, souvent d’excellente qualité, connaît un vif succès.
Avant même d’être achevé et mis à l’eau, le Renard devient ainsi l’affaire, le bien propre de toute une collectivité. « Saint-Malo, Saint-Servan, Paramé, l’unanimité se faisait dans tous les comités pour aider cette réalisation. De manière très réaliste, chacun en percevait les gains potentiels en matière économique, culturelle, touristique, un vrai courant de sympathie naissait… » se souvient avec émotion Robert Surcouf. A compter de cette date, l’association ne manquera pas une seule manifestation locale. A l’image de leurs ancêtres qui, lorsqu’ils avaient repéré un navire marchand, ne le lâchaient plus, ces corsaires modernes mènent une « guerre d’usure » pour gagner ce grand défi de la reconstruction.
Si les travaux avancent assez lentement, le chantier ne demeure jamais inactif et ses portes restent largement ouvertes. Raymond Labbé y tient, même si cette expérience lui impose une organisation un peu contraignante. Pour bien des familles, la promenade dominicale au chantier du Renard devient rituelle. Ce travail « à cœur ouvert » est indispensable pour maintenir la pression, attiser l’enthousiasme et susciter les adhésions. Et tandis que s’affairent les charpentiers, les membres de l’association poursuivent inlassablement leurs recherches et leur réflexion, afin de pouvoir, en temps utile, donner au chantier les informations les plus précises possible.
Puisqu’il n’existe pas de plan d’époque détaillé, force est de le reconstituer point par point, quitte parfois à le modifier au fil des découvertes. Avec un éternel sourire qui cache une détermination sans faille, Thierry Echard remonte le temps, découvre des techniques, des tours de main oubliés ; ainsi peut-il se montrer exigeant dans l’exécution des détails. Cela ne va pas toujours, il est vrai, sans quelques discussions serrées entre l’historien, le charpentier et l’armateur qu’est devenu, par la force des choses, Robert Surcouf. Il faut souvent des heures pour trouver le compromis qui satisfait à la fois le souci d’authenticité du chercheur, les possibilités du chantier et le moral des financiers.
En l’occurrence, c’est surtout la charpente qui va faire l’objet des concessions les plus notables. Il est vrai qu’en ce domaine, il a été difficile d’éviter le flou. On n’a pas de réelle certitude sur les échantillonnages et la maille (écartement des membrures). La seule chose que l’on sache est qu’en principe, les navires de combat avaient les membrures suffisamment rapprochées pour empêcher le passage d’un boulet. Mais certains corsaires avaient été construits à la manière de navires de commerce ; quoi qu’il en soit, les chercheurs du cotre n’ont rien trouvé de précis sur la question. On comprend donc qu’il ait été difficile d’imposer au constructeur un cahier des charges dans ce domaine. Du coup, le type de construction, de chevillage et d’assemblage retenu ne s’écarte guère de celui d’un chalutier bois classique, la belle charpente de l’arcasse mise à part. D’autres projets du concours, comme celui du lougre caboteur de l’Odet, ont poussé beaucoup plus loin la recherche documentaire et l’exigence d’authenticité sur ce point précis. Heureusement le reste du chantier sera mené avec un souci du détail tout à fait exceptionnel.
Une reconstitution précise
Grâce au métier d’André Renault, le maître charpentier de Raymond Labbé, la minutie du travail archéologique de Thierry Echard est immédiatement perceptible pour quiconque examine les extérieurs remarquablement reconstitués du Renard. Lorsqu’il le faut, le mentor du projet n’hésite pas à intervenir avec force; il fera ainsi refaire entièrement des mantelets de sabords, au grand dam des jeunes charpentiers qui les avaient mal exécutés; il lui arrivera même de forcer un peu la main du patron pour réaliser à l’ancienne le bordé en diagonale du tableau arrière.
A l’époque, les détails du pont figuraient rarement avec précision sur les plans, ils étaient mis au point sur le chantier, entre compagnons, entre ceux qui dessinaient et ceux qui taillaient, et sur les conseils des marins. Thierry Echard reconstitue donc une série d’esquisses du plan de pont correspondant à la fois au cahier des charges imposé par l’association en matière d’aménagement, et aux données historiques qu’il possède. Grâce à ses premiers dessins axonométriques (en trois dimensions), il peut prendre des mesures sur les perspectives et tracer un à un tous les plans nécessaires à la construction. Bref, il accomplit un travail colossal. Il fait des barèmes, des tables, des calculs… ce qui ne l’empêche pas, au passage, d’agrémenter d’enjolivures quelques dessins techniques un peu arides; il se fait particulièrement plaisir dans la définition complexe de la voûte et du tableau arrière, dont il concevra lui-même la décoration.
Bien entendu, pour ce faire il puise aux meilleures sources : Boudriot, bien sûr, Chapelle, Steele, Détroyat… tous les traités de construction de la première moitié du XIXe siècle seront mis à profit, sans compter les nombreux modèles et documents d’époque. Le Renard doit beaucoup aux talents de chercheur, d’architecte et de marin de Thierry Echard. Mais il faut souligner aussi qu’à côté de ces « travaux d’Hercule », indispensables pour une reconstitution archéologique en grandeur nature, une importante enquête historique a été menée parallèlement par Louis Rettel et son fils pour reconstituer l’histoire du Renard. Celui-ci a d’abord compulsé les notes de Charles Cunat (Saint-Malo illustré par ses marins, 1857) et celles de l’abbé Robidou (Histoire de Robert Surcouf capitaine de corsaire, 1895). Puis il est allé aux sources, dépouillant des liasses innombrables d’archives inédites — leur empilement ferait un bon mètre 1 — révélant de nombreux aspects méconnus de la carrière du navire.
Si le chantier reçoit des milliers de visiteurs, il accueille aussi beaucoup d’ouvriers. Une telle reconstitution n’est pas banale et Raymond Labbé saisit l’occasion pour former des jeunes à la charpente. A leur intention, il organise un cycle de stages auxquels participeront quelque vingt-cinq jeunes charpentiers. Certains ont ainsi travaillé quelques semaines sur le Renard, et puis s’en sont allés vers d’autres horizons; d’autres sont restés depuis lors dans le chantier malouin.
Le choix des matériaux est effectué avec le plus grand soin. La sélection des quatre-vingt-dix mètres cubes de chêne -une vraie petite forêt — indispensables pour la construction de la coque est confiée aux Ets Doineau, entreprise forestière et de sciage réputée de la Mayenne. Pour le pont, contrairement à l’usage, l’iroko (collé) est préféré au sapin. « J’avais peur avec un autre bois d’avoir trop d’infiltrations », précise le constructeur.
En revanche, les espars seront rigoureusement conformes à la tradition de l’époque; pas question d’espars creux en bois collé : ils seront en pin massif. Sans doute le Renard d’origine avait-il été mâté en pin de Riga, comme la plupart des bâtiments français de son temps. Mais pour sa réplique, c’est en Amérique du Nord qu’on ira chercher les immenses pins d’Orégon de premier choix que nécessite la mâture. L’entreprise Pinault est chargée de l’acheminement à Saint-Malo. Malheureusement, le premier arbre n’est pas aux cotes, et il faut en faire venir un second pour qu’enfin les charpentiers puissent débiter l’énorme fût de dix-huit mètres. Une fois réalisés les espars secondaires, reste à confectionner la structure complexe de la hune, qui donnera bien du souci à Thierry Echard et aux charpentiers : lorsque ce mât est laissé en plein air pendant l’hiver, ses multiples écarts ont tendance à jouer et à s’ouvrir.
Le lancement
En tout, quelque trois mille cinq cents heures de travail seront nécessaires pour découper, assembler, ajuster la charpente du navire. Consécration de tant d’efforts, le cotre est lancé, le 18 mai 1991, au milieu d’une foule immense. Pour l’occasion une rampe spéciale a été aménagée sur la cale de granit, au pied des remparts, à deux pas de l’ancienne demeure de Surcouf Une rampe qui posera quelques problèmes à Raymond Labbé : faute d’avoir été fixée assez solidement, l’installation est partiellement emportée par la houle la veille du lancement.
Le charpentier devra ainsi passer une partie de la nuit, en catimini, à consolider l’ensemble; il ne sera vraiment soulagé que lorsque, sous un tonnerre d’applaudissements, le Renard, prenant une vitesse impressionnante sur sa savate abondamment suiffée, dévalera la pente jusqu’à son élément. Certes, avec les puissantes grues modernes on aurait pu déposer délicatement le navire sur l’eau. Mais l’on se serait ainsi privé de l’essentiel : l’émotion incomparable du lancement à l’ancienne.
Désormais le Renard flotte au pied des remparts, et il a belle allure. Certains jugent qu’il n’est pas tout à fait dans ses lignes et qu’il lève un peu du cul, ce qui risque de lui faire bourrer de l’étrave. A ceux-là Thierry Echard répond : « Attention, c’est un plan du )(Ville siècle; ces bateaux-là avaient encore de la tonture et un couronnement élevé. » Quoi qu’il en soit, à son lancement le cotre corsaire n’est pas achevé. Il reste encore une bonne année pour le peaufiner avant les fêtes de Brest 92.
Le gréement
Reconstituer le gréement, la voilure, les ferrements, l’artillerie d’un cotre corsaire des années 1800 n’est pas une mince affaire. De nouveau, Thierry Echard multiplie les calculs, épluche sa documentation, et en tire cinq cents plans et croquis cotés, définissant jusqu’aux plus infimes détails de l’accastillage, un travail monumental auquel on doit le meilleur de cette reconstitution. Malgré la qualité des sources contemporaines disponibles, les différents manuels de gréement — de Forfait (1825) à Gicquel des Touches (1818), en passant par Coste (1826) et Détroyat (1850), sans oublier Baudin et Verdier, dont l’ouvrage comporte un chapitre spécial sur les petits bâtiments, cotres et sloups notamment —, il lui sera difficile de décider avec certitude des normes et des dimensions de chaque pièce, les diamètres des cordages, des mâts et des vergues pour un bateau de ce type étant assez rarement répertoriés. Thierry Echard doit parfois compenser l’absence de documents précis par une bonne intuition. « Quand on vit dans l’ambiance de l’époque du bateau que l’on reconstruit, et qu’on a lu les traités contemporains des dizaines de fois, on ne se trompe pas de beaucoup. » L’iconographie elle aussi est mise à profit, et dans ce domaine, c’est à Baugean que Thierry Echard affirme devoir le plus.
Au total, le chercheur est satisfait par la mise en œuvre concrète de ses travaux. Quelques petits détails cependant chagrinent encore le spécialiste exigeant qu’il est, comme par exemple les vergues de hune en bois creux dont le système de fixation au mât rend difficiles l’orientation, et la mise en place du flèche. Les marins ont exigé un coulisseau à barillet… parce qu’ils avaient bien connu ce système sur le Bel Espoir ! Comme dit Thierry Echard, « les marins, ils ne devraient venir sur le chantier qu’une fois le bateau terminé ! »
Avant de gréer le bateau, il faudra aussi opérer un choix : faire réaliser spécialement dans les matériaux de l’époque les différents filins, cordages et câbles nécessaires, ou s’adapter du mieux possible aux matériaux contemporains. Après mûres réflexions, on choisit finalement cette seconde option. Les manœuvres courantes sont réalisées par l’entreprise Lancelin en polypropylène « façon chanvre ». Au départ, étais et haubans étaient en câble mixte (âme en acier et grelin de chanvre). Mais par souci de sécurité, le grand étai a depuis été remplacé par un câble en acier. En revanche toutes les ferrures, jusqu’aux têtes de boulon carrées, sont forgées au marteau ou soudées à l’ancienne par les Ets Morgère de Saint-Malo.
Pour déterminer la force du pouliage, dont le détail a été retrouvé dans l’ouvrage de l’amiral Pâris, Thierry Echard a dû reconstituer entièrement un tableau d’échantillonnages (axes, estropes…) en fonction des différents efforts exercés par les palans. Il a pu le faire à partir des seules données connues, celles de la Royal Navy. Les résultats obtenus correspondent assez bien aux différents modèles de référence de la Marine nationale produits autrefois par la Nantaise de poulies (ex-Ets Blanchard). Les moques, margouillats, barquettes et autres poulies spéciales ont bien sûr dû être réalisés à l’unité. Pour la réalisation des estropes, on a fait appel au talent de Cédric Chauveau. Réfugié durant quatre mois dans l’ancienne manufacture des tabacs de Saint-Malo, ce jeune gréeur groisillon s’est plongé dans le Manuel du gabier de 1850 pour réaliser un superbe travail sur les deux cent quatre-vingt-onze poulies du cotre.
Au total, le Renard ne compte pas moins de cinq kilomètres de manœuvres. Ce gréement peut être considéré comme authentique et complet, même si Thierry Echard regrette en riant qu’aucune manœuvre n’ait été garnie de ses poulies de retour (au pont) -ce qui aurait permis d’aligner du monde sur les garants. Par contre, le gréement dormant dispose de galhaubans supplémentaires pour assurer la rigidité de son impressionnante mâture.
La voilure
La voilure impose elle aussi de prendre quelques décisions difficiles. D’abord le degré de voilure. Parmi les plans reconstitués à partir des mesures fournies par les différents traités de gréement, on choisira de préférence les plus ramassés. Le plan de voilure du Renard sera ainsi quelque peu amputé, en comparaison des surfaces extrêmes souvent portées par les cotres corsaires, contrebandiers ou douaniers de l’époque. La bordure de grand voile qui aurait dû dépasser le couronnement de quelque quatre mètres est réduite de deux mètres cinquante, et l’envergure d’autant. « J’étais obligé de penser à ceux qui iraient faire l’empointure au bout du gui, à l’extérieur du bateau, explique Thierry Echard; avec les équipages de l’époque, très entraînés, ça ne posait pas de problèmes; mais sur le Renard on n’aura pas de gabiers de ce style : l’équipage de base ne sera que de trois hommes, et j’ai scrupule à les envoyer jouer les acrobates à l’extérieur… » Bien d’autres questions de détail doivent trouver réponse, comme par exemple la façon de gréer les voiles sur les espars. Sur filière ? Sous la vergue ? Au fil des années, les deux pratiques ont eu cours. Mais à l’époque du Renard, qu’en était-il vraiment ?
Deuxième problème : quel tissu pour les voiles ? Encore une fois, le choix des matériaux se pose. Et cet éternel dilemme sera résolu par la commande de deux jeux de voiles, l’un, conforme à l’époque, en lin, pour l’authenticité et la parade, l’autre en tissu synthétique pour une utilisation plus courante. Le premier jeu de voiles en lin — entièrement ralingué à la main à l’aide de chanvre goudronné et fini à l’ancienne — est fourni par Burgaud de Noirmoutier, un des rares voiliers français à avoir réalisé autrefois des voiles de thoniers et de caboteurs. Pour ces artisans passés maîtres dans l’art de la voile traditionnelle, ce travail sera l’occasion inespérée de découvrir, grâce aux très nombreux dessins fournis par Thierry Echard, des techniques qu’ils ignoraient eux mêmes, comme par exemple la finition des empointures sans cosses métalliques découvertes dans l’ouvrage de Consolin, ou plus globalement le travail de la toile de lin (cf. Le Chasse-Marée n°73).
En quelques années, le niveau de qualité obtenu pour toutes les finitions de gréement, de pont ou de décoration a fait un bond significatif. Sur le Renard aucun détail ria été négligé pour améliorer l’allure générale du bateau : la structure des barres et du chouque, une jolie petite annexe suspendue aux bossoirs, le décor peint du tableau, les ferrures, la belle toile de lin de la voilure.
Les canons
L’artillerie, pour l’équipe des corsaires malouins, ne saurait être considérée comme une question secondaire. Et l’on va se mettre en quatre pour retrouver des crocs, calculer les dimensions des boulets et caronades de huit, ces canons courts et légers fondus en Ecosse sur les bords de la rivière Caron, en 1789, qui équipaient les cotres corsaires. Thierry Echard ne dispose d’aucune référence. Il ne connaît que les dimensions en pouces, lignes et points, des caronades de trente. Il doit donc transposer en opérant une réduction… Un spécialiste, Alain Bachelot, lui apporte heureusement son aide bénévole ; grâce à lui les canons, qui seront fondus en aluminium chez Nivet, pourront être allégés : ils ne pèsent que cent cinquante kilos au lieu des quatre cent cinquante initiaux.
On doit aussi recalculer la dimension des explosifs, réalisés par Ruggieri, et pour ne pas trop vite encrasser canons et caronades, on met au point des boutefeux électriques. C’est que l’équipage malouin est gros demandeur : à Brest le Renard ne tirera pas moins de quatre-vingts coups de canon !
Combien de problèmes de ce type a-t-il fallu résoudre ? Chaque fois, la détermination des hommes, leur souci de concilier passé et présent, leur enthousiasme ont triomphé des difficultés. Et malgré tous les obstacles, le Renard sera fin prêt pour l’été 92. Les premières navigations apporteront à tous une formidable récompense. Foncer grand largue à huit nœuds dans la grosse mer, à bord de ce cotre stable et puissant ouvrant la mer de son énorme moustache, est un plaisir sans pareil. D’autant que le bateau connaît un vrai succès de popularité sur les côtes de Bretagne. A chaque entrée dans un nouveau port, l’accueil est des plus chaleureux !
La navigation
Pour autant le chef-d’œuvre n’est pas tout à fait achevé. « Le hunier n’est pas au point, et il lui manque la moitié de sa garde-robe », disent ses armateurs à ceux qui avancent que, sauf par forte brise, leur fier navire n’est pas une foudre de guerre. C’est bien sûr la contrepartie obligée de sa voilure amputée. Le bateau a perdu en puissance ce qu’il a gagné en facilité de manœuvre. La grande voile réduite, mais aussi le foc un peu trop petit (50 m2) handicapent sérieusement sa marche. « Il lui faudrait un grand foc de 100 m2, et l’équiper de bonnettes au portant », reconnaît Thierry Echard. Nul doute que l’impression de lourdeur s’estompera déjà lorsqu’il portera toute sa toile majeure : clin-foc, perroquet, fortune, flèche volant.
Pour l’instant, le Renard est très loin des silhouettes sidérantes des cotres de guerre anglais qu’on trouve au détour des ouvrages du XVIIIe siècle, véritables cathédrales de toile, dont l’audace de la mâture ne le cédait en rien à celle des bisquines gréées pour la régate. De plus, face aux bateaux qui n’ont pas fait le même effort d’authenticité pour leur voilure, la toile de lin paraît aussi bien lourde par petite brise. Mais patience : les nouvelles voiles d’appoint arrivent ! Et puis, le second jeu de voiles « modernes » permettra peut-être de faire illusion. Confectionnées par M. Ranis d’Armor-voiles, celles-ci, plus légères, seront en « Windmaster champagne », comme celles des bisquines.
Quoi qu’il en soit, Thierry Echard reste serein : « La diminution de la voilure s’est imposée comme un mal nécessaire pour pouvoir naviguer avec un équipage réduit de trois hommes. De toute façon, la supériorité des cotres de course reposait moins sur leur vitesse que sur leur aptitude à mieux remonter au vent que les navires gréés à traits carrés. »
La réglementation en question
Il s’agit maintenant de faire naviguer le bateau. A Saint-Malo comme ailleurs, tout bateau destiné à embarquer des passagers payants et un équipage rémunéré doit se soumettre à un grand nombre de contraintes administratives, nées souvent d’un règlement inadapté dont certains traits sont dignes du Père Ubu. A Saint-Malo, tout s’est passé avec bienveillance et dans un vrai respect mutuel. Mais sur un plan plus général, le durcissement excessif de la réglementation amène certains observateurs à se poser des questions : « L’attitude tatillonne, voire répressive, de certaines administrations n’aurait-elle pas pour principale motivation — peu avouable — de limiter le développement de la flottille des bateaux traditionnels sous la pression de quelques lobbies corporatistes ? Aurait-on peur, dans les bureaux, de voir naître ici l’équivalent de la flottille des quatre cents charters traditionnels hollandais, qui a permis un véritable redémarrage économique des ports en perte de vitesse du Zuiderzee ? » Tels sont en tout cas les propos que l’on commence à entendre sur les quais.
Et un jeune sans travail interpelle l’administration : « les Bretons qui craignent pour leur pêche, leur agriculture, leur tourisme et rêvent d’un autre avenir que le chômage ne vous dit pas merci… A l’heure où le tourisme culturel semble représenter l’une des seules voies prometteuses pour ce pays, il n’est que temps pour l’administration d’adopter une attitude moins malthusienne. Si la crise du littoral s’aggrave, il pourrait bien lui être demandé des comptes pour cette entrave délibérée au développement d’un secteur nouveau apte à créer des emplois ! »
S’il convient d’assurer la sécurité des passagers, est-il vraiment indispensable d’imposer au Renard qui navigue à la demi-journée, deux douches et deux sanitaires, et d’avoir trois salariés à bord, comme le réclame la législation relative aux « navires d’utilisation collective » (Nuc) ? Pourtant, l’exemple de cinq années de gestion impeccable de la Cancalaise avait montré que la solution associative, longuement mise au point — un patron professionnel salarié aidé par une équipe de bénévoles très expérimentés — offrait toutes les garanties sur le plan de la sécurité et autorisait réellement une exploitation viable du bateau. Il est grand temps que l’administration examine la question et nous propose une législation mieux adaptée à la flottille spécifique des bateaux traditionnels et à leur exploitation. Son rôle est d’accompagner le développement harmonieux des nouvelles activités qui apparaissent, et non de les entraver dans un réflexe hypersécuritaire et passéiste.
Corsaires d’un jour
« Tout le monde regroupé au milieu du pont Aux palans de bras tribord I » Une recommandation aux passagers, un ordre aux équipiers. Tout se déroule comme à la parade… Enfin, presque ! Parce qu’avec Michel Gaboulaud, la navigation, pour être sérieuse, n’implique à aucun moment une quelconque forme de discipline militaire. Le Renard, qui subit l’influence des courants créés par le barrage de la Rance, vient reprendre son corps-mort au large de la tour Solidor. Un poste tout temps qui permet de planifier les sorties à des horaires… de touristes et non de marins. Restera tout à l’heure à l’équipage, la corvée du sas et des écluses pour ramener le cotre corsaire dans le bassin à flot, sous les remparts de Saint-Malo.
Depuis le 15 mars, le Renard a repris ses sorties quasi quotidiennes. L’association qui gère le navire a délibérément opté pour la formule « Nuc », ce qui implique une réelle dynamique commerciale. Être le plus souvent possible en mer, avec le maximum de passagers — dans la limite du nombre de vingt-sept imposé par la réglementation et contrôlé par les Affaires maritimes -constitue la manière la plus efficace de rentabiliser l’entreprise. Robert Surcouf, le corsaire, que l’on a dépeint comme un homme d’affaires avisé, n’aurait sans doute rien à redire à cette démarche.
Tout juste se serait-il peut être étonné de cette navigation débonnaire car la sortie qui s’achève en cette fin d’après midi de mai n’a pu donner à penser un seul instant à la guerre de course. Les vingt-sept « aventuriers » du jour n’en sont pas moins satisfaits; ils étaient venus faire une promenade en mer, tout simplement. Un grand-père et ses deux petits-fils, quelques couples de retraités, un jeune couple de Québécois, une ancienne Cancalaise… tous ont embarqué à midi, après qu’un canot pneumatique les ait amenés depuis la cale Solidor. Même sur rade, monter à bord du Renard n’a rien de compliqué, grâce à des marches solides, bien dissimulées contre la coque. Point n’est besoin d’être un intrépide gabier.
A bord, l’accueil est bon enfant. Ce sera le ton général tout au long de la sortie. Pas de sensations trop fortes, mais seulement l’émotion suscitée par ce navire superbe et le cadre non moins beau dans lequel il évolue. Rien ne presse, surtout que le vent est faible. Quand chacun a visité le bord et s’est restauré, Michel, le maître du bord, demande qu’on hisse la grande voile. Il aurait très bien pu le faire avec la seule aide de ses deux matelots. Mais puisque la plupart des passagers du jour ne demandent qu’à participer à la manœuvre… « Madame, si vous voulez bien tirer sur la drisse. » Deux autres passagers s’accrochent au bout, imitant comme des écoliers les gestes du marin qui dirige l’opération. Toute déployée, la grand voile est à poste. On envoie aussi le foc. Mais cela ne suffira pas; il faudra s’aider du moteur pour gagner le large, une fois les amarres larguées.
« Un poil, à droite, la barre ! » Le capitaine vient prêter main-forte à son barreur du jour, un Malouin retraité qui a accepté la mission avec un bonheur visible. Les scènes de ce genre se succèdent, sans ostentation, le plus naturellement du monde. Le Renard qui a enfin touché un peu de brise file maintenant vers l’Ouest au seul gré du vent. L’équipage s’affaire sans précipitation, répondant volontiers aux questions des passagers.
Michel Gaboulaud, le chef de bord, inspire confiance et sérénité. C’est un ancien des Glénans, qui a beaucoup bourlingué. D’animations en petits boulots maritimes, de convoyages en charters divers, il n’a cessé de naviguer depuis vingt ans, sur toutes sortes de bateaux. « En laissant la barre à l’un, en demandant aux autres de tirer sur les drisses, je ne fais qu’appliquer ce que j’ai appris aux Glénans. J’aime cela, partager, faire sentir la mer… »
Il se sent bien, il est heureux sur le Renard. En 1988 il avait déjà pris le commandement de la bisquine de Cancale, une première expérience de navigation sur bateau traditionnel : « Le gréement était différent, pour les manœuvres c’était plus compliqué avec la voile s’affalant sur le pont, parfois sur les passagers. » En 1992, il a été recruté comme second à bord du Renard, qu’il commande depuis l’automne dernier. « Plus je sors, plus je suis heureux, dit-il. Chaque manœuvre présente toujours une petite différence. Les passagers ne sont pas toujours les mêmes; ça se passe bien. »
Depuis les écoliers malouins, curieux et émerveillés, jusqu’aux connaisseurs, pointilleux sur certains détails, chaque sortie est l’occasion de découvertes et de rapports humains enrichissants. La ville de Saint-Malo, qui s’est beaucoup investie dans le projet, continue de le soutenir en faisant naviguer tous les élèves des classes de CM2 et en payant pour chacun d’eux le prix normal de la journée. Une manne intéressante pour l’association et une belle occasion pour les jeunes Malouins de vivre une exceptionnelle leçon d’histoire et de vie maritime. Bien sûr les caronades et canons constituent l’un des gros attraits…
Aujourd’hui, pour la première fois, Michel envoie le clinfoc tout neuf. Bien qu’elle soit légère, la brise suffit à gonfler la belle voilure du Renard. Et ce foc supplémentaire ajoute comme une note aérienne au tableau : vu par le travers, le petit triangle de toile évoque une mouette planant au-dessus du bateau. D’autres voiles sont attendues — hunier, fortune, flèche — qui donneront des ailes au cotre corsaire. Mais on peut déjà s’amuser et il n’est pas rare de devoir même réduire la toile lorsque le vent forcit.
En dépit de son expérience passée, Michel Gaboulaud ne peut se limiter à la voile pure. Il se réjouit volontiers lorsque le vent se lève pour offrir à ses passagers quelques sensations fortes, mais il n’hésitera pas à se servir du moteur pour épauler une manœuvre, ou pour avancer si la brise est insuffisante.
En suivant le grand chenal, le Renard est arrivé au large de Saint-Cast. L’après-midi est déjà avancée; il est temps de virer de bord et de remettre le cap sur la cité malouine. On borde les voiles, le cotre corsaire prend un peu de vitesse…
Gilles Renard et Stéphane Heuzé, les deux nouveaux matelots, venus du Cotentin où ils étaient pêcheurs, rangent quelques voiles et remettent de l’ordre dans les drisses emmêlées. Sur le pont, des passagers cherchent le soleil… Les roches sont laissées au large, les remparts se dessinent, la tour Solidor n’est plus loin. Le « voyage » s’achève, ni croisière, ni promenade ordinaire. Un charme étrange semble réunir équipage et passagers. Chez beaucoup, une passion est née. Demain, d’autres promeneurs d’un jour, amateurs passionnés ou simples curieux, embarqueront à bord du Renard pour une autre course à la découverte d’un passé qui sait si bien être présent.
Au mouillage devant la tour Solidor, le cotre jaune et noir retrouve la cale de Dinan dès que les marées le permettent. Chouchou des pêcheurs, du capitaine du port, des promeneurs, et de la ville qui l’utilise à l’occasion pour des réceptions, le cotre est devenu la figure emblématique de la cité corsaire. Mais l’histoire du Renard est loin d’être finie. De nombreux projets trottent encore dans les têtes, comme ce rêve d’une grande fête franco-britannique dont le clou serait évidemment une course de navires corsaires !
Bibliographie : Jean Boudriot, H. Berti : Le Cerf (archéologie navale française); Steel : Naval architecture (1822) ; H. Chapelle : The national Watereraft Collection (US. National Museum, 1960); Gicquel des Touches : Traité général du gréement (1818); J.A. Cos-té : Manuel du gréement (1829); L.S. Baudin : Manuel du jeune marin (1828); Verdier Nouveau manuel complet de marine traitant du gréement (encyclopédie Roret, 1837); Harland Seamanship in the age of the sali) Baugean : Petites marines (1814, réédité par Le Chasse-marée); S. Mulot : Traité de voilure (1926); Consolin : Manuel du voilier (1859); Manuel du gabier (1850).