« Aile cherche nouveau gardien ». C’est en résumé ce que disait l’annonce découverte sur Internet, celle d’un propriétaire désireux de passer la main à quelqu’un qui saurait remettre son monotype en état de naviguer. Et c’est ainsi que je me suis lancé, probablement influencé par une jeunesse passée à dévorer Le Chasse-Marée. J’avais déjà une petite expérience en charpenterie de marine, ayant entrepris la construction d’un canot à clins en kit après ma découverte du monde de la voile traditionnelle aux fêtes de Brest de 1992. L’envie était là, ce bateau à bouchain vif me plaisait… Restait à m’organiser, car je ne travaille pas en France où je suis seulement quelques semaines par an, en Bretagne Sud. Les travaux s’étaleraient sur cinq étés.
Éternelle – c’est son nom – a été construite en 1946 au chantier Silvant : c’est ce que m’apprend l’association de la classe des Aile qui connaît cette unité sous le numéro 145. Dix ans plus tôt, ce plan Jarl Linblöm de 1935 avait été retenu pour être le bateau officiel du Yacht-Club de l’Île de France.
Aussitôt achetée, la jolie coque de 7,10 mètres prend place sous un abri dans mon jardin. Si les caractéristiques de l’Aile et notamment son bordé développable laissent imaginer un chantier plutôt accessible, son pont est très abîmé et la coque vrillée… Mais ma stratégie de travail est bientôt établie : copier ce qui est démonté pour reconstruire.
Tout d’abord, je fabrique un marbre qui me sert de surface de référence afin de redresser la coque. Membre après membre, varangue après varangue, je change les pièces dont le bois est pourri. Puis le bordé, composé de longues virures de sipo de 12 millimètres, est démonté et remplacé par du contreplaqué de 8 millimètres, stratifié verre-époxy. Le pont, inspiré de planches de surf, est réalisé en lattes de bambou stratifiées. S’ensuivent les vernis et les peintures.
Pour poser l’accastillage et terminer avant le 12 août 2022, ultimatum que je me suis imposé, Bertrand, mon ami d’enfance, vient me prêter main-forte. Le jour J à 15 heures, au terme d’une bonne semaine de marathon, la jolie coque bleue s’élève dans les airs avant que la grue ne la pose sur l’eau. Éternelle gagnera ensuite son mouillage dans l’étier de Billiers, dans le Morbihan. Au programme, le golfe bien sûr, idéalement avec d’autres Aile, et pourquoi pas de petites croisières, avec une tente sur le cockpit… Josselin Cassanet
© Collection Josselin Cassanet