En 1755, la Corse se révolte contre la tutelle génoise. La république est proclamée. À sa tête, Pasquale Paoli. Ce dernier rêve de faire de l’île une puissance maritime : l’élaboration d’une flotte nationale est confiée à un mercenaire originaire de la région d’Ajaccio, Gio Battista Peri, que l’écrivain James Boswell, admiratif, appelait Grand Amiral de Corse. Peri commandera le premier bâtiment de la flottille, le chébec d’origine maltaise Galeotta. Las, les lettres de marque délivrées par Paoli ne sont pas reconnues par les puissances européennes, et les corsaires qui s’en prévalent risquent de passer pour des pirates, ce qui leur vaudrait un traitement pour le moins expéditif. La force navale corse rassemblera, à son apogée, une quinzaine de petits bâtiments armés par des corsaires ou par le gouvernement national. Cette Marine ne survivra pas à la république de Paoli, défaite par les troupes du roi de France en 1769. Qu’à cela ne tienne, elle fait partie de la légende du « Babbu de a patria ».
À Bastia, l’on n’a pas attendu la visite de L’Hermione, au printemps dernier, pour rêver d’un chantier analogue… Avec les édiles locaux, les fondateurs de l’association A Madunnetta, se proposent de construire sur le vieux port de Bastia un chébec baptisé A Galeotta, et d’en faire l’ambassadeur navigant de la Corse.
Le bureau de maîtrise d’œuvre Yacht concept, qui a été chargé d’une première approche du projet, s’est basé pour cela sur la monographie que Jean Boudriot a consacrée au Requin, chébec de 28 canons, pour en extrapoler les caractéristiques en tenant compte des contraintes réglementaires et des perspectives financières jugées réalistes par l’association : le premier chébec de Pasquale Paoli mesurait très probablement une quarantaine de mètres, pour un déplacement de 300 ou 400 tonnes, mais A Galeotta, en l’état actuel, est un projet de chébec en réduction. Sa silhouette rappelle ses ancêtres du siècle des Lumières, et il sera construit avec les mêmes matériaux, selon les mêmes dispositions. La longueur de coque projetée avoisine les 26 mètres pour un déplacement qui devrait approcher les 125 tonnes. La nouvelle Galeotta, armée en navire de plaisance à utilisation collective, pourrait emporter quelque trente passagers dans les eaux françaises, douze à l’étranger. Le bateau devrait coûter 5 à 7 millions d’euros. La reconnaissance de l’association par la Fondation du patrimoine – qui ouvre droit à des avantages fiscaux pour les donateurs – facilitera le financement de l’opération ; grâce au soutien de la municipalité de Bastia, le chantier pourrait être installé en plein cœur de la ville, sur le vieux port.