La route du Nord, qui relie le détroit de Béring à la mer de Barents en longeant la côte sibérienne, ordinairement libérée des glaces de juin à octobre ces dernières années, est restée praticable de mai à décembre en 2020. Si la banquise de l’Arctique a déjà perdu 40 pour cent de sa superficie depuis 1979, les divers scénarios d’émissions de gaz à effet de serre laissent imaginer que ce passage pourrait être accessible toute l’année à partir de 2050, ouvrant ainsi une route maritime de l’Europe vers l’Asie alternative au trajet par le canal de Suez. Aller de Busan, en Corée du Sud, à Rotterdam en passant par le Nord permet en effet de réduire la distance de 3 000 milles, soit une dizaine de jours de route économisés sur les quarante-cinq que demande le trajet via le canal de Suez.
En 2011, quatre navires, pétroliers pour la plupart, ont emprunté le « passage du Nord-Est », du Pacifique à l’Atlantique. Sept ans plus tard, le porte-conteneurs danois Venta Maersk – chargé de 3 600 conteneurs et bénéficiant de la certification Ice Class 1A, lui permettant de progresser dans une glace d’une épaisseur allant jusqu’à 0,80 mètre – rallie Saint-Pétersbourg depuis Vladivostok en septembre. Le nombre de bateaux a augmenté depuis, avec, en 2019, 37 navires qui effectuent toute la traversée, puis 62 navires en 2020. Le tonnage transporté en 2020 via le Nord s’élève à 10,05 millions de tonnes – un chiffre qui reste encore très marginal comparé aux quelque 9 milliards de tonnes de marchandises transportées par voie maritime chaque année.
Malgré le gain de temps – et donc de carburant – évident que permet la route du Nord, les armateurs restent encore frileux à l’emprunter : il faut en effet payer les services russes pour la sécurité, et un brise-glace d’accompagnement. Sans oublier qu’il n’y a que très peu de ports d’escale, et donc peu de potentiels débouchés pour les biens transportés…
La Russie, qui espère voir 80 millions de tonnes de fret transiter par le Nord d’ici à 2025, n’en a pas moins investi l’équivalent d’un demi-milliard d’euros dans des projets d’infrastructures portuaires et de brise-glace nucléaires. Quelque six mille militaires y ont également été déployés, l’objectif étant de garantir l’ouverture de cette route maritime toute l’année à partir de 2035.