Par Ar Vag – Au début du siècle, un cotre de Roscoff, construit à Carantec, se taille une formidable réputation de marcheur sur les côtes de la Manche. Son nom : le Reder-Mor; en breton, « Coureur de mer » ! Vainqueur des grandes bisquines à Saint-Malo en 1909, il manque de peu de l’emporter, quatre ans plus tard, face aux célèbres pilotes du Havre. Au-delà du mythe transmis par la mémoire orale, nous avons cherché à retrouver la réalité : celle d’un simple bateau de pêche armé aux cordes, dont le type, longuement mis au point (il y eut trois Reder-Mor successifs) illustre bien la qualité particulière des chantiers navals locaux. Mais le Reder-Mor, c’était surtout un équipage et un patron, Louis Guyader, animés par un goût du panache et un esprit d’aventure qui restent au cœur de la tradition maritime(1). La preuve : la quille d’un nouveau Reder-Mor vient tout juste d’être posée à Morlaix; il sera bientôt prêt pour représenter la baie à Brest 92, avant d’aller défier à nouveau bisquines et pilotes !
Le Havre. Dimanche 20 Juillet 1913. La Rade est en fête. Ces « régates internationales européennes » sont sans doute les plus belles jamais organisées dans le grand port normand, qui pourtant en a vu d’autres de puis les années 1840 ! Jamais un tel budget n’avait été, et de loin, affecté à des fêtes nautiques en France, remarque Le Yacht. L’Etat, cette fois, a décidé de leur donner un caractère de faste exceptionnel. Le Président Poincaré, accompagné de nombreuses personnalités, est venu apporter une reconnaissance officielle à ce sport. Les yachts de course arcachonnais, nantais ou bretons voisinent avec ceux du Havre ou de Paris. Côté étranger, les Anglais, les Allemands, les Espagnols, les Norvégiens sont venus en force. On compte aussi deux Belges, un Suédois, un Finlandais, un Américain : en tout, près de cent cinquante bateaux. La maison Beken and Sons, de Cowes, a spécialement envoyé un opérateur pour photographier les régates.
L’affrontement des yachts de la grande classe est somptueux. Les connaisseurs re marquent en particulier les grands 19 et 23 m anglais, Norada, White Heather, et le révolutionnaire Mariquita « muni d’une colossale mâture marconi »; même lvana, au Comte de Polignac, le plus grand yacht présent avec ses 254 tonneaux, ne par vient pas à éclipser la splendide goélette neuve de Nicholson, Margherita, adversaire de Meteor à Cowes, ou Javotte, le nouveau 12 m JI des frères Thubé de Nantes. Griselidis, le futur Pen Duick d’Eric Tabarly est déjà de la partie ! La rentrée de cet te extraordinaire flottille pavoisée dans le Bassin du Commerce, où le Ministre de la Marine, M. Baudin, passe les yachts en revue, offre, selon les témoins, un spectacle merveilleux.
Pourtant, le public havrais, où les marins avertis dominent, ne s’y trompe pas : pour lui, la véritable attraction va venir d’un bateau infiniment moins tapageur, mais dont l’inscription a fait l’effet d’une bombe dans le milieu des pilotes et dans les bistros à matelots du quartier Saint-François: un petit cotre de Roscoff vient défier les fameuses »hirondelles de la Manche » !
Le 18 juillet, le Journal du Havre signale le fait dans ces termes: « Le Reder-Mor n°1, bateau-pilote de la station de Roscoff (sic), est arrivé dans notre port pour prendre part à la course des bateaux-pilotes. » Même Le Yacht, qui détaille rarement les régates des bateaux de travail, souligne l’impact de l’événement. « Dès 9h30, la rade se peuple des multiples yachts qui viennent tâter d’avance l’état de la mer. Les pilotes, les barques de pêche se ras semblent aux environs de la ligne de dé part; bref, à 10h30, pas moins de quatre vingt-cinq bateaux sont en rade. Vers ce moment surgissent de l’horizon les grands yachts qui courent la régate-croisière Douvres-Le Havre… Un beau soleil et une bonne brise de N.N.O. contribuent à rendre superbe le spectacle.
« Les régates commencent à 11 heures avec le départ de la course classique des bateaux-pilotes français de la Manche, dont le parcours est de 21 milles marins en deux tours. Comme toujours, cette épreuve passionne particulièrement le public. Elle présentait cette année un intérêt exceptionnel du fait de la venue du bateau-pilote Reder-Mor, appartenant à M.Salaün, de Roscoff (sic). Les pilotes de Roscoff se sont justement acquis une réputation de marcheurs supérieurs et de fait, malgré un tonnage inférieur, le pilote roscovite se classe second. »
Le défi
« Avant de partir pour Le Havre, ils avaient mis le bateau au sec et peint la coque en noir, comme un pilote, raconte Charles Roignant. La rigolade ! Le grand Reder n’avait jamais été un pilote, ici, c’étaient le Saintjoseph des Le Mat et la Thérèse qui faisaient le pilotage; mais Es prit Le Mat et mon grand-père Charlie Coz, tous deux pilotes, étaient à bord au Havre, ça avait dû suffire. Le Reder, c’était un pur bateau de pêche; mais ils voulaient aller se frotter aux gars du Havre ! Ils avaient mis vingt-quatre heures, je crois, pour arriver. » « Les gens étaient sidérés par ce petit bateau, reprend Pierrot Gui da!… Attention c’était un bateau creux : ils voyaient juste les têtes dépasser avec les grands bérets noirs, sous le vent, au ras de la lisse, ils n’avaient jamais vu ça… Du pont des yachts, les élégantes en crinolines, robes de soie et grands chapeaux, ça leur faisait drôle ! Mais le soir, au bal du Palais des Régates – c’étaient tous de grands danseurs, hein – il y avait des talons hauts qui volaient !
»Et les marins ! Mais qu’est-ce qu’elle vient faire ici, cette petite chiotte, au Havre ! Courir contre des cotres de 16 mètres, des bateaux plus forts, plus toilés, qui allaient cher cher les voiliers jusqu’à Ouessant et au Cap Lizard ! Eh bien, ils ont failli leur foutre une sacrée tournée. Je ne sais plus ce qui s’est passé, mais ils ont cassé leur bout-dehors alors qu’ils étaient en train de doubler tous les bateaux les uns après les autres, et ils ont quand même fini second. Mais à l’arrivée, ça gueulait à bord ! »
« A la fin du premier tour, écrit Le Yacht, qui ne fait pas état de cet incident c’est La Liberté n°35 à M. Mariolle qui vire en tête, suivi de Pierre-Louise, Marguerite-Augustine, Reder-Mor, etc… Au second tour, le bateau de Roscoff gagne peu à peu sur ses concurrents qu’il dépasse, à l’exception de La Liberté, qui réussit à conserver la première place. »
Classement :
La Liberté : 4 h 02 m 05 s
Reder-Mor : 4 h 04 m 25 s
Pierre-Lo11ise : 4 h 08 m 46 s
Lo11ise : 4 h 12 m 34 s
Ma7,11erite : 4 h 26 m 52 s
Marie-Madeleine: 4 h 43 m 25 s
Madeleine à M. Lescop a relâché.
Le Reder-Mor n’a fait que second au Havre, mais l’honneur est sauf. On a gagné un prix de 800 F et une paire de jumelles. Louis Guyader aurait, dit-on, remis ce prix en jeu dès le lendemain, défiant à nouveau les pilotes locaux, qui auraient refusé… Selon Pierrot Guidai, le roi d’Espagne aurait même offert, en guise de prix spécial, un spinnaker en simili-soie à l’équipage. (La véracité de l’anecdote semble bien confirmée par la présence effective du roi Alphonse XIII au Havre avec deux bateaux. A cet te époque, le roi a déjà confié la barre d’un de ses yachts, le 10 m Tonino, au fameux patron Jean Féat, du Dourduff, récent vainqueur de la Coupe de France à Kiel à bord d’Ar Men; les marins de la baie de Morlaix sont donc en pays de connaissance).
Trois semaines plus tard, le « pilote », de retour dans ses eaux, va gagner, une nouvelle fois, les régates de Roscoff…
Le mythe
Reder-Mor gagne toutes les régates de la côte. Il est invincible. Un mythe est né. Les Cancalais, battus aux régates interna tionales de Saint-Malo quatre ans auparavant, n’ont pas peu contribué à le propager. Le 27 août 1909, devant une foule énorme, le Reder–Mor s’échappe dès le dé part, monte au vent des grandes bisquines et termine loin devant, à la fureur des patrons cancalais. Nous n’avons pas de témoignages sur le déroulement de cette régate. Mais les deux belles photographies prises au départ et à l’arrivée qui ont pu être retrouvées, nous en disent plus qu’un long discours ! (voir p. 26)
Voici comment Le Yacht du 4 septembre relate l’événement : « Cette jour née comprenait également deux courses de borneurs, et deux courses de bateaux de pêche; dans cette dernière, pour la première fois, un bateau de Roscoff était venu lutter contre les bisquines cancalaises et remportait le 1er prix avec une belle avance. Le spectacle de la rade avec les voilures de ces quarante bateaux se détachant sur le bleu de la mer était magnifique. » Le journal La Côte d’Emeraude don ne le classement final :
bateaux de pêche, au-dessus de 10,33 m
1er Reder-Mor Patron Guyader, de Roscoff
2ème Saint-François Leclerc, de Cancale
3ème Kléber E. Lecossois
4ème Mouette E. Lehoërff
5ème La Perle Lehoërff
6ème Va Bon Train Lecossois-Harcouet
Le retentissement de cette victoire est immense sur la côte Nord de la Bretagne. Le 29, La Dépêche, journal de Brest et du Finistère, titre :
Roscoff : un succès
« Le port de Roscoff vient de remporter un véritable succès aux régates de Saint-Malo. Le bateau de pêche Reder-Mor, patron Louis Guyader, a gagné le premier prix, 400 F, de la course internationale, avec dix minutes d’avance sur son concurrent. Le cotre de M.Guya der sort du chantier Pauvy, à Carantec. Le Re der-Mor prendra part aux courses d’honneur qui auront lieu dimanche, à Saint-Malo. »
Une nouvelle fois, le Reder-Mor l’emporte haut la main. L’étonnement des Malouins est à son comble. « Ici, ce bateau a tout de suite eu la réputation d’aller vite, raconte François Cueff; après, il est de venu célèbre de Brest à Granville. Mais à ce moment-là, les gens de Saint-Malo n’en avaient pas encore entendu parler. Quand ils ont vu comment il marchait, ils ne voulaient pas y croire; d’après ce que j’ai entendu, la commission aurait demandé à ce que le Reder soit mis au sec sur le gril pour voir s’il n’y avait pas une tricherie, un moteur, je ne sais pas… ou simplement pour voir sa carène, peut-être ! »
Grâce à M. Trévily, qui l’a recueilli vers 1948 d’un Jaguen, capitaine de pêche à Terre-Neuve ayant habité Saint-Malo dans son enfance, nous possédons le témoignage direct d’un contemporain des faits, côté malouin. (Il est d’ailleurs confirmé par un autre récit roscovite).
« Le cotre de Roscoff ayant gagné largement, ce succès d’un « étranger » fâcha le public local, qui commença à entretenir les pires soupçons sur la loyauté des gens du Reder-Mor. Les esprits s’échauffèrent dans les cafés du bas de la rue de Di nan, à clientèle maritime, et après un certain nombre de bolées, ces braves gens se persuadèrent « que le Reder-Mor avait un moteur qu’on n’avait pas vu » et s’en était servi pendant la régate ! Il fallut s’en assurer et la foule se rendit en haut de la cale de Dinan, à la naissance du môle, at tendant que la mer baisse, le Reder-Mor ayant mouillé et béquillé de manière à échouer sous le môle et être prêt à appareiller à la mer haute du lendemain matin.
« En menant grand tapage, cris et invectives contre ces Roscovites soupçon nés de tricherie, on surveillait le jusant en descendant peu à peu au bas de la cale. Pour en finir, voilà tous les protestataires pataugeant dans la grève et se précipitant sur le Reder-Mor, qui n’avait bien sûr pas la moindre hélice. A ce moment-là, la cohorte de justiciers se rendit compte que deux ou trois farceurs en montant le coup des naïfs avaient amené tout ce joli mon de à se tremper les pieds ! Le Reder-Mor appareilla tranquille en emportant sa coupe ou sa médaille, ou peut-être les deux. »
Quoi qu’il en soit, cette victoire sur les bisquines a laissé des souvenirs à Cancale. « Comme il gagnait à chaque fois, ra conte Jean Le Bot, spécialiste de l’histoire de ces splendides voiliers, les patrons de Cancale menacèrent de ne plus venir et le Reder-Mor ne fut plus admis dans la série des grandes bisquines. On ne le re vit donc plus aux régates de Saint-Malo. On comprend un peu la position des Cancalais : c’étaient leurs bateaux qui donnaient leur état aux régates de Saint Malo et ce n’était pas une mince affaire que de préparer une bisquine pour la course : l’équipage perdait plusieurs ma rées pour mettre le bateau au plain, le gratter, l’espalmer, etc. si bien que le prix qui récompensait les vainqueurs, était une juste rétribution du temps passé; encore fallait-il que la compétition fût ouverte, ce qui n’était pas le cas en se mesurant au Reder-Mor, trop avantagé par son gréement.
« Indiquons qu’à Saint-Malo le bateau gagnant recevait un prix en nature qui re venait au patron : paire de jumelles, longue-vue ou vase de Sèvres, accompagné d’une médaille et d’un prix en espèces partagé entre l’équipage; recalculé en francs actuels, celui-ci était de l’ordre de mille francs pour le premier prix, huit cents pour le second et six cents pour le troisième. » (Le Petit Perroquet, n°19).
En fait, le Reder-Mor devait bel et bien revenir à Saint-Malo deux ans plus tard. Mais, comme l’atteste Le Yacht, relatant les régates du 6 août 1911, les équipages des bisquines refusèrent de courir : « Le pro gramme comportait de nombreuses courses réservées aux bateaux armés au bornage et aux bateaux de pêche, qui ont réuni de nombreux engagements. Malheureusement, dans ces séries, le public, qui escomptait une jolie lutte entre les bateaux de Roscoff et ceux de Cancale, a été fortement déçu, ces derniers n’ayant pas dé fendu leur chance. » Les Roscovites accomplissent donc seuls leur parcours, ramenant à Roscoff la médaille de vainqueur aux régates de Saint-Malo de 1911, que conserve, avec d’autres souvenirs, une descendante des sœurs de Louis Guyader…Et le 20 août suivant, le Reder-Mor rafle encore le premier prix (200 F) aux régates de Roscoff !
La réalité : Reder-Mor cordier de Roscoff
C’est d’abord sous cet angle qu’il convient d’examiner l’histoire fabuleuse du Reder–Mor. Ce bateau, même s’il court plus qu’assidûment les régates de sa baie (le dépouillement systématique de la presse en fait foi) et n’hésite pas à se déplacer fort loin à l’occasion, n’est pas un yacht, et pas davantage un pilote. C’est un bateau de pêche à part entière, qui doit « gagner sa croûte ». Comme le rappelle Jean Le Bot, les régates coûtent cher, et tout le monde n’y participe pas. Poupoule, par exemple, ou la Jeanne d’Arc, autres grands cotres roscovites très proches du Reder-Mor, ne s’y alignent que rarement (2).
Le grand Reder est en tout cas le seul à courir fréquemment à l’extérieur, ce qui ne manque pas d’entraîner quelques ré criminations du côté des femmes de l’équipage. « Bien sûr, « Petit Louis » com me on l’appelait, était jeune homme, ra conte Mme Paugam, lui n’avait pas de fa mille à élever, ni rien; mais pendant ce temps, je me souviens que ma mère le di sait, les pêcheurs n’allaient pas en mer. Pendant huit jours, le bateau était bout à terre, changer les voiles et tout, et puis caréner, brosser, et partir je ne sais où… Alors l’équipage, peut-être, était content d’aller faire les régates, mais les femmes l’étaient moins ! »
Par un hasard heureux, nous connais sons précisément les gains réalisés par les autres cordiers de Roscoff pendant le dé placement du Reder-.Afor III à Saint-Malo, ce qui permet d’estimer le sacrifice consenti par l’équipage en cas d’insuccès :
La Dépêche. Bulletin de la pêche des grands bateaux pendant la semaine (publié le même jour que l’annonce de la victoire à Saint-Malo).
» Lundi et mardi, une moyenne de 8 à 10 paniers de 50 kilos de raies et congres par patron; mercredi, 4, 5 à 6 paniers, jeudi idem, vendredi, la pêche a été très bonne, ainsi que le montrent les quelques chiffres suivants : Poupoule, patron Charles Roignant, 8 paniers; Jeanne, patron Louis Roignant, et St-Joseph, patron Le Mat (bateaux associés), 25 paniers; deux Reder-Mor, patron Guyader, 30 paniers, etc. Rapport net du panier vendu à Paris, 8 fr à 12 fr, parfois 15 fr. »
Certes, « Petit Louis » Guyader et son équipage courent avant tout pour l’honneur. Mais en admettant que le Reder-Mor Ill ait été absent un peu plus d’une semaine, on voit tout de même que le prix de 400 F gagné à Saint-Malo n’est pas loin de compenser le mangue à gagner des marées perdues !
La pêche
Au début du siècle, les ports de pêche de la baie de Morlaix arment surtout des petits bateaux de moins de huit mètres qui se spécialisent dans un ou deux métiers côtiers : ligne au Dourduff, casiers et cordes à Carantec, ligne et filets à Roscoff… Les petits cotres roscovites pêchent maquereaux, dorades et petits lieus à la ligne et surtout posent des filets maillants qui capturent poissons de fond et langoustes (sans parler de l’araignée, guère estimée). Quelques « spécialistes » isolés pratiquent le casier, « mais on n’aimait pas cela à Roscoff, rappelle François Cueff : ici, la pêche, c’étaient les cordes ! » Roscoff est d’ailleurs le seul port de la baie avec Térénez et surtout Primel à armer une flotte de forts cordiers susceptibles de travailler au large. Les grands bateaux roscovites se spécialisent exclusivement dans cette activité, un peu à la manière des bau tiers de Barfleur (cf n°5).
Sans entrer ici dans le détail du métier, il n’est pas inutile d’examiner certains aspects de la pêche pour se faire une meilleure idée de la vie quotidienne des hommes du Reder-Mor.
Pour la pêche aux cordes (ou lignes de fond) qui consiste à mouiller un grand nombre d’hameçons amorcés répartis tout au long d’une « maîtresse-ligne », l’appro visionnement en boëtte est évidemment très important. On utilise de préférence du poisson frais, principalement lançons (talaregenn) ou petits prêtres (beleil, pêchés par les équipages au plus fort des vives eaux, quand le travail sur les cordes est impossible, ou, d’une manière générale, avant de partir en pêche.
La pêche se fait à la senne à bord de canots de 4,50 m qui restent mouillés dans le chenal et servent d’annexes de port aux bateaux; contrairement aux bis quines, les cordiers de Roscoff n’emmènent pas leurs canots en pêche et font tout le travail à la voile. Les sennes utilisées, d’une ouverture de 100 à 120 m pour un fond de 9 m, possèdent un « cœur » de très petites mailles; on les fait venir de Nantes.
A certaines époques, on utilise aussi le maquereau, la sardine et surtout l’encor net, pêché avec des lignes boëttes sans hameçon à l’accore des roches. Certains poissons capturés sur les cordes peuvent compléter la boëtte. « On partait de Roscoff avec deux boëttes de lançons; quelquefois on prenait de la roussette dès la première pêche, ce qui permettait de faire éventuellement une troisième marée. » Coupée en petits morceaux, la roussette fait une bonne amorce, en particulier pour les travancs.
D’une façon générale, les cordiers sont très dépendants de l’approvisionnement en boëtte; seul appât disponible du début janvier à la fin d’avril, le petit prêtre, qui vient à la côte par temps très froid (en février notamment) et se senne sur les plages, peut faire défaut : « Sauf aujourd’hui, 15 novembre, la pêche a été faible, note le correspondant de La Dépêche en 1909; non parce qu’elle ne donne point, mais parce que la pêche au petit prêtre manque. Ainsi, sur les trois Reder-Mor, qui appartiennent à M. Guyader, un seul a pu pêcher. »
Le lançon, très abondant -« il y en avait autant qu’on voulait », note François Cueff pose lui aussi quelques problèmes, soit qu’il faille l’expédier par le chemin de fer départemental quand les bateaux sont forcés, en été, de pêcher à l’Aber-Wrac’h, soit qu’il donne lieu à des coups de senne dangereux dans des en droits mal pavés.
Accident de mer
28 décembre 1907
« Mardi, dans l’après-midi, l’équipage du Re der-Mor, de Roscoff, pêchait le lançon dans les rochers NE de l’île de Batz. Le temps était beau; il y avait seulement du ressac. S’étant at tardés sur les « Greyers » à marée montante, les pêcheurs embarquaient leur senne pour rentrer au port, quand soudain, survint une forte lame qui projeta le bateau sur le rocher et le fit couler à pic. Il se trouva ainsi engagé pendant plusieurs minutes, lorsqu’une autre lame le dégagea, mais l’envoya de nouveau sur les cailloux pendant que les hommes, inquiets, étaient obligés de se cramponner aux rochers pour ne pas être jetés à la mer. Berthevas Louis, patron du Solférino, témoin de l’accident, s’empressa de se porter à leur secours et pendant qu’il en recueillait quelques-uns à son bord, les autres travaillaient à vider et pousser leur embarcation qui heureusement n’avait aucun mal. Cet événement, qui aurait pu avoir des suites graves, s’est donc borné à peu de choses : une botte et quelques effets perdus. »
Les grands cordiers de Roscoff tra vaillent d’ordinaire dans les parages du port. Citons quelques fonds favorables : Ar Drezen, sableux, très bon pour la raie, à une demi-heure dans le Nord de l’île de Batz : c’est le moins éloigné de tous; Trezen ar Pors, « sous Brignogan » 0e phare), Karreg Hir (sous la Vierge), etc. Dans l’Est, on va aux Méloines et jusque dans les Triagoz. Mais les grands cotres roscovites poussent souvent beaucoup plus loin dans l’Ouest, « jusqu’à Ouessant », rappel le François Cueff. Le port de l’Aber Wrac’h sert alors de base et les équipages y disposent d’un logement. Ceux du Re der prennent pension chez Perhirin.
« Ils allaient à l’Aber-Wrac’h, des fois pendant huit jours, raconte Mme Paugam, et ils restaient faire la morte-eau là-bas, ils mettaient des cordes au large, et ils y rentraient tous les soirs, ils expédiaient aussi de l’Aber-Wrac’h, après la guerre, et puis avant aussi. » Loin des familles, il arrive aussi aux marins de prendre du bon temps : « ils allaient danser à l’hôtel, avec l’accordéon, hein, en chaussons, ils amenaient exprès leurs chaussons pour ça ! » Louis Guyader qui possède des attaches plus personnelles à l’Aber-Wrac’h, ne dédaigne pas à l’occasion d’y disputer les régates 0e Re der-Mor les gagne – dans la série des pi lotes ! – en août 1907).
Une marée aux cordes
A Roscoff, chaque matelot embarque avec un panier (mannekin) de dix « rouleaux ». Les grands cordiers de la série du Reder-Mor, dont l’équipage est de cinq hommes, déploient ainsi cinquante rouleaux de cent mètres chacun, soit cinq kilomètres de palangres. Les avançons (raglinenn) y sont gréés toutes les deux brasses.
Madame Paugam, de Roscoff, dont le père Jacques Laurent fut lui-même le compagnon et le matelot de Louis Guya der à bord du Reder-Mor, a gardé un sou venir précis du rythme de vie de l’équipage. « En fin de marée, quand ils avaient expédié le poisson, ils venaient manger à la maison, ça c’était en été… Ils faisaient une petite sieste; mon père s’allongeait sur le plancher, je me rappelle, et il disait à ma mère, tu me réveilleras dans une heu re ou une heure et demie, parce que s’il était allé au lit, il ne se serait pas réveillé… A cette époque-là, il fumait, j’allais lui acheter son paquet de tabac au bout du quai, là, dix sous, pour aller passer la nuit… D’abord, ils allaient senner pour attraper des lançons pour boëtte les cordes et ils allaient passer la nuit encore en mer. Pendant plusieurs nuits ils étaient dehors, ils n’allaient pas dans leur lit… »
« On quittait le soir, avec trois, quatre heures de route à faire, reprend François Cueff; une fois arrivé à proximité des lieux de pêche, on estimait le temps qui restait avant que le soleil tombe; on avait un truc pour ça, on mettait un doigt ou deux à l’horizontale, pour savoir dans combien de temps le soleil irait dans l’eau pour pouvoir mettre les cordes. C’était toujours le plus tard possible, l’été, vers 10 h, parce qu’autrement les fous auraient bouffé la boëtte; jamais de jour : pas de pêche ! On essayait souvent de mouiller un jeu pour qu’il travaille en travers du courant, les hameçons écartent et ça pêche mieux. On attendait trois-quatre heures, pour commencer à relever vers deux ou trois heures. Tout se faisait à la main. »
Chaque fois que les conditions le per mettent, on relève à la voile, sous grand voile et trinquette. Trois hommes halent sur les cordes, debout sur le tillac avant; un autre, au milieu, love la ligne sur la plate-forme, tandis que le patron, à la bar re, dirige les évolutions : c’est certaine ment pour optimiser les qualités évolutives de leurs bateaux lors du relevage des cordes que les Roscovites en sont arrivés à des formes de carène aussi extrêmes (quille en très forte différence, quête d’étambot marquée), car le bateau doit pouvoir pivoter sur place, pratiquement arrêté.
« Au petit jour, quand tout était ramassé, route vers le port, encore trois-quatre heures. On dormait sous le pont à l’avant, en ciré, il y avait de la paille; la béquille servait de tête d’oreiller ! On ne faisait jamais de feu à bord, pas de soupe, seule ment du pain, du lard et du pinard, rangés à l’avant; c’était rare qu’on reste deux journées en mer. Pendant le retour, il fallait préparer le poisson et puis se dépêcher pour attraper le train de marée ! » On conçoit à quel point les qualités de marche sont importantes dans ce contexte. L’impressionnante surface de voilure qui caractérise les cordiers de Roscoff, s’explique aisément pour des bateaux qui, même par petite brise, doivent ramener à temps le poisson pêché à bonne distance du port.
Dans les calmes, il faut sortir les grands avirons de neuf mètres : « Quand il n’y avait pas de vent, reprend Mme Paugam, je me rappelle les voir revenir du large; ils étaient en bras de chemise, là, tête nue, à quatre, deux de chaque côté, et puis un à la barre, puisqu’il y avait cinq hommes à bord; combien de fois je les ai vus arriver, sur les grands bateaux !
« En été, ils rentraient tous les jours… il fallait qu’ils arrivent pour le train de deux heures et demie. Ils expédiaient le pois son à Paris, le train partait à deux heures et demie de Roscoff et il arrivait à Paris dans la nuit, donc le poisson était aux halles à l’heure pour le marché. A pleine mer, on débarquait à la petite cale de la « Bonne Mère » devant chez Kerenfors, c’était la cale de la pêche, les autres cales étaient réservées aux caboteurs; et quand la mer était basse, il y avait la loueuse de voiture de chez Faucheux qui allait avec son char à banc jusqu’à Penar Vil cher cher le poisson, et puis alors les femmes et tout le monde étaient là sur la place de la République, en train de mettre la paille dans les mannequins et puis d’emballer le poisson, et fouette cocotte pour aller à la gare ! Et combien de fois qu’on recevait un télégramme quelquefois en disant « poisson invendable »… On avait payé le transport et puis on touchait rien du tout pour le poisson… »
Bons marcheurs, bons pêcheurs
Au sein de cette flottille des années 1907-1910, les Reder-Mor de Louis Guyader sont parmi les meilleurs pêcheurs. De fréquentes mentions au « Bulletin de la pêche » publié par la presse locale en témoignent:
Roscoff, 7 juin.
Tous les grands bateaux sont sortis. Ils sont rentrés avec 99 paniers pesant ensemble 8026 kilos de raies et congres. A signaler la pêche des trois Reder-Mor, patrons Louis Guyader, Lecoq et Paul Quémener, qui comprend 68 paniers.
9 juin.
Tous les grands bateaux ont pris la mer. Résultat 88 colis, poids 4955 kilos. Les trois Re der-Mor se sont encore signalés. Ils ont obtenu 43 paniers. La moyenne des autres bateaux : la Jeanne, patron Louis Roignant, Saint-Joseph, patron Le Mat, Clothilde, patron Henri Cocaign, Poupoule, patron Charles Roignant, varie entre 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 12 paniers selon les jours. La plus forte marée a été chiffrée par 32, 23 et 13 paniers lundi pour les trois Reder-Mor. (etc.)
Roscoff, le 27 juillet.
La moyenne par patron, la semaine dernière, était 4, 5 et 6. Seul un des Reder-Mor, patron Lecoq, eut un jour 13 paniers. Cette semaine, les trois Reder-Mor ont eu mercredi, jeudi et vendredi 52, 72 et 22 paniers. La moyenne pour chaque autre patron est 14 à 15 paniers par jour. Les 50 kilos de raies et congres rapportaient net, la semaine dernière, de 20 à 30. Ce dernier prix de vente de cette semaine est 0 à 10 F.
Le lendemain les trois Reder-Mor prenaient les trois premières places des régates de Morlaix. Dix jours après, ils récidivaient aux régates de Roscoff !
Louis Guyader : une figure d’exception
Bon pêcheur, régatier acharné, Louis Guyader est une personnalité hors du commun. Son esprit d’entreprise semble remarquable pour l’époque. S’il n’est pas rare, sur la côte, de voir un armateur posséder trois bateaux, moins nombreux sont ceux qui, arrivés à ce stade, naviguent encore eux-mêmes. Homme d’initiative, « Petit-Louis » n’hésite pas à se démarquer en commandant dès 1897 un bateau à Jean Pauvy, le jeune constructeur de Carantec, alors que le chantier local, Keren fors, est au sommet de sa réputation. Mal gré les succès remarquables de ce premier Reder-Mor, il en fait faire un second, nettement plus fort, dès 1904. Le Reder-Mor II est-il le premier cordier de Roscoff à adopter l’arrière à voûte ? La chose n’est pas prouvée dans l’état actuel de nos re cherches, mais serait bien dans la note de Louis Guyader. Quoi qu’il en soit, les per formances de ce voilier ne doivent pas lui suffire, puisqu’il ne faudra pas trois ans pour qu’il commande une nouvelle unité à Pauvy. Lancé en 1907, ce sera le Reder Mor III, le « grand Reder », qui connaîtra la carrière que l’on sait.
Intelligent, dynamique, amoureux de son métier, « Petit-Louis » est un homme capable de donner un coup de fouet à la pêche locale, et d’entraîner toute une par tie de la communauté avec lui : grâce à des hommes comme Esprit Le Mat et Louis Guyader, à la veille de la Première Guerre mondiale, le port de Roscoff compte huit grands cordiers qui vont pêcher plus loin et apportent une certaine prospérité aux marins. Serge Le Floch, de Carantec, dont le grand-père Joseph Marron navigua à bord du Reder-Mor, et à qui nous devons plusieurs traditions familiales évoquées ici, le rapproche d’un autre patron-pêcheur du début du siècle, Jean-Marie Adam de !’Ile-Tudy, évoqué dans Ar Vag (tome I, p.157-8), qui défraya la chronique par ses chaloupes sardinières peintes en blanc et ses voiles de régate en soie.
Dans ce milieu traditionnel des pêcheurs de Roscoff, « Petit-Louis » fait figure d’anticonformiste. Célibataire, vivant avec ses deux sœurs, on lui connaît des conquêtes féminines : « il avait, disait-on, une « Nini » à l’Aber-Wrac ‘h; souvent il restait avec elle là-bas et laissait les autres ramener le bateau avec la pêche. Il avait comme cela un côté grand seigneur qui lui donnait beaucoup de prestige auprès de son équipage. J’ai entendu des vieilles dames en parler, fascinées, dans mon enfance ».
Libre d’allures, mais généreux et responsable, Louis Guyader est estimé de tous. Son indépendance d’esprit ne semble pas lui avoir attiré la moindre critique. Elle le rapproche au contraire des personnalités les plus intéressantes qui fréquentent le port. « Petit-Louis » se lie ainsi d’amitié avec Mathurin Méheut, lors de son séjour décisif à Roscoff en 1910 et 1911(3). Basé au laboratoire maritime de la Station bio logique, Méheut découvre avec passion l’univers de la Bretagne littorale, fouille l’estran, sort en mer avec les pêcheurs; il naviguera ainsi à bord du Reder-Mor, et of frira un dessin à plusieurs membres de l’équipage. Serge Le Floch en conserve deux, dont l’un, représentant un pêcheur faisant des casiers à l’île de Sieck, est dédicacé à Hyacinthe Roignant, « l’un des meilleurs marins du Reder-Mor’.
« Petit-Louis » et ses matelots n’hésitent pas, à l’occasion, à rendre service, comme en témoigne ce petit écho de La Dépêche en décembre 1907 :
Ile de Batz, traversée difficile.
Hier, vers 6h30 du soir, le passeur Coq de l’lie, patron Ergoll, embarquait à Roscoff cinq vendeurs d’oignons revenant d’Angleterre. Le vent, très violent, déchira les voiles et il dut retourner au Vil. Le Reder-Mor, patron Guya der, arma alors et réussit à opérer le passage.
Les qualités de Louis Guyader sont re connues par ses pairs qui n’hésitent pas à lui confier des responsabilités honorifiques. Lorsqu’en 1910 Jacques de Thézac inaugure le nouvel Abri du Marin créé à Roscoff, on apprend que « les marins ont constitué ainsi qu’il suit le comité local de l’Abri : Président, M. Louis Guyader, patron du Reder-Mor, vice-présidents, MM. Esprit Le Mat, patron du Saint-joseph (également pilote et patron du canot de sauvetage, nda) et Joseph Allain, marin de la Poupoule; secrétaire-trésorier, M. Salaün, capitaine au long-cours; concierge, M. François Creignou, de la Poupoule ».
Plusieurs récompenses et médailles consécutives à divers sauvetages notamment celui, dramatique, de la Rafale de Carantec lui seront décernées. En 1912, il reçoit même une allocation de 1000F et une médaille de bronze de la Fondation Carnegie. Les marins embarqués sur le Reder-Mor bénéficieront tous peu ou prou de cet état d’esprit, et tous deviendront par la suite patrons-pêcheurs.
Des fanatiques de la régate
« A bord du Reder, ils discutaient toujours beaucoup de la pêche, bien sûr, mais aussi sur les régates, les réglages du bateau, le gréement. C’étaient des jeunes qui travaillaient avec « Petit-Louis », vingt-vingt cinq ans, pas plus. Il n’y avait pas d’exécutants sur ce bateau, que des passionnés ! Les femmes en venaient d’ailleurs à se moquer d’eux, à cause de cette manie d’argumenter sans cesse sur la coupe des voiles, sur les manœuvres. Une de leurs phrases m’est restée : »Toujours sur le quai à parler de régates, à faire des dessins dans le sable avec leurs sabots… » On a vu que les femmes, garantes traditionnelles du sérieux économique sur la côte bretonne, éprouvaient à l’égard de cette passion régatière des sentiments sans équivoques.
« Ils étaient enragés avec ça, raconte Charles Roignant. Mauvais temps, les bateaux à !’Aber-Wrac’h, les cordes étaient dehors, c’était risqué d’aller les lever, mais s’ils attendaient le lendemain, ils rataient les régates de Roscoff. Ils y sont allés pourtant, et au retour, allez, grand largue, deux ris dans la grand voile, grand foc et trinquette en haut pour rendre le bateau moins ardent : en trois heures ils étaient rentrés à Roscoff, juste à temps pour le départ!
« L’été, avant de partir, le vendredi soir, tout le bateau était vidé, la carène repeinte, les gueuses enlevées et remplacées par des sacs de sable, ils enverguaient les voiles de régate; ils avaient même des voiles en soie. » Cette dernière affirmation peut paraître exagérée. Pourtant, le fait, déjà attesté pour l’Ile-Tudy, est également cité par Pierre Henri Marin à propos des voilures de régate de certains pilotes du Havre.(4)
« Petit-Louis », en tout cas, n’hésitait pas à commander un jeu de voiles neuf pour une course, courait certaines régates en gants blancs et embarquait ses amis sur un coup de tête pour une fête fabuleuse dans un grand port inconnu. Goût du jeu, sens du panache, esprit d’aventure: par ses qua lités personnelles, cet homme a su transfigurer le quotidien d’une petite communauté maritime, où la vie savait être dure et parfois décourageante. Ne retrouvait-il pas là un peu de l’esprit qui animait, un siècle plus tôt, les audacieux « fraudeurs » et les corsaires du vieux havre léonard ?
Le bateau
Juillet 1907. Jean Pauvy, le fameux constructeur de Carantec, vient de lancer le Reder-Mor Ill sur la grève du Clouet. C’est un fort cotre de pêche long de 13 met large de 3,72 m, que M. Jacq, le vérificateur des Douanes, vient de jauger à 15,82 tx. La coque est peinte en blanc, à l’exception d’une bande bleu clair dans les hauts; on a passé la carène au black. La caractéristique la plus frappante, aux yeux de l’assistance, tient à la forme de son arrière en « cul de poule », une fine voûte élancée qui lui donne un faux air de yacht, d’autant que le nouveau Reckr est un voilier plutôt étroit.
Pourtant, contrairement aux apparences, le Reder-Mor Ill est un simple « bateau creux », comme tous les petits cotres de Roscoff. Certes, l’avant est ponté jus qu’au banc de mât, à bonne hauteur pour pouvoir « tirer les cordes »; un court pontage couvre toute la longueur de l’élance ment arrière à hauteur de la lisse. Mais la partie centrale reste entièrement ouverte il n’y a pas de passavants latéraux – et le plancher mobile est implanté plus bas qu’à l’ordinaire sur les bateaux non pontés des côtes bretonnes : « le plat-bord arrivait à la ceinture », rappelle François Un ensemble banc creux et pompe en bois de type classique permet d’épuiser les fonds.
Une telle disposition n’est pas banale sur un bateau aussi puissant, et la série des grands « culs de poule » de Roscoff constitue à notre connaissance le seul cas répertorié sur nos côtes de forts cotres à voûte non pontés. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’idée du pontage n’a jamais tenté les marins. « Ici on ne voulait que des bateaux creux, rapporte François Cueff, c’était beaucoup plus facile pour travailler, mieux pour ramer aussi; ceux qui faisaient les filets n’auraient pas pu naviguer, avec le poids qu’ils faisaient, il fallait que les filets mouillés aillent dans les fonds. Mais attention, c’étaient des bateaux marins, hein. Sur la Jeanne d’Arc, qui était comme le Reckr à peu près, je ne me suis jamais senti en danger du fait de la mer : on pompait souvent, bien sûr, quelquefois des seaux par gros temps, mais c’est tout ! »
Les formes de ces bateaux sont par ailleurs très typées. L’étrave verticale, à peine cambrée, est particulièrement haute et défendue. C’est la marque d’une adaptation aux dures conditions de mer locales ici même les plus petits cotres sont râblés et hauts de franc-bord, pour résister aux dangereux clapots croisés qu’on rencontre autour des Méloines ou en dehors de l’île de Batz. Par contre, le brion est peu immergé; un vieux marin se souvient qu’au sec, on pouvait facilement monter à bord en s’accrochant au bout-dehors. Autant l’étrave est haute, autant l’arrière paraît surbaissé et la tonture très marquée davantage d’ailleurs, sur les « culs de poule » de Kerenfors (dont la voûte est aussi plus fine) que sur le grand Reder. Toujours est-il que le franc-bord arrière est assez bas pour qu’un ancien marin se sou vienne « qu’à pleine vitesse, au largue, l’eau venait parfois sur le pontage arrière. » Mais la caractéristique la plus frappante, surtout si l’on compare le Reder-Mor III aux bateaux construits dix ans auparavant à Roscoff, reste la mise en différence importante de la coque, due au brion très peu profond et au fort tirant d’eau arrière (2,25 m selon François Cueff).
Pierrot Guidal rapporte ainsi en riant, une opinion quelque peu exagérée entendue dans sa jeunesse à propos du Reder : « si on l’avait échoué l’avant vers le bas de la grève, on aurait pas pu travailler à bord tellement il piquait du nez; un panier de cordes ne serait pas resté debout ! » Plus sérieusement, le même témoin rappelle le souvenir des qualités manœuvrières exceptionnelles induites par ce profil de plan de dérive : « en régates, le grand Reder avait l’avantage aux bouées; il était très évolutif, à cause de sa forte quête d’étambot, avec un gouvernail très avancé, et puis la quille très en différence ».
Si la voûte est très plate et l’avant fin, les sections milieu restent en V profond, avec des varangues très acculées, ce qui permet d’embarquer un lest important, composé de beaux cailloux noirs « c’étaient les plus lourds » trouvés dans la grève. Sur le Reder-Mor, on embarque en outre quelques gueuses qui permettent de mieux régler l’assiette. Mais il n’existe pas de lest métallique extérieur. Introduit très tôt sur les petits bateaux de travail de la baie de Morlaix, celui-ci n’apparaît en fait qu’à la veille de la Première Guerre mondiale sur certains ligneurs de la série des sept mètres à « cul de poule » du Dourduff (style Triple Entente à Vincent Féat), qui sont presqu’autant régatiers que pêcheurs…
Le gréement
Le Reder-Mor porte un beau gréement classique de sloup (c’est le terme qui figure sur son acte de francisation, bien qu’on parle très souvent de « cotre » en baie de Morlaix), avec une voilure très importante. Le mât implanté assez en avant est à pible, c’est-à-dire d’un seul tenant. Tenu par deux haubans de chaque bord, il est fortement bridé par l’étai sur tous les grands cordiers, et même nettement incliné sur l’avant dans le cas du Reder. Un grand foc creux à bordure quasi horizon tale, dotée de beaucoup de rond, s’amure sur un très long bout-dehors passant dans un trou du pavois, selon l’habitude des chantiers locaux. Mais, contrairement à la pratique normale, ce bout-dehors est implanté à bâbord. La trinquette est assez étroite, mais sa bordure, très basse, suit bien la ligne descendante de la tonture. La grand voile, très apiquée, est transfilée sur un )s4i dont l’extrémité dépasse de peu le couronnement; elle est dotée de quatre bandes de ris et d’un système classique avec bosse et violons.
Le flèche du type « triangulaire » habituel en baie atteint sur le Reder-Mor une dimension et une efficacité remarquables. La vergue, très longue, est transfilée sur toute la longueur du guindant et s’établit à la verticale. Une itague frappée au point d’amure et raidie à bloc (on prenait par fois un tour autour du mât, selon François Cueff) permet de la maintenir parfaitement dans l’alignement du mât; l’espar fonctionne ainsi comme un véritable mât de flèche mobile. L’usage d’un balestron au point d’écoute permet d’établir parfaitement la voile et de gagner quatre laizes par rapport à un flèche classique. A noter qu’à l’inverse de la pratique habituelle, qui réserve cette disposition aux voiles de régate, l’usage du balestron est quasi général à Roscoff pour les voilures de travail, y compris sur les plus petits cotres de pêche. De tels détails dénotent bien la réalité de l’influence des régates sur le matériel, attestée de longue date comme on le verra.
La fin du Reder-Mor
Louis Guyader meurt en 1915 à l’hôpital maritime de Saint-Mandrier, des suites d’une mauvaise fièvre contractée aux Dardanelles. Au lendemain de la guerre, le grand Reder est repris par Charlie Roignant et Marguerite Guyader, Margritic, la mareyeuse, autre figure du vieux Roscoff. Il naviguera à la pêche jusqu’en 1924, s’alignant une derrière fois aux régates du port de Roscoff en 1921. « On eut le plaisir, écrit non sans nostalgie le correspondant local du Yacht, de revoir les deux fameux Reder-Mor, ces créations du regretté Jean Pauvy, et peut-être pour la dernière fois car ces deux unités, ne ré pondant plus, paraît-il, aux besoins locaux, vont être désarmées et vendues après la saison et quitteront probablement ces côtes où elles ne connurent que le succès. »
A cette date, ne subsistent plus, de la belle flottille des grands cordiers à « cul de poule » d’avant-guerre, que l’Ariel et le Reder-Mor Ill Le Reder « bihen » vient tout juste d’être vendu à Primel. Le 8 octobre 1924, on est en morte-eau, tous les cotres de Roscoff sont mouillés en rade, entre Pen ar Vil et Ranic, pour pouvoir appareiller avec suffisamment d’eau. Le temps est calme et boucailleux sur la rade, toute petite brise de S.E. Dans la nuit, la tempête de Suroît se lève brutalement. Les bateaux quoiqu’affourchés sont presque tous emportés; certains vont dériver jus qu’à Primel. L’Ariel, un temps pris en remorque, est je té sur Ti Saozon; du Reder-Mor, on ne retrouvera rien, sinon son ancre, à marée basse, près de la tourelle noire de Rarnic…
Reder-Mor III : un aboutissement
Peu de bateaux de pêche, en France, ont acquis une réputation de marcheur com parable à celle du Reder-Mor Ill Et il serait tentant, au terme de cette histoire, de cher cher à comprendre comment les constructeurs de la baie de Morlaix en sont arrivés à produire des voiliers de travail aussi rapides, et quel contexte a pu provoquer l’apparition d’une mentalité aussi compétitive chez les marins. Ce sujet passionnant mérite d’être examiné en détail et il fera la matière d’un prochain article.
On ne peut croire en effet que les per formances exceptionnelles du « grand Redd’ puissent être un phénomène isolé, fruit du coup de génie soudain d’un constructeur, même si Jean Pauvy, de l’avis général, « avait la ligne dans l’œil : c’était un véritable artiste, un travailleur acharné » (Charles Raillard). Au sein de la flottille des huit grands cordiers de Roscoff, la supériorité du cotre fétiche de Louis Guyader n’était pas écrasante. La Jeanne d’Arc, le plus fort (17 tx) bateau de la série, lancé chez Kerenfors en 1909 pour le patron Cueff, marchait presque aussi bien que le Reder, à en croire François Cueff, qui navigua dans son enfance sur le cotre de son père; « les autres culs de poule de Kerenfors, l’A riel et la Poupoule aussi, c’était à peu près pareil. »
Sans quitter la flottille de Louis Guyader et les productions de Pauvy, on peut rappeler que le Reder-Mor JI, bien que plus court d’un mètre selon Vincent Rolland, de Primel, (le plus ancien des constructeurs de la baie en 1991), n’était pas non plus vraiment inférieur à son grand frère. Il lui arrive d’ailleurs à plusieurs reprises – aux régates de Roscoff en 1909, par exemple de battre son successeur, et l’on raconte qu’en certaines occasions, il lui aurait cédé respectueusement la première place.
Le premier Reder-Mor champion des années 1900
Plus étonnant encore : si la tradition orale n’a conservé que le souvenir de deux Reder-Mor, le « petit » et le « grand » (II et III), l’étude des sources écrites révèle que le premier du nom, construit en 1897 chez Pauvy, avait acquis au tournant du siècle une réputation tout aussi flatteuse ! Sans doute a-t-il disparu trop tôt de la scène roscovite pour être gardé en mémoire.
Très vite, le premier Reder-Mor commence à aligner les succès, puisqu’il l’emporte aux régates de Morlaix en 1898 et 1899, où il gagne sa série devant Ste Union, au père de Louis Guyader, construit lui aussi en 1897 chez Pauvy. Deux ans plus tard, le nom du cotre de Louis Guyader apparaît pour la première fois dans Le Yacht, où les bateaux de pêche roscovites de construction récente sont cités en exemple pour leurs qualités nautiques : « Les yachtsmen qui voudraient s’en assurer n’ont qu’à aller voir le Reder-Mor à Roscoff’ (Yannic, avril 1901). Quelques mois plus tard, le même journal fait- référence au « chantier Pauvy, l’un des meilleurs constructeurs de bateaux de pêche de la région et auteur du fameux Reder-Mor ». L’été suivant, le Reder-Mor fait encore parler de lui aux régates locales, courues le 2 août 1902 :
Les courses des bateaux de pêche de 6m, 7m, Sm et 9m 50, sont toujours très réussies à Roscoff. La série des 7 m réunissait 13 partants; mais le clou de la journée est toujours le départ des grandes séries de 8 m et 9 m 50. Cette année, on avait inauguré pour elles le dé part volant et rien n’était pittoresque comme de voir évoluer ces bateaux hauts et puissants sur l’eau portant hardiment de gigantesques voilures de cotre. Leur forme comme pureté de ligne ne le cède en rien aux yachts.
Le Reder-Mor à Louis Guyader gagne dans la série des 8 à 9 m 50; et la Marie, autre célébrité de l’époque, un grand cotre à tableau de chez Kerenfors, l’emporte dans les plus de 9 m 50. Les commentaires du Yacht sur ces bateaux ne manquent pas d’intérêt : « Parmi eux, citons le fameux Reder-Mor, bien connu par sa remarquable vitesse et qui a fait une cour se extraordinaire, puis la Marie, dont le bloc superbe comme modelé a figuré à l’exposition nautique de Brest l’année dernière. Ce bateau a obtenu de grands succès en régates et il serait curieux de le voir courir contre des yachts : il ferait, selon nous, un excellent dix tonneaux, vite, sûr et pratique. »
Kerenfors, un grand constructeur
C’est au chantier Kerenfors que Jean Pauvy a été formé avant de s’établir à Carantec . Si la postérité a retenu toute l’importance de son œuvre, on sait moins que les charpentiers roscovites ont joué avant 1900 un rôle plus important encore. Au tournant du siècle, ce très ancien chantier jouit d’une réputation qui a dé passé depuis longtemps le cadre local. Sa clientèle pour les bateaux de pêche et de service s’étend de Brest à Saint-Brieuc. Si ses yachts et ses navires de commerce lui assurent une grande part de son prestige, la qualité de ses bateaux de pêche est réputée des connaisseurs depuis une bon ne vingtaine d’années.
Le témoignage de Jacques de Thézac, qui lui a confié la construction de son yacht Roscovite à la fin des années 80, ne manque pas d’intérêt à cet égard. « Et puisque je parle de Kerenfors, je ne peux me dispenser de vous dire quelques mots de ses bateaux de pêche. Ces embarcations ont des qualités merveilleuses qui les rendent redoutables dans toutes les courses de la région. On les a vues, aux régates de Roscoff, par brise assez forte, porter bravement leur flèche pointu alors qu’elles auraient été très suffisamment voilées avec leurs voiles majeures… » (Le Yacht, 1886).
Les régates de bateaux de pêche au XIXe
Cette même année 1886 est le théâtre d’un événement remarquable. Un bateau de pêche de Roscoff, la Marie-joseph, d’un type d’ailleurs différent des cotres évoqués plus haut, s’est rendu à Paimpol pour y disputer les grandes régates, qu’il a gagnées avec éclat dans sa série, préfigurant ainsi les futurs exploits du grand Reder-Mor ! Cette initiative étonnante pour l’époque est la conséquence directe d’un rapide mouvement d’émulation et de pro grès technique amorcé depuis quelques années, et qui n’échappe pas aux observateurs, officiels ou non.
En 1880, la Statistique des pêches maritimes établie chaque année pour les différents quartiers le constate : « Les régates de Morlaix et de Roscoff ont fait naître une vive émulation entre les pêcheurs, et de puis deux ou trois ans, une amélioration notable s’est produite dans l’armement et la tenue des bateaux. » De son côté, le correspondant roscovite du journal Le Yacht (fondé l’année précédente), avait déjà émis ce jugement en 1879 : « Les bateaux de pêche se faisaient remarquer par la bonne tenue de leur gréement, et l’on pouvait réellement constater l’influence des régates. » C’est en effet à partir de cet te année 1879 qu’on prend définitivement l’habitude d’organiser des régates annuelles à Roscoff, après une éclipse de dix ans. Les précédentes épreuves dataiep.t de 1869, mais Roscoff avait su prendre le premier l’initiative dans le Nord Finistère, dès 1850, soit un an avant Morlaix, et trois années seulement après Brest.
En 1851, dans son journal l’ Echo de Morlaix, le grand écrivain maritime Edouard Corbière, qui avait entrepris lui même d’organiser ces « joutes nautiques » à Morlaix, faisait déjà le constat de l’influence bénéfique des régates : « N’avons-nous pas vu ce que l’annonce seule de la dernière fête à laquelle nous venons d’assister a fait naître d’émotion parmi nos pilotes et nos pêcheurs, qui, quinze jours à l’avance, n’ont eu d’autre souci, d’autre occupation que de retailler leurs voiles, d’espalmer, de suiffer leurs bateaux, ces mêmes bateaux qui depuis qu’ils existent n’étaient jamais encore devenus l’objet d’une si vive et si inquiète sollicitude ! »
La course, une tradition qui a la vie dure !
Ces régates du milieu du : XVXe siècle, les grands-pères de nos héros Qean-Marie Guyader et Mathieu Roignant) les ont disputées sur un bateau bien différent du Reder-Mor ou de la Poupoule. Leur embarcation, armée en commun, porte un beau nom : Les deux amis. C’est une « péniche pilote » de Roscoff, gréée de voiles au tiers, qui a été construite « à clins, construction anglaise, bordée en orme, clous et rivets en cuivre » par Hyacinthe Kerenfors. Ses proportions longues et étroites, sa construction légère sont celles d’un grand bateau voile-aviron : 8 m 17 sur 1 m 84 , autant dire une « pilot-gig ».
Quelques années plus tôt, le même H. Kerenfors remportait une éclatante victoire aux grandes régates de Brest (1849), à la bar re d’un petit cotre à clins, le Casimir. Sa supériorité de marche était telle qu’au dire des observateurs, « il faisait deux fois le tour de la lice tandis que ses concurrents n’en faisaient qu’un seul ». La construction de bateaux légers et rapides est donc une assez vieille affaire à Roscoff; il est vrai que ces qualités de vitesse étaient encore mises à profit, trente ans auparavant, pour d’autres formes de « course » infiniment plus risquées.
Ces deux exemples frappants, choisis parmi bien d’autres, montrent que pour appréhender la tradition de la construction navale locale, il faudra entreprendre l’histoire des activités maritimes de la baie de Morlaix depuis la fin du XVIIIe siècle. Retrouver la trace des dynasties de charpentiers, étudier les relations du vieux havre avec les autres ports de la Manche, et notamment ceux de Cornouailles bri tannique, reconstituer toute l’évolution de la pêche et de la plaisance, dont on sait désormais qu’elles sont étroitement liées : un siècle de cohabitation sur les mêmes chantiers n’a pas été sans conséquences.
Revenons simplement, pour finir, à l’acte de naissance du Reder-Mor III, publié dans Le Yacht en 1907 : « les chantiers Pauvy, de Carantec, ont mis en chantier le canot de 6 m 50 qu’ils sont chargés de construire pour M. Collet sur un plan de Guédon, ainsi qu’un 15 tx de pêche pour Guyader de Roscoff. » La présence côte à côte sur les cales du chantier du Clouët du fameux cotre de pêche, et d’une création du plus grand architecte naval français apparaît tout à fait symbolique. Cette émulation – inscrite, on l’a vu, dans une tradition plus ancienne est sans doute à l’origine de la qualité particulière de la construction du pays. Celle-ci n’a d’ailleurs rien perdu de son inspiration : en 1991, les chantiers bois de la baie de Morlaix lancent encore de splendides bateaux. Et un jeune constructeur de vingt ans, Yann Rolland, peut encore relever, avec une passion peu commune, le plus beau défi de ces dernières années : construire un nouveau Reder-Mor, pour aller affronter à nouveau les grandes bisquines et les pilotes. L’histoire n’est pas finie .
Remerciements : Association « Baie de Morlaix », Gilles Cadoret, Mme Cartier, Mme Castel, Mme Cueff , François Cueff (aujourd’hui décédé, doyen des marins-pêcheurs de Roscoff lors de notre enquête), Mme Dirou, M. Ferec, Pierrot Guidai, M. Jacq, G. Kerbociou, M. Kerenfors, Jean Le Bot, Serge Le Floch, Michel Le Tallec, M. Lirin, P. H. Marin, Mme Miguet, Mme Paugam, Charles Roignant, M. Robichon, Vincent Rolland, M. Trévily.
(1) Cette simple histoire d’hommes et de bateaux n’est que le prélude à une étude plus approfondie sur les « Voiles au travail de la Manche bretonne » qui viendra compléter plus tard la série des Ar Vag consacrée aux bateaux de l’Atlantique.
(2) Le « Bulletin de la pêche » de Roscoff à la fin août 1909 témoigne cependant de l’impact considérable des régates locales sur l’activité de la flottille : « La pêche des petits bateaux est insignifiante. Les régates ont contrarié les sorties. C’est aussi ce qui explique la faiblesse des expéditions pour les grands bateaux ».
(3) Il en ramènera une extraordinaire moisson de dessins, aquarelles et croquis qui constituera le véritable point de départ de son œuvre. En 1913, ces travaux formeront la matière de la première exposition Méheut au Musée des Arts décoratifs, qui connaîtra un très vif succès. Les deux fameux volumes de l’ « Etude de la Mer, flore et faune de la Manche et de l’Océan » paraîtront dès l’année suivante.
(4) Les Hirondelles de la Manche, pilotes du Havre Gallimard, 1981; p 167.