Une grande entreprise au XVIIe siècle
Alain Blaise
Saint Gervais ? Non, il ne s’agit pas de la station touristique haut savoyarde bien connue mais d’un village situé en rive gauche de l’Isère et en bordure septentrionale du Vercors. Cette présentation vient en supplément de l’article proposé par le Chasse-Marée La fabrique royale de canons de Saint-Gervais.
Fabrique de canons ? Non, ce n’est pas un établissement banal en cette fin du XVIIe siècle, il en existe encore peu en France et celui de Saint Gervais sera le seul à approvisionner en canons « la flotte française du Levant » (de la Méditerranée) pendant près d’un siècle.
Alors, pourquoi parler de cette « fabrique » qui ne se situe pas dans le périmètre des Quatre montagnes et n’a rien à voir avec les productions traditionnelles du Plateau ? Telle a été la première des critiques qu’a suscitées mon projet d’évoquer la création et la vie de cette « grande entreprise ».
A cela, plusieurs réponses. La première est que la fabrique n’a pu être créée qu’au pied du Vercors, et qu’elle n’aurait pas pu vivre ailleurs, comme nous allons le voir. La seconde est que les maîtres d’œuvre de cette création étaient des familles directement liées au Vercors, soit géographiquement, soit par un étroit réseau d’alliances matrimoniales. Quant au fait que la fabrique ne s’inscrit pas dans les traditions de l’artisanat local, rien n’est plus faux car cet artisanat comprenait depuis longtemps la production de charbon de bois [1] et une activité métallurgique notable utilisant plusieurs « fourneaux » et « martinets »[2,3]. Nous y reviendrons.
Une autre critique qui aurait pu m’être adressée est que plusieurs publications ont déjà traité l’histoire de la fabrique et de ses productions [4,5]. Je ne prétends donc pas être original, ni exhaustif mais mon but est de faire découvrir au lecteur un certain nombre d’aspects de cette aventure qui, à mon sens, ont été peu soulignés jusqu’ici.
Le premier, et qui constituera le premier chapitre de ce feuilleton à rebondissements en est le point de départ : pourquoi créer cette fabrique, pourquoi à ce moment précis, pourquoi à cet endroit ? Nous verrons ensuite et c’est un point capital : les hommes qui ont participé à la création et à la vie de l’entreprise. Il s’agit de fabriquer des canons, nous survolerons les caractéristiques de ces canons et leur technique de fabrication. La fabrique a duré 200 ans : comment ce laps de temps s’est-il déroulé, qu’a produit l’usine et pourquoi a-t-elle dû être finalement fermée ?
Les conditions de la création
Nous sommes au début du XVIIe siècle. Louis XIV a succédé à son père en 1643, bien décidé à poursuivre sa politique ambitieuse de centralisation du pouvoir et de rayonnement commercial, militaire et culturel du royaume. Mazarin a succédé à Richelieu avec les mêmes ambitions mais, dès sa disparition en 1661, Louis XIV prend les rênes et s’entoure de ministres énergiques et compétents. Le premier d’entre eux est Colbert. Jean Peter a donné une excellente analyse de la situation à cette époque. Lisons-le [6]. Pour Colbert : « le Roi deviendra puissant par la mer et puissant en richesse par ce moyen puisque ses sujets le seront » Trois principes seront à l’origine de la politique de Colbert :
• rendre favorable la balance commerciale du royaume en réduisant ou éliminant les importations. Or, nos dépenses en fournitures militaires pour la marine étaient très lourdes : des millions de livres chaque année
• rendre la liberté politique au Roi dans un domaine stratégique et vital pour sa gloire
• se procurer l’armement nécessaire, en cas de guerre, pour le pays.
Dans le domaine de la marine, tout est à faire : construction d’arsenaux, développement d’une industrie de l’armement, construction d’une flotte de guerre. Jusqu’en 1664, lorsque le Roi voulait faire bâtir un bateau, toute la matière première était achetée à l’étranger, principalement en Hollande. Enlevé aux Hollandais, le trafic de la Compagnie des Indes occidentales devrait, selon Colbert, procurer à la France, 200 bateaux et 6.000 emplois supplémentaires. Entre 1664 et 1670, un programme d’approvisionnement industriel et commercial visant à réduire ou supprimer les achats à l’étranger est mis en place. En 1670 :
• le fer qui venait de Suède et d’Espagne se fabrique maintenant dans tout le Royaume,
• les canons qui venaient de Suède et Hollande se fabriquent maintenant en Saintonge, Bourgogne, Nivernais, Angoumois et Toulon.
D’où l’ampleur de l’œuvre accomplie – avec plus ou moins de succès. Création très rapide d’une flotte qui, en 1690, sera la première d’Europe ; création d’arsenaux et création d’une industrie de l’armement.
Colbert sera secrétaire d’Etat à la Marine pendant 14 ans (1669-1683). Ce sera lui, le père fondateur de la flotte de guerre du Roi. Après sa mort, c’est son fils le marquis de Seignelay qui lui succédera dans cette fonction jusqu’à sa mort en 1690. Puis le relais sera pris par Phélypeaux de Pontchartrain.
Mais ce ne sont pas les ministres qui vont mettre directement en œuvre leurs projets, ils vont, eux aussi, s’entourer de grands commis et, dans tout le Sud-Est du Royaume, ce rôle de cheville ouvrière sera confié à Samuel Dallies de la Tour [7,8]. Celui-ci était dauphinois d’adoption et issu d’une famille qui y avait récemment fait l’acquisition des seigneuries de Chantesse, Malleval et Poliénas. Officiellement, il était chargé de la création d’un ensemble de fabriques d’ouvrages de fer : ancres, crics, armes, canons, boulets,.. en Dauphiné, Bourgogne, Lyonnais, Nivernais, Forez, Provence. En réalité, Dallies, né à Montauban en 1635 d’une famille protestante rompue au maniement des deniers du Roi, s’est allié par son mariage à toutes les bonnes familles de la capitale et a occupé des postes dans l’administration des finances : fermier des gabelles en Lyonnais, receveur et trésorier général en Dauphiné. Il connaît donc tout le petit monde gravitant autour de ces industries et va en tirer profit pour mettre en place et contrôler un groupe d’entreprises qui seront les artisans du plan déterminé par le ministre. Il est le responsable du groupe et en assume la direction, c’est avec lui que les marchés sont conclus et les traités passés. C’est à lui que les commandes sont adressées, que les aides directes ou indirectes sont dispensées.
Le Royaume va posséder deux grandes flottes de guerre : celle du Ponant (Atlantique et Manche) et celle du Levant (sur la Méditerranée). Il a été relativement facile de construire les vaisseaux. Ils sont faits de bois qu’on trouve en abondance dans tout le Royaume et un arsenal n’est autre que la version militaire d’un chantier naval pour navire marchand. Le problème se situe au niveau de l’armement : accastillage [9] et canons. Ici encore, fabriquer de l’accastillage est simple et n’a pas posé de problème à Samuel Dallies.
Mais la fabrication des canons est autrement difficile car elle exige un certain nombre de conditions. Elle requiert de la matière première : métal et combustible pour le fondre, savoir-faire pour la fusion et l’usinage et enfin transport.
Ce dernier problème est un gros obstacle : un canon de marine est une énorme pièce dont le poids varie de 1.200 à 3.200 kg. Une telle masse ne peut être placée dans un chariot : les essieux casseraient tout au long des chemins « rugueux » du XVIIe siècle et il y faudrait des attelages gigantesques pour monter ou descendre les nombreuses côtes que l’on y trouve. Le transport se fait donc exclusivement par eau et la fabrique de canons doit être placée au voisinage d’une rivière navigable.
Reste la question du métal : en quoi sont faits les canons de marine ? Au XVIIe siècle, on utilise encore des canons de bronze que l’on appelle « canons en fonte » et on a commencé à utiliser des canons en fonte de fer appelés « canons en fer ». Lors de la rénovation de la flotte, Colbert décide de remplacer les « canons en fonte » par des « canons en fer ».
Les premiers avaient de sérieux inconvénients :
• une sonorité excessive dans les batteries couvertes
• la cherté des métaux les composant
• le fait que ces métaux ne se trouvaient pas en France mais devaient être importés.
Ils avaient un avantage sur les « canons en fer » : ils se fissuraient et s’ouvraient progressivement à l’usure au lieu d’éclater comme ces derniers !
Dallies connaît toutes les exigences requises pour la création d’une manufacture de canons pour la flotte du Levant :
• proximité d’une mine de fer,
• d’une source de charbon (de bois),
• d’un « fourneau » où l’on connaisse le travail de la fonte de fer,
• d’un torrent qui fasse mouvoir les martinets et alimente les trompes du fourneau,
• d’une rivière ou d’un fleuve se jetant dans la Méditerranée.
Et il choisit Saint Gervais sur Isère, village répondant à ces cinq critères. La « fabrique Royale de canons » y est créée par arrêt du Conseil du Roy du 23 juillet 1679. [10]
• La mine de fer : c’est celle d’Allevard, la seule riche en minerai de bonne qualité dans tout le sud-est du Royaume. Elle est connue et exploitée depuis le XIe siècle, le village de La Ferrière [11], dans le mandement d’Allevard, existant bien avant 1090 [12]. Au XVe siècle, T. Sclafert cite un rapport du procureur fiscal au dauphin : « n’a vostre dit païs que trois choses dont il puisse avoir argent, c’est assavoir : le pèlerinage de Saint Anthoine, les mynes de fer et les voyages que les marchans font, alans, revenans et séjournans dans le dit paîs« .
• Le charbon : il existait des forêts au-dessus d’Allevard et ces forêts auraient pu être utilisées pour faire du charbon de bois. En fait, elles l’étaient déjà et même trop exploitées si bien que le propriétaire de la mine et des forêts M. de Barral réservait ses bois pour y faire son propre charbon. Par contre, la forêt des Ecouges et celle des Coulmes, sur le rebord septentrional du Vercors, sont très connues à l’époque [13], et notamment pour le charbon que l’on y fait en abondance [14]. Et juste sous ces forêts mais en plaine, se trouve un village : Saint Gervais
• Le fourneau : Allevard en avait plusieurs, mais M. de Barral s’en réservait aussi l’usage pour y fabriquer des gueuses [15] et de l’outillage qu’il vendait à son profit. Par contre, à Saint Gervais, certains sieurs Beaudet de Beauregard ont construit en 1664 un fourneau et des martinets [16], exemple suivi par la marquise de Virieu en 1670.
• Le torrent : c’est la Drevenne qui draine les vallons des Ecouges et de Romeyère.
• La rivière : ici, pas d’hésitation, Saint Gervais est au bord de l’Isère et Allevard loin de cette rivière. Il existe déjà tout un trafic de radeliers sur l’Isère puis sur le Rhône. D’ailleurs, la rivière était utilisée depuis longtemps pour y faire descendre par flottaison des troncs de sapins du Vercors utilisés comme mâts de navires [17].
Les artisans de la fabrique
1. Les grands commis
De même que le Roi délègue ses pouvoirs à Colbert et Colbert à Dallies pour la réalisation de ses desseins, Dallies, à son tour va trouver une série d’exécutants pour établir et faire fonctionner la fabrique.
En fait, les choses sont un peu plus complexes car, au XVIIe siècle, l’Etat gère ses affaires comme il le fait souvent aujourd’hui : par sous-traitance [18]. Il y a même deux stades d’exécution, le Roi a pour interlocuteurs un propriétaire pour établir sa fabrique et un gestionnaire pour la faire tourner. Il se garde le rôle de l’initiative des commandes et du contrôle de leur exécution par l’intermédiaire de son secrétaire d’Etat à la Marine et de son Intendant de Province. Ce dernier [19] fait une tournée annuelle dans sa Province lors de l’établissement du montant de la taille et rédige une série d’observations sur la situation de l’industrie [20,21]. Il en tire des conclusions portant sur les règlements, le contrôle et l’encadrement de la production industrielle
Le propriétaire aura pour tâche la construction de l’entreprise et la constitution d’un réseau de correspondants qui fera ce que l’on appelle aujourd’hui le « marketing » tandis que le gestionnaire (« l’Entrepreneur ») sera un technicien doublé d’un commercial pour assurer la vie de tous les jours de l’usine.
Un changement dans les rôles et l’importance respective de ces acteurs intervient progressivement et s’instaure définitivement après la Révolution. Le capital nécessaire à la marche de l’usine ne pourra plus provenir uniquement de la fortune foncière des propriétaires puisque la noblesse de province s’appauvrit.
Ce capital sera en partie apporté par l’entrepreneur et ceci restera vrai même au XIXe siècle lorsque l’Etat devient l’unique propriétaire de la fabrique.
En effet, un établissement tel qu’une fabrique de canons est une entreprise complexe exigeant une administration rigoureuse et des capitaux étendus. Il met en jeu des éléments très variés : matières premières diverses, gros frais d’extraction et de transport, matériel coûteux, salaires nombreux. Le propriétaire de cette sorte d’entreprise ne peut être un simple paysan ou un homme du commun mais doit appartenir aux classes dirigeantes, notamment la noblesse d’épée ou de robe. Nous verrons alors se constituer des alliances entre familles impliquées, les unes dans l’approvisionnement en matières premières, les autres dans le transport ou la vente des produits finis. P. Léon parle, à ce propos d’ébauches de consortiums. Nous y reviendrons plus loin
C’est ainsi que le premier propriétaire de la fabrique sera Marie du Faure, marquise de Virieu, le premier Intendant, l’intendant Bouchu [22] et le premier entrepreneur, un certain Jean Marel, protégé de Dallies, qui reçoit sa charge par l’arrêt suivant du Conseil du Roy :
« Le Roy, par lettres patentes d’aujourd’huy, accorde à Jean Marel, la permission et facilité de faire forger et fabriquer des canons de fer dans tel lieu de la province du Dauphiné qu’il estimera propre à cet établissement sa vie durant, à charge par lui de fournir par chaque un an, dans les arsenaux de la Marine, le nombre de canons de tel calibre qui lui sera ordonné, en lui payant le prix réglé par lesdites lettres patentes.
A Saint-Germain-en-Laye, le 23 juillet de l’an de grâce 1679 et de notre règne le 37°. Louis
Pour le Roi Dauphin, Colbert »
Nous avons reporté Tableau I la liste de tout ce personnel tout au long des quelque 200 ans que va perdurer la fabrique.
Nous avons parlé de « consortium » à propos de la fabrique de Saint Gervais. Nous pouvons préciser ce point et analyser les liens entre ses membres. Il s’agit de 6 familles nobles, 4 sont des nobles de robe et 2 des nobles d’épée. Deux familles sont étroitement liées au Vercors, les autres sont dauphinoises. A côté de ces 6 constituantes, deux autres familles : les Fléhard (noblesse de robe) et les Clermont-Tonnerre (très ancienne noblesse d’épée) jouent un rôle qui est plutôt celui d’un lien supplémentaire entre les six.
Quelles sont ces six familles choisies par Dallies et quelle est leur place dans le consortium ?
Il y a d’abord le propriétaire de la fabrique : c’est le propriétaire du terrain, seigneur du lieu. Lors de la création, il s’agit de Marie du Faure héritière de l’acquéreur des deux titres. Marie du Faure a épousé Nicolas I Prunier de Saint-André, seigneur en Royans et notabilité à Grenoble, les Prunier seront la seconde famille impliquée.
La fabrique nécessite du minerai de fer; or qui possède ce minerai ? La famille de Barral. Celle-ci fait déjà tourner des hauts fourneaux, en coopération avec une autre famille très influente : les Tencin. Nicolas Prunier meurt en 1692 et Marie du Faure en 1710 en ne laissant que 2 filles. La terre et la seigneurie doivent être revendues, l’acquéreur sera André François d’Herculais qui est, comme par hasard, voisin et ami des Barral !
Un haut fourneau consomme du minerai qui est un oxyde de fer mais il lui faut un réducteur pour en extraire le fer par chauffage à haute température. On utilise aujourd’hui du charbon (de terre), au XVIIe siècle, on prend du charbon de bois. Il faut donc trouver le propriétaire des forêts voisines de Saint Gervais. Ce seront la famille Sassenage (forêt des Coulmes) et les chanoines du chapitre cathédral de Grenoble (forêt des Ecouges) [23]. Cette dernière forêt appartenait initialement au chanoine Guigues et à son frère Raymond de Lans [24] qui en avaient fait don aux Chartreux à la fondation du monastère des Ecouges en 1116. Ceux-ci renoncèrent définitivement au site en 1422 et en 1442 le pape Eugène IV transféra leurs droits au chapitre qui à son tour albergea la forêt à Antoine du Faure, le père de Marie.
Voyons plus en détails chacune de ces familles [25].
Les Faure : Ils revendiquent une noblesse remontant à 1647[26]. Les premiers Faure sont signalés en Trièves en 1279 [27]. La famille sera scindée en 3 branches dont les Faure du Vercors[28]. Ces Faure habitent Die ou le Vercors historique : ils ont des biens à La Chapelle, Saint-Agnan et Saint-Martin. La branche qui nous intéresse est celle des Faure de la Rivière[29]. Ceux-ci descendent à Grenoble et gravissent l’échelle sociale de greffier à Président au Parlement du Dauphiné. Ils montent en même temps dans la hiérarchie nobiliaire par leurs alliances. François du Faure qui était procureur au Parlement en 1581 épouse Jeanne de Fléhard. Son fils François, Président au Parlement en 1594 acquiert la seigneurie et les terres de la Rivière[30]. Le fils de ce dernier François est Antoine du Faure également Président au Parlement[31]. Il acquiert, en 1638, de la famille Truffel, la seigneurie de Rovon[32], puis Antoine bénéficie en 1642 de la subrogation du contrat d’albergement accordé par le prieur du chapitre cathédral de Grenoble sur les forêts de Feyssoles et des Ecouges[33].
La fille d’Antoine est Marie du Faure; elle achète, le 16 septembre 1679 (!), les terres et seigneuries d’Armieu et Saint Gervais à Camille d’Hostun. Ce dernier est le père de Catherine Ferdinande de la Balme, épouse de Gabriel Alphonse de Sassenage, or la sœur de Gabriel est Christine Thérèse de Sassenage qui épousera un Prunier. Nous reverrons tout ceci par la suite. Et Marie du Faure épouse en 1657 Nicolas I de Prunier de Saint-André qui est aussi seigneur de Saint-André en Royans, conseiller d’Etat, Président à mortier au Parlement de Grenoble et sera ambassadeur à Venise. C’est elle qui, nous l’avons vu, est la première propriétaire de la fabrique, elle possède les terres sur lesquelles est construite l’usine et elle bénéficie de l’albergement de 2 forêts très importantes situées à proximité.
Les Prunier de Saint-André : une famille du Tiers-État, originaire de Touraine qui accédera à la noblesse de robe. Ils auront une ascension aussi fulgurante que les Tencin sans les scandales qui ont auréolé ces derniers. Jean II quitte la Touraine pour le Forez puis Lyon où il devient échevin en 1530. Sa fille Marie épouse en 1569 Pomponne de Bellièvre, Chancelier de France tandis que son frère Artus I, né en 1506 s’établit en Dauphiné dont il devient Trésorier général [34].
Artus épouse en 1537 Jeanne de la Colombière fille du Trésorier général et receveur en Dauphiné. Il fait fortune et acquiert de nombreuses seigneuries dont Saint-André en Royans et Virieu.
Il est gouverneur général de la ville et du château d’Orange. Ses enfants seront Présidents au Parlement de Grenoble et se partageront ses seigneuries. L’un d’eux, Artus II épouse en 1572 Honorade de Simiane une fille de la meilleure et plus ancienne noblesse de Provence. Artus II, attaché à Henri IV pendant les troubles de la ligue, sera 1° Président au Parlement de Provence en 1590 et 1° Président à celui du Dauphiné en 1603. Son fils Laurent II épouse sa cousine Marguerite de Bellièvre (la fille de Pomponne) et acquiert de nouvelles seigneuries dans le Beauchêne. Enfin, Laurent II a un fils Nicolas I que nous venons d’évoquer et qui, à son tour aura 2 filles. Celles-ci feront de très beaux mariages : Justine épousera un Sassenage et Marie-Claude, le marquis de Janson, baron de Villelaure, gouverneur d’Antibes, maréchal des armées du Roy. La famille n’est pas directement impliquée dans le consortium sauf par Marie du Faure et les relations dauphinoises des Prunier qui leur permettront de demander de bénéficier de maints avantages en nature et d’accéder aux faveurs du Roy.
Les Barral de Clermont : une lignée de notaires à Saint-Aupre (près de Voiron), puis capitaine-châtelains à Voiron [35], avocats, conseillers et enfin Présidents au Parlement de Grenoble. Gaspard de Barral acquiert le nom de Clermont en épousant Hélène de Chastes-Clermont en 1621[36]. Les Barral auront une ascension régulière à la fois dans les honneurs et dans la fortune. Gaspard en est un bon exemple puisque, en plus de son mariage, il noue des relations utiles en étant avocat d’Anne d’Autriche, du prince évêque de Grenoble François de Fléhard et de Marie Vignon qui deviendra la femme du duc de Lesdiguières. Son fils François [37] continue son œuvre, devenant à 19 ans, substitut général des trois ordres en Dauphiné puis conseiller au Parlement de Grenoble. En 1663, il épouse Louise de Guérin de Tencin (la famille la plus entreprenante et la plus dénuée de scrupules du Dauphiné comme nous le verrons ci-dessous). Il acquiert ensuite les titres de seigneur d’Allevard, la Ferrière, Pinsot, Saint-Pierre, le Bellier (près de Saint-Aupre), la Bâtie d’Arvillard ainsi que les terres minières, les forêts et les fourneaux travaillant sur ces minerais. Grâce à ses liens avec les Tencin dont ses mines alimentent le fourneau de Lancey, François bénéficie, en juillet 1695, d’un arrêt du Conseil du Roy exemptant de péage les mines à destination de Lancey et Saint Gervais. Son fils Joseph met ses pas dans ceux de ses ancêtres et achète en 1708, sur résignation de son oncle Tencin un office de Président au Parlement de Grenoble. Il convole à Paris en 1709 avec une demoiselle
Blondel dont le père est sous les ordres du marquis de Torcy, fils du frère du grand Colbert. Enfin, il augmente ses domaines et la capacité de son fourneau aux dépens des derniers tenanciers indépendants. François Jean Baptiste, son fils et héritier sera Président à mortier au Parlement de Grenoble et verra la terre d’Allevard érigée en comté. Il aura comme première épouse Jeanne Peyrenc de Saint Cyr, cousine germaine du Secrétaire d’Etat à la Marine et comme seconde épouse Charlotte de Chaumont de Quintry, d’une famille descendant du roi capétien Henri I et cousine des ducs de la Force et de Biron. Dans le consortium, les Barral ont donc un rôle essentiel : celui de fournisseur unique du minerai de fer utilisé dans la fabrique mais ils sont aussi apparentés à des familles titrées de rang national.
Les Guérin de Tencin : originaires des Hautes-Alpes d’où Pierre Guérin arrive modestement à Romans en 1520 où il s’établit comme colporteur [38], ils vont monter jusqu’au sommet de l’Etat. Au carrefour du XVIIe et du XVIIIe siècles, nous verrons monter l’étoile de Marie Angélique qui échappe de peu au voile des Mères Visitandines de Grenoble pour finir par épouser Augustin de Feriol, Receveur général du Dauphiné et de 18 ans son aîné. A la suite de quoi, elle monte à Paris où elle sera la maîtresse de Vauban, puis Torcy (secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères), Desmarets (Contrôleur général des Finances), le maréchal d’Huxelles.
Sa sœur Claudine Alexandrine n’est pas moins célèbre puisque maîtresse du Régent, puis du cardinal Dubois (Premier Ministre en 1722 et 1723) et mère de d’Alembert. L’un de leurs frères François devient Président au Parlement de Grenoble et sénateur à Chambéry, tout en étant seigneur de Tencin et Froges. Il gouverne également les martinets de Lancey et le fourneau de Brignoud. L’autre frère Pierre sera un homme politique et un financier plus ou moins honnête. Archevêque de Lyon et Embrun, il devient cardinal en 1739 puis Ministre d’Etat en 1742.
Les Tencin sont voisins par la géographie des Barral et ils vont nouer avec eux de nombreux liens matrimoniaux. La tante des 4 personnages célèbres ci-dessus Louise Guérin de Tencin épouse en 1663 François de Barral de Clermont tandis que son arrière-petite-fille Claudine Sophie épousera Joseph Marie de Barral en 1769.
Mais le père de Louise a épousé Justine du Faure en 1640 tandis que François Guérin, le sénateur épouse en 1696 Gabrielle Alloys de Theys de Tournet. Les Tencin ont donc un rôle charnière dans le consortium : ils assurent la cohésion du groupe par leurs alliances et ils assurent la vie de l’entreprise en utilisant leurs relations parisiennes pour pérenniser les commandes à la fabrique.
Les Allois d’Herculais: une famille originaire du Briançonnais où deux Allois sont notaires en 1383-1386. Ces Allois vont venir à Grenoble où Claude Alloys de Theys sera Trésorier de France en la Généralité du Dauphiné en 1687 puis Président à mortier au Parlement du Dauphiné en 1696. Il épouse Marie de Theys de Tournet d’Herculais qui lui confère les seigneuries de Theys et la maison forte d’Herculais, non loin d’Allevard. Leur fille Gabrielle a épousé François de Tencin comme nous venons de le voir. Leur fils André François va acheter les deux terroirs qui formeront la seigneurie d’Herculais : Quaix-Sarcenas d’une part, Rovon-Armieux (Saint Gervais)-la Rivière d’autre part. Le fils ainé d’André François sera Adrien Théodore d’Alloix, comte d’Herculais. Ces deux derniers personnages seront, à des époques diverses, ceux qui vont succéder à Marie du Faure comme propriétaires du terrain où se situe la fabrique [39]
Les Sassenage : l’autre famille de noblesse d’épée [40]. Une noblesse très ancienne et une famille qui aura plusieurs branches avant de s’éteindre définitivement au XXe siècle. Une Françoise de Sassenage épouse, en 1439, Antoine I de Clermont-Tonnerre. Cet Antoine est baron de Clermont en Viennois et vicomte de Clermont en Trièves, il appartient à la branche principale (il y en aura 7 autres) de la Maison la plus illustre du Dauphiné [41]. Nous avons vu que Justine Prunier a épousé en 1682 Joseph Louis de Sassenage. Un cousin de Justine : Nicolas II de Prunier de Saint-André épousera une demi-sœur de Joseph : Christine Thérèse, en 1701. Celle-ci est la vraie sœur de Gabriel Alphonse qui épouse Catherine d’Hostun de la Balme, marquise de Tallard et fille du duc d’Hostun, maréchal de France, ministre d’Etat. Les Sassenage sont seconds barons et commis nés des Etats. Ils sont barons de Sassenage, marquis de Pont-en-Royans, seigneurs d’Izeron et comtes de Montelier, grands propriétaires terriens dans le Nord Vercors. Ils possèdent la forêt des Coulmes. Leur protection et le bois de la forêt des Coulmes sont nécessaires au consortium.
2. Les entrepreneurs
La liste en est donnée dans le Tableau 1. Nous ne parlerons ici que de deux des représentants de capitalistes mobiliers impliqués dans la gestion de la fabrique.
• Pierre Bressieux, secrétaire de la Chambre des Comptes du Dauphiné de 1708 à 1728, officier des Finances et marchand enrichi par de fructueuses spéculations. Il existe un doute sur un lien éventuel entre lui et les 4 frères Pâris qui ont fait une prodigieuse fortune en Dauphiné comme fournisseurs de l’armée d’Italie. Quoi qu’il en soit, nous le retrouvons, lors de la signature du bail en 1709, comme caution financière de Jacques Mathieu, l’un des premiers entrepreneurs de la fabrique. Il sera également présent et au même titre dans des conventions signées avec le marchand grenoblois Pelissier.
• Joseph Devoise, qui présidera aux destinées de la fabrique entre 1748 et 1762 est un bon exemple de capitaliste dauphinois du XVIIIe siècle. Né à Moirans, fils naturel d’un avocat au Parlement de Grenoble, il commence sa carrière commerciale en 1726 comme marchand de fer, centralisant à Grenoble tous les objets en acier, fer et fonte fabriqués à Grenoble et Rives et les revendant. Habile et honnête, il élargit son champ d’activités au commerce de vins, grains et fourrages, fournitures militaires et, c’est après 22 ans de commerce fructueux qu’il devient directeur de Saint Gervais.
3. Les ouvriers
A la date du 14 juillet 1706, nous avons la liste des ouvriers travaillant pour la fabrique, sur les sites d’Allevard et de Saint Gervais [42]
AUTOUR D’ALLEVARD :
• 4 ouvriers des fourneaux
• 30 maitres charbonniers
• 26 vallets charbonniers
• 30 ouvriers du martinet
• 12 mulletiers pour la voiture des mines
• 58 ouvriers des mines
AUTOUR DE ST. GERVAIS :
• 10 ouvriers des fourneaux
• 7 ouvriers de la moulerie
• 3 ouvriers de la forerie
• 7 ouvriers serruriers et mareschaux
• 6 ouvriers menuisiers et charpentiers
• 6 ouvriers de la Cuve
• 3 ouvriers du broucard
• 3 ouvriers à couper les fausses têtes des canons
• 1 cordonnier
• 7 voituriers par terre
• 14 voituriers par eau
• 2 charroieurs de bois pour recuire les moules..
• 6 charroieurs de terre pour les moules et les fourneaux
• 25 mulletiers pour le charbon
• 12 maitres charbonniers
• 9 vallets charbonniers
Il est intéressant de noter, dès maintenant, le nombre important de personnes qui travaillent à des tâches non directement liées à la fabrication des canons. Sur les 117 ouvriers de Saint Gervais, 46 travaillent sur le site des charbonnières : nous en verrons la raison dans le prochain chapitre. Et 29 personnes sont occupées au transport : une activité très importante elle aussi. Ces ouvriers sont « ouvriers d’Etat » et, comme tels pratiquement réquisitionnés pour le service du Roy sans qu’il leur soit possible d’être requis ailleurs. En effet, la liste ci-dessus est annexée à l’ordonnance suivante : « Nicolas Prosper Bauynt,…Intendant de Justice, Police et Finances en Dauphiné et Savoye…fait défense a toutes personnes, Officiers et autres d’engager ou enrôler sous quelque prétexte que ce soit les Ouvriers employés à la Fabrique de canons établie à Saint Gervais…Amende de 50 livres plus les dépens dommages et intérêts pour les employeurs, prison pour les ouvriers. »
Dans les mines d’Allevard, le travail est pénible. Selon l’Intendant, la durée du travail est de 250 jours par an à raison de 12 à 15 heures par jour. Les conditions de travail ne sont pas meilleures [43]. Ils sont pieds nus, vêtus, dans la belle saison d’une chemise de toile très grossière avec un tablier de la même toile. Ils portent à dos le minerai dans de petites hottes. Leur alimentation est de la soupe faite avec de la pâte de farine de froment cuite au beurre et recouverte d’un peu de fromage. Le potage se nomme sur les lieux « la soupe aux creusets ». Ils en font usage, matin et soir, toute l’année.
Dans les bois des Ecouges, la vie des charbonniers n’est pas facile non plus. P. Hanus [44] nous précise qu’au XVIe siècle, ils sont des artisans bien considérés auxquels les notaires accordent le nom honorifique de « maître ». Mais ils vont s’appauvrissant à partir du XVIIe et plus encore aux XVIIIe et XIXe siècles, époque où le charbonnier est situé tout en bas de l’échelle sociale. « Avec des dots en moyenne aussi faibles que celles des journaliers… les charbonniers tiennent la queue du peloton… chez eux tout est terne, vieux, cassé ou absent. »
Hanus nous rapporte aussi dans son ouvrage quelques exemples de conflits, fraudes et larcins dans la vie des charbonniers de la forêt des Ecouges [45]. Un litige oppose le propriétaire de la fabrique André François d’Herculais à l’entrepreneur qui est, à ce moment (1728) un sieur Balthazard Faye. Le sujet en est les négligences commises par les employés de la fabrique dans ladite forêt. Trois grands thèmes dans les dépositions :
• le gaspillage des bois et du charbon dans la forêt et sur les chemins
• la destruction des sentiers par les convois
• la présence d’animaux, tels que mules et bœufs, en semi-liberté dans la forêt et y causant des dégâts.
L’entrepreneur a d’autres sujets de plaintes. En 1725, l’un des commis de la fabrique et son épouse sont accusés d’avoir dérobé du charbon et de s’être livrés à un trafic de marchandises avec des négociants grenoblois. En fait, comme des quantités considérables de charbon étaient entreposées dans la fabrique, il était de pratique courante d’y faire des prélèvements pour améliorer un peu le salaire.
Un peu de technique : un canon au XVIIe siècle
P.M.J. Conturie [46] a étudié l’histoire des principales fonderies de canons, dès le XVIIe siècle. Il nous en dit plus sur la constitution des canons et leur mode de fabrication et l’essentiel de ce chapitre lui est dû.
Nous avons avancé que les canons de marine sont des objets nettement plus importants que les canons de l’infanterie (ceci étant dû au fait que l’on désire limiter le recul de pièces fixées sur un vaisseau).
Les calibres et les dimensions correspondantes des canons fixés par l’ordonnance de 1732 sont donnés par les 5 premières lignes du tableau 3. Après 1876, on cherchera à alléger les poids des canons (les dernières lignes du tableau).
Les canons se chargent par la bouche et ne sont pas rayés. Les projectiles sont sphériques, pleins et sont lancés par des charges de poudre ordinaire du quart ou du tiers du poids du boulet. On a aussi utilisé des boulets ramés afin de dégréer les bâtiments Ce sont des projectiles avec deux têtes lenticulaires réunies par une tige en fer forgé rivée à chaque bout. Il existe aussi des boulets à mitraille et des bombes anti-personnel : boulets creux remplis de poudre avec un trou pour une mèche qui s’enflamme au départ du coup.
L’âme du canon est cylindrique avec des tourillons d’axe situé plus bas que l’axe du canon. On met le feu à la charge en utilisant une lumière : petit trou cylindrique de 5,6 mm de diamètre débouchant dans la chambre et que l’on remplit de poudre. On a d’abord mis le feu grâce à une mèche tenue constamment allumée. Au début du XIXe siècle, on utilisera une « platine », système mécanique avec un silex : on n’aura plus qu’un raté sur 15 coups tirés. Plus tard encore, ce sera un percuteur avec une étoupille de fulminate placée dans la lumière : on n’aura plus qu’un raté sur 20 !
Il existe un certain jeu entre le diamètre du boulet et celui de l’âme du canon. C’est le « vent », nécessaire pour permettre l’introduction du boulet quel que soit l’état de surface de celui-ci. Mais le vent laisse échapper les gaz de la poudre. On pallie cet inconvénient en utilisant un « valet » : un bouchon de crin, étoupe ou fil de caret, de diamètre égal à celui de l’âme et de hauteur un peu supérieure à son diamètre. Le valet est chargé entre le boulet et la poudre.
Comment sont fabriqués les canons ? La technique de fabrication est conditionnée par les connaissances et les possibilités de l’industrie sidérurgique.
Au milieu du XVIIIe siècle, on obtient la fonte de fer par fusion du minerai dans un haut fourneau alimenté par du charbon de bois.
On savait alors que la fonte est un composé de fer, de carbone et d’autres corps dont les propriétés et les modes de combinaison ne sont pas constants. Le choix, la classification et le mélange des mines et des gueuses restèrent empiriques jusqu’au moment où la fonte cessa d’être utilisée pour les canons, ce qui est reconnu jusqu’en 1874.
Le minerai ou mine est réduit dans le haut-fourneau par un fondant, le combustible est du charbon de bois, le coke n’a été utilisé qu’en 1868. Le charbon de bois vient du chêne, du frêne, du charme, du hêtre tandis que, pour l’affinage, on utilise du bois léger : sapin, pin, aulne, bouleau, tilleul. Les fourneaux à réverbère sont presque toujours chauffés au charbon de terre.
Les fours à réverbère, introduits en France vers 1775, avaient primitivement pour rôle de refondre la fonte en gueuses et d’associer les produits aux contenus des creusets des hauts fourneaux quand ceux-ci ne contenaient pas assez de matière pour fournir des pièces de gros calibre. On s’aperçut vite que les mélanges ainsi refondus faisaient acquérir plus de ténacité au métal. A la fin du XIXe, le fondage des canons en première fusion est à peu près abandonné. Les fours à réverbère sont chauffés par un combustible produisant de la flamme, l’activité du feu étant entretenue, non par des souffleries (cas du haut fourneau) mais par le tirage d’une cheminée.
Le soufflage de l’air dans les hauts fourneaux est effectué par des « trompes », sortes de soufflets actionnés par l’eau de la Drevenne. Ce torrent est capté à 2500 mètres en amont de l’usine et conduit par un canal à un bassin régulateur [47]. Au cas où le torrent serait en basses eaux (étés secs) ou lorsque un hiver rigoureux fait geler l’eau du canal, la fabrique a un droit d’accès à une fontaine d’eau chaude (la fontaine de Jouvence de Saint Gervais).
Le métal des canons s’obtient en haut fourneau pour la première fusion, en four à réverbère pour la deuxième fusion. Les premiers fours ont des hauteurs de 4 à 6 mètres. On les charge par le haut. Ils ont deux ouvertures en bas : une pour souffler l’air qui entretient la combustion, l’autre pour faciliter le travail de fourneau. On place dans le fourneau des couches alternées de mine, charbon de bois et fondant et on coule au fond du creuset. Le métal fondu se rassemble au fond du fourneau, dans le creuset. Lorsque la première charge est consommée, on la renouvelle ; après un nombre déterminé de charges, on fait couler le métal fondu par un orifice percé au fond du creuset, soit dans un moule, soit dans des rigoles pratiquées dans un lit de sable où le métal forme du « fer coulé » ou « fonte de gueuse ».
Les rendements en fonte sont faibles mais s’améliorent avec le progrès technique dans la construction des fourneaux. En 1435, il faut 4.400 kilos de minerai pour produire 1.100 kilos de fonte. En 1596, il faut 2.700 kilos de minerai (et 6.300 kilos de charbon !) pour produire 1.100 kilos de fonte. En 1840, la quantité de charbon nécessaire est descendue à 1.430 kilos [48] En 1724, les commissaires enquêteurs Boissier et Jobert précisent que « ces fourneaux ne coulent guère que 4 mois de l’année par la grande consommation de charbon qu’ils font, en ayant jusqu’à 100 charges par jour »[49]. En 1730, Fontanieu [50] note que la production annuelle de Saint-Gervais est de 9.900 quintaux de fonte (à 55 kg par quintal) soit 550 tonnes, la fabrique doit donc disposer de 1.350 t. de minerai et autant de charbon. Comme il faut 2.500 hectares de forêts pour produire 700 à 900 tonnes de charbon [51], l’on voit qu’à cette même date, il faut disposer d’environ 4.000 hectares de forêts à exploiter chaque année. Ce sera le perpétuel problème de Saint Gervais. En 1805, le capitaine Thuez [52], déplorant l’aliénation de la forêt des Ecouges écrit : « la moitié de la forêt d’Ecouges, dans laquelle on n’a point fait de coupe régulière…peut fournir pendant 5 à 6 années environ 10.000 charges de charbon par an. Au terme de ce temps, l’autre moitié aurait presque atteint l’âge requis pour être mise en coupe et pourrait, à son tour , subvenir aux besoins de l’établissement pendant les cinq années subséquentes…à raison de 8 mois d’activité annuelle ».
La production d’un canon nécessite l’établissement d’un moule, la préparation, la fusion et la coulée de la matière, le forage de la pièce et de sa lumière. On a utilisé simultanément le moulage en terre et en sable jusqu’à la Révolution où ce dernier sera utilisé presque exclusivement.
• Le moulage en terre : un modèle est fait à partir d’un axe en bois léger (le trousseau) par un mélange d’argile molle et crottin de cheval (!) posé sur une natte de paille entourant le trousseau. A l’extérieur du modèle, on applique une couche de cendres lessivées puis le moule est fait de couches de terre atteignant une épaisseur de 18 cm. On arme par des anneaux et bandages de fer entrecroisés. On enlève ensuite le modèle, enduit l’intérieur du moule d’une couche d’argile délayée et d’une couche de charbon de bois très fin délayé. Le moule est alors descendu et placé verticalement dans une fosse.
• Le moulage en sable : on fait le modèle en fonte de fer ou en cuivre, divisible en tronçons qu’on enlève et réemploie (4 à 7 selon le calibre). On a un moule extérieur en fer coulé appelé châssis, pour chaque tronçon. Le moule de sable est fait en insérant et pressant du sable entre modèle et châssis. On assemble ensuite et lie les différents tronçons du moule dans la fosse.
Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, les canons sont coulés à noyau central. Ils sont coulés dans des moules qui possèdent un noyau central de diamètre légèrement inférieur au diamètre nominal de la pièce. On obtient ainsi un tube qu’on alèse extérieurement et intérieurement grâce à un outil tournant pour obtenir les dimensions désirées. Nous verrons ci-dessous les graves inconvénients qui en résultaient en termes d’éclatement des tubes.
Dans le premier tiers du XVIIIe siècle, un ingénieur suisse, Jean Maritz, imagine de couler les canons pleins et d’en forer l’âme sur un banc de forage horizontal où c’est le canon et non le forêt qui tourne3 Cette invention réduira considérablement le nombre de pièces rebutées.
Ici encore, c’est l’eau de la Drevenne qui est utilisée pour le forage.
La production numérique annuelle des canons de fer fut toujours très élevée parce que chaque vaisseau porte beaucoup de canons et que ceux-ci ont une durée de vie assez courte. En effet cette durée de vie est abrégée pour plusieurs causes. D’une part, il se forme, dans l’âme, soit par oxydation, soit par les battements des projectiles, des chambres et des sillons qui rendent la pièce impropre au service. D’autre part, la lumière s’élargit, les tourillons cassent, des pièces crèvent ou sont avariées pendant le combat
D’autre part, avant d’être admis au service, les canons sont éprouvés. Les épreuves ‘extraordinaires’ que subissent les pièces fabriquées avec de la fonte neuve en saumons de première fusion sont les plus intéressantes.
La fonderie de Saint Gervais possède, au bord de l’Isère, un vaste champ d’épreuve dont la butte est formée par l’élévation de la rive droite de cette rivière. Un magasin contient des affûts, des boulets et des munitions tirées de la poudrière de l’établissement. Les curieux et les expérimentateurs sont garantis par une casemate gazonnée et voûtée dont une meurtrière laisse passer un cordon destiné à faire mouvoir, à la distance de 150 m le percuteur de la pièce à éprouver, placée sur un affût traîneau au bord de l’Isère.
Cette pièce (canon de 8 long) subit une série de charges (dont 10 grands coups comportant chacun 13 boulets, 2 valets et 7,8 kg. de poudre).
L’énormité de ces charges est d’autant plus surprenante qu’alors la pièce est chargée jusqu’à la gueule.
Le règlement n’exige qu’un coup de cette force pour qu’une livraison de 80.000 kg soit reconnue comme bonne et reçue et il arrive souvent, à Saint Gervais, que les pièces sortent victorieuses du total de 65 coups, après avoir consommé, avec des charges croissantes, 82,7 kg de poudre, 130 valets et 250 boulets. De semblables réussites sont des jours de bonheur pour les ouvriers qui reconduisent en triomphe à la fonderie les pièces couvertes de fleurs et de feuillages…C’est un curieux spectacle que celui des grands coups dont les boulets, s’écartant, ricochant et fracassant dans l’air, envoient par-dessus la butte, des morceaux du canon éprouvé du poids environ de 200 kg tandis que l’affût, pulvérisé, disparaît du sol [53]
L’on pourrait croire que l’éclatement d’une pièce est un cas rare. Le colonel Oherne a fait la synthèse des états de fourniture de canons pour les années 1750 à 1756 d’après les Archives de l’Isère. Quelques chiffres sont donnés en Tableau 4 (p. 94).
La vie de la fabrique
Nous allons la suivre en deux étapes. En effet, après la Révolution, l’Administration en est différente de ce qu’elle était auparavant. En 1869, la fabrique ferme définitivement et nous donnerons un aperçu de ce que sont devenus les lieux après cette date. Pour chacune des deux étapes, l’entreprise a passé par des phases similaires. Période de construction des ateliers puis de travail efficace, suivie d’une période où les rendements diminuent par suite du conservatisme des techniciens et administratifs. En fait, les entrepreneurs, peu rémunérés lors de la vente des canons, s’intéressaient nettement plus à la fabrication et à la vente de matériel de quincaillerie qui leur était autorisée -dans certaines limites. La stagnation de Saint Gervais a été due également au manque d’entretien des locaux et des machines, incurie engendrée par le fait de la double direction de la fabrique : propriétaire et entrepreneur, puis officier inspecteur et entrepreneur.
1. Sous l’Ancien Régime
Les propriétaires de la fabrique vont changer. La marquise de Virieu meurt le 17 février 1710. Lors de son mariage, elle avait apporté à son mari 180.000 livres de dot faisant de Nicolas de Prunier l’homme le plus riche de sa province avec une fortune d’un demi million de livres. Malheureusement, à sa mort, le montant de ses dettes atteint celui de sa fortune. Sa fille Justine refuse l’héritage, sa fille Marie-Claude l’accepte mais meurt rapidement si bien que le mari de cette dernière, marquis de Janson, tuteur de ses enfants, ne tient pas à continuer l’exploitation de la fabrique et vend à André François d’Herculais les terres et seigneuries de la Rivière, Armieu, Rovon plus la fabrique par contrat du 6 juin 1717. A son tour, le seigneur d’Herculais va revendre la fabrique et cette fois, au Roi, par Actes du 4 avril 1731 et des 12-13 septembre 1731. Le roi, à son tour, va céder la fabrique à l’héritier des Herculais, le comte Adrien Théodore d’Herculais, le 26 aout 1783[54]. Ceci car, à cette date, l’usine ne produit plus de canons depuis 25 ans.
La fabrique commence à travailler sur commande du Secrétaire d’Etat à la Marine. Un contrat type est celui que nous trouvons aux Archives de l’Isère [55] à la date du 1/10/1708.
« Jacques Gaillard et Pierre Bressieu (écuyer conseiller secrétaire du Roy en sa chambre des comptes du Dauphiné) ainsi que Jacques Mathieu, bourgeois du lieu de Laval, s’engagent à faire travailler pendant 9 ans, à compter du 1/01/1709, dans la fabrique royale de Saint Gervais et à fournir chaque année la quantité de 3000 quintaux pdm [56] (soit 147,7 tonnes) de canons de fer, des grandeurs et calibres qui leur seront ordonnés et de les faire transporter à Toulon.
Livrés dans ce port, les canons leur seront payés 14 livres 15 sols par quintal et pas plus de la moitié en billets de monnaye. Une avance de 20.000 livres sera consentie aux entrepreneurs par la Marine »
Les conditions habituelles de livraison sont les suivantes : « pendant le transport sur mer des canons pour livrer les canons à Toulon, s’il y a perte par naufrage ou du fait d’une attaque des ennemis, les Entrepreneurs seront déchargés de toute responsabilité.
Il sera accordé aux Entrepreneurs des passeports pour 1200 quintaux de « bled » pdm et 200 pièces de vin pour la nourriture des ouvriers avec exemption des droits de péage.
Il sera pourvu au rétablissement des chemins dans le lieu d’Allevard et près de Saint Gervais.
Les Entrepreneurs seront maintenus dans les lieux appartenant à Mme de Virieu, moyennant un loyer annuel de 4.000 livres. Il y a un bail entre Mme de Virieu et M. de Sassenage pour les bois qu’il lui a vendus pour la fabrique : aux Entrepreneurs de reprendre ce bail s’ils le jugent utile. Si le Roy rompt le marché, les Entrepreneurs seront dégagés de tout engagement envers Mme de Virieu. »
Ce marché ayant été accepté dans des termes très similaires le 18 décembre 1708, M. de Pontchartrain, le Secrétaire d’Etat, précise par lettre du 23 avril 1709 à l’Intendant du Dauphiné, Bauyn d’Angervillers le nombre et le calibre des canons à livrer par la fabrique l’année suivante : 20 canons de 12 et 20 canons de 4.
La production est, à cette époque, de très bonne qualité puisque l’Intendant Fontanieu note :
« La qualité du fer du Dauphiné est excellente et égale pour le moins à celle des meilleures forges du royaume et l’on en attribue la cause, non seulement à la nature des mines, mais encore à la qualité du charbon de sapin dont on se sert pour la cuisson et qui communique à la matière une condition qui la rend extrêmement douce et liante ».
Nous avons vu que les canons partent par voie d’eau : Isère, Rhône puis Méditerranée, sur Toulon. Le trajet se fait en 20 à 30 jours. On connaît de manière assez précise les dimensions des barges utilisées pour ce transport : de 15 à 25 mètres [57]. Leur maniement était loin d’être évident et plus d’une a chaviré en rivière, cas où c’est l’entrepreneur qui en supporte la perte. Le minerai de fer vient, lui, d’Allevard. Des documents cités par T. Sclafert attestent que, dès 1333, il existait un important trafic du minerai sur l’Isère et même sur le Rhône [58]. Au XVIIIe siècle, le minerai voyage par terre entre les mines et Goncelin, puis il est embarqué sur l’Isère à Goncelin dans des barges de dimensions plus réduites et il est débarqué directement à Saint Gervais où la fabrique se trouve au bord de l’Isère. Le régime alpin de l’Isère, restreint la navigation aux mois de mars à mai et juillet à novembre.
Les contrats de soumission des entrepreneurs sont tous semblables à celui que nous venons de voir. Le tableau 1 montre que les entrepreneurs, eux, changent et même assez souvent jusqu’en 1750, soit parce que l’entrepreneur se plaint du prix payé par le Roy, soit parce que celui-ci s’aperçoit que l’entrepreneur le trompe. Les Archives de l’Isère nous montrent que le 31 mars 1724 le Roy annule les marchés passés en 1719 et en 1721 avec les sieurs Fay, Bressieu et Pelissier pour la fourniture de canons. En effet, ces entrepreneurs n’ont pas exécuté les livraisons prévues sous prétexte de l’augmentation du prix sur les fers à couler et à forger. Mais Bressieu et Pelissier ont vendu à des marchands la plus grande partie du fer coulé et forgé de la fabrique – et de plus, ils sont en procès entre eux !
Les bâtiments de la fabrique vieillissent et le matériel se détériore avec le temps. Le 3 mars 1728, M. d’Herculais et Balthazard Fay comparaissent devant le subdélégué de l’Intendant du Dauphiné. « Fay et ses cautions se servent des bois et de l’acier et négligent d’entretenir la fabrique : presque tous les bâtiments, artifices et outils qui en dépendent sont ruinés. Quantité de bois et charbon pourrissent sur les montagnes, les taillis y ont péri par les mules et autres bestiaux, causant des dégâts considérables pour M. d’Herculais. Ce dernier a appris que Sa Majesté veut faire reprendre la fabrication des canons, ce qui ne se peut sans remettre la fabrique en état. M. d’Herculais s’est pourvu auprès de l’Intendant de la province pour qu’on procède à la vérification de l’état de la fabrique et à une enquête sur le dépérissement du charbon de bois tant des halles et des etaux que de ceux employés aux chemins et des taillis où les mules et autres bêtes de voiture ont brouté ». Suit une expertise par experts indépendants qui remettent leur rapport le 16 octobre 1729. Une adjudication est faite le 11 janvier 1730 pour les réparations dont une partie sera à la charge du propriétaire M. d’Herculais et une partie à la charge de l’entrepreneur B. Fay. Onze soumissions sont recensées, choix est fait de celle du sieur Bressieux (qui était caution de Fay dans les contrats de 1719 et 1721 !). [59]
Le 15 février 1748, le sieur Joseph Devoise , bourgeois de Grenoble, passe un marché de longue durée : 12 ans, pour la fourniture de canons et de fers divers à Toulon. Ce fut le dernier marché passé sous l’Ancien Régime. La qualité des canons baisse (Tableau 4) car les entrepreneurs rechignent à accepter la technique de Maritz. Il existe, à ce sujet, un mémoire manuscrit aux Archives de l’Isère, mémoire sans date ni signature, mais intitulé « Observations à faire sur la différence qu’il y a à jetter [60] les canons pleins ou à les jetter comme cy-devant à noyau ». Ce document affirme « 1900 douzaines de mines ont produit 6000 quintaux de canons comme on les jettait cy-devant. 2900 douzaines de mines n’ont produit que 5500 quintaux de canons. Par conséquent il y a un dixième sur le produit de moins et un tiers de plus sur les mines. Il faut encore un tiers d’ouvriers de plus, soit à la moulerie, soit au fourneau. Il faut encore observer qu’on faisait autrefois des canons de 26 aussi facilement qu’on fait ceux de 18. Il fallait moins de matière, par conséquent, les fourneaux étaient moins sujets au manque qu’aujourd’huy par la grande quantité de matière… »
La fabrication des canons cesse à Saint Gervais dès 1758. L’usine est mise en chômage l’année suivante, sous la garde de Vincent Pochin, associé de Devoise. La fabrication de canons est reportée à l’usine de Ruelle, près d’Angoulême où le prix du canon est moindre et la qualité meilleure, même si le transport vers la Méditerranée est plus difficile. Neuf ans plus tard, le nouveau Secrétaire d’Etat à la Marine, le duc de Praslin tente de faire reprendre la fabrication à Saint Gervais mais les propositions de soumission des entrepreneurs lui paraissent trop élevées et il renonce.
En 1773, l’usine est affermée aux frères Masson qui l’exploitent à leur profit. De 1783 à 1788, le comte d’Herculais la fait travailler pour le compte du commerce privé puis elle sera délaissée « après avoir fini de brûler le peu de bois qui restait aux environs »[61].
2. Après 1789
Dès 1777, la guerre d’Indépendance américaine a replacé au premier plan des préoccupations du gouvernement le besoin d’armer des navires. Comme Saint Gervais ne fonctionne plus, on envisage sérieusement d’installer à Allevard une nouvelle fonderie de canons pour la Marine. Jean François Baptiste de Barral n’ayant jamais consenti à ce marché, il faut attendre sa mort en 1785 pour obtenir le consentement de son fils Paulin lui-même criblé de dettes [62]. Sur rapport de M. de Lagrée, officier supérieur d’artillerie et après accord du Ministre de la Marine, un contrat est signé, le 20 août 1786, avec Paulin de Barral. Ce contrat prévoit la vente au Roy des terres, mines et forges de M. de Barral pour le prix de 2.500.000 livres. Ce contrat n’est toujours pas honoré le 1 décembre 1790, moment où l’Assemblée vote une loi soumettant au pouvoir législatif tous les contrats de l’Ancien Régime non encore exécutés. Un décret du 12 juillet 1793 entérine enfin le traité de 1786 mais M. de Barral n’est plus décidé à vendre. En effet, le paiement serait effectué en partie en assignats et la confiance en cette monnaie a disparu ; de plus, on s’attend à une prochaine hausse du prix de la fonte.
Comme les besoins des armées de la République sont immenses, le Comité de Salut Public (CSP) envoie par arrêté du 10 pluviose an II (29 janvier 1794) un citoyen Lamotte pour enquêter « dans les départements de l’Isère et du Mont-Blanc sur les ressources que présentent ces départements, tant en établissements de forge qu’en mines, bois, cours d’eau et emplacements ».[63] Par le même arrêté, il est rappelé au citoyen Lamotte que « les principes du Comité sont de ne point établir de Régies Nationales; il cherchera donc à encourager de bons sans-culottes à prendre les différents établissements à entreprise et à passer des marchés avec le ministre… » Les régimes changent, les principes restent !
Peu après, le 26 avril 1794, M. d’Herculais ayant émigré, ses biens sont déclarés biens nationaux et le 2 prairial suivant (21 mai 1794), le président du Directoire du département de l’Isère communique au citoyen Dausse, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées un extrait d’un arrêté du CSP du 5 mai portant que la fonderie de Saint Gervais sera remise en activité et donnée à entreprise. L’arrêté précise que les fourneaux et bâtiments de l’établissement seront réparés, que les mines à utiliser seront celles d’Allevard, Theys et lieux voisins. Et que les charbons seront ceux provenant des bois appartenant aux émigrés d’Herculais,…tandis qu’en cas de besoin, on pourra charbonner jusqu’aux forêts appartenant à la ci-devant Chartreuse de Bouvante.
Dausse va travailler avec une extrême lenteur et dix ans vont encore s’écouler avant l’achèvement du premier canon. [64] Masson reste chargé des achats et approvisionnements nécessaires à la marche de la fabrique, un certain David est chargé des travaux de la fonderie et de la forerie. La Marine, impatiente de voir se terminer les travaux verse au Payeur général de l’Isère la somme de 400.000 livres pour acquitter les frais de construction et approvisionner la fabrique (9 novembre 1795). Les travaux n’en sont pas accélérés pour autant puisque, le 10 mars 1796, nous n’en sommes qu’aux « fondations du nouveau bâtiment ».
Le 14 octobre 1798, le Ministre de la Marine informe l’administration centrale du département « qu’il a traité avec le citoyen Loiseleur, habitant de Paris, pour l’exploitation de la fonderie pendant 9 ans… à la charge pour lui d’achever les constructions et d’y faire ensuite, chaque année, un fondage de canons pour la marine ». A cette date, le colonel d’Herculais, fils de « l’émigré » propriétaire de l’usine, a réclamé au Ministre la restitution d’une partie des biens qui lui ont été confisqués. Après une enquête mal conduite, le Ministre a accepté de lui rendre la forêt des Ecouges. Un geste qui va handicaper toute l’existence future de la fonderie [65].
Loiseleur se met aussitôt à la tâche mais Conturie nous dit qu’il est accueilli sans sympathie par la population locale [66]. Une lettre du 31 août 1799 du Ministre de la Marine à ceux de la Guerre et de la Police précise : « il vient de se passer à la fonderie de Saint Gervais des faits qui donnent lieu à ce que cet établissement soit mis sous la protection immédiate des forces militaires… Il paraît que la construction de la fonderie n’est pas bien vue par tous les habitants et que quelques-uns, comptant sur l’impunité, se sont d’abord répandus en propos scandaleux et ensuite se sont portés à des excès envers les ouvriers et ont menacé, non seulement d’attenter aux jours des chefs de l’établissement, mais encore de livrer à la destruction et au pillage les bâtiments et les ateliers qui en dépendent. L’agent municipal, loin de réprimer ces excès, a semblé les autoriser et la force armée, malgré la réquisition du commissaire du canton, est restée inactive. » Fin 1799, ces troubles s’atténuent mais les travaux vont rester très lents jusqu’en l’an XI (1801-1802). Fin 1802, la nomination d’un officier inspecteur dynamique et qualifié : le capitaine Thuez suivie par le départ de l’ingénieur Dausse vont relancer les travaux.
Ce n’est qu’en germinal an XIII (mars-avril 1805) que les haut fourneaux sont enfin allumés. Thuez fait une première expérience de remplacement du charbon de bois par du coke de Rive-de-Giers. En 1806, la fonderie n’a coulé que 8 pièces, toutes au coke et on les teste. Les résultats sont décevants et on va devoir renoncer à l’emploi du coke dans les hauts fourneaux. Il faut revenir au bois et les actuels propriétaires de la forêt des Ecouges -revendue par d’Herculais- font des conditions inacceptables à la fabrique. On se tourne vers les bois de Chartreuse mais la Marine, incertaine du résultat ne renouvelle pas le contrat avec Loiseleur.
L’entreprise est alors concédée par la Marine à un Sieur Capon, le 10 août 1807. Capon est mis en possession de tous les bâtiments, terrains et usines et se charge des réparations à faire pour la remise en marche des fourneaux. Il reçoit des commandes importantes de la marine : 48 caronades de 14, 12 canons de 36, 51 de 24, 66 de 18, 4 de 10 et 10 de 8 longs au début de 1808.
Dès les premiers mois de 1810 sont produits des canons de 24. A la fin de cette année, il ne reste plus à couler que 14 canons de 36, 27 de 24 et 18 caronades de 24. Les canons sont élaborés aux fours à réverbère, les caronades aux hauts fourneaux. Le 7/02/1811, le ministre accepte le transfert du marché du 27/07/1807 au Sieur Magnin, négociant à Paris et beau-frère de Capon. Celui-ci reçoit alors d’importantes commandes.
Arguant des droits qui lui avaient été rendus par la loi du 5/12/1814, le comte d’Herculais, qui avait acheté la fonderie au Roi avant la Révolution et en avait été dépossédé le 26/04/1794, en réclama la restitution après la 2° Restauration. Ainsi que le ministre de la marine le lui fit remarquer en mars 1816, il n’existait, au moment de son éviction, qu’un seul haut fourneau, une forerie et le martinet. La forerie était alors en très mauvais état et n’avait ni roue ni chariot treuil, les halles étaient totalement dégradées, la maison d’habitation, le toit du martinet tombaient en ruines.
L’accord se fit le 27/09/1816, date où le ministre acquit définitivement tous les droits du comte d’Herculais, moyennant 60.000 F. Après le départ de Magnin, la fonderie fut laissée à la garde de Desperrois, assisté de Rey, contrôleur.
La fonderie resta dans l’inaction jusqu’en mai 1819
A la reprise des fabrications en 1819, la fonderie, fonctionnant en régie, reste sous la direction du capitaine puis chef d’escadron Desperrois jusqu’en 1833. Les programmes de fonderie restent modestes, les bâtiments et installations ne font l’objet que de réparations. A cette date, l’inspecteur est le baron Brèche et il demande un nouveau four à réverbère, une nouvelle étuve, des réparations aux fosses à couler et l’aménagement d’un nouveau bâtiment bien éclairé et solidement construit au lieu des deux méchants ateliers anciens, pour y faire les opérations de forage, alésage et perçage. Les réparations sont faites lentement.
Mais, fin 1840, le département de la marine promet un très large concours à celui de la Guerre pour l’armement en canons de fer des fortifications et des côtes. Le directeur de Saint Gervais demande alors l’autorisation d’agrandir et moderniser l’établissement. Propositions bien accueillies, aussi des travaux sont-ils entrepris dès 1842.
En 1848, les crédits pour le fonctionnement de Saint Gervais se montent à 497.000 F et la production à 350.000 kg. La crise financière consécutive à la révolution de 1848 va diminuer ces chiffres. En 1851, les crédits sont de 26.000 F pour les salaires et 60.000 F pour les approvisionnements.
Fin décembre 1852, la fonderie a, en commande, 40 obusiers de 22 cm et 25 canons de 30 n°1.
Mais les épreuves prescrites par l’inspecteur général en 1853 donnent de mauvais résultats et toutes les pièces de 30 coulées depuis 1852 sont déclarées inaptes au service. On en reprend cependant la fabrication en 1854 : 70 pièces de 30 sont coulées et terminées, cette année-là. On va même refaire, en 1857, des essais de coulage à noyau !
Pourtant, en 1862, elle reçoit commande pour 250 canons de 30 rayés, cerclés et se chargeant par la culasse [67] comme les canons modernes, travaux qui seront effectués l’année suivante. En 1864, la fonderie coule encore 100 canons de 30 se chargeant par la culasse et 100 se chargeant par la bouche. Ce sera la dernière coulée faite à l’usine de Saint Gervais.
En effet, le 30 décembre 1865, le ministre de la marine écrit au directeur de Saint Gervais [68] :
« Jusqu’à nouvel ordre, l’établissement cessera de fabriquer des bouches à feu en fonte.
Les qualités des produits de Saint Gervais, à peine suffisantes pour l’artillerie des modèles antérieurs, seraient tout à fait impuissantes contre les efforts énormes qu’auront à supporter les bouches à feu rayées des calibres élevés que nous nous préparons à mettre en service.
Les fontes de l’établissement ont perdu tout ce qu’elles semblaient avoir définitivement gagné pendant les années 1858 et 1859.
Les fours et les outillages ne sont plus en rapport avec les poids et les dimensions de cette artillerie et il faudrait, pour la mettre en état de les fabriquer, donner à nos ateliers des développements très coûteux.
Enfin, les fontes dont vous vous servez, nonobstant leur plus faible ténacité, coûtent beaucoup plus cher que celles de l’usine de Ruelle [69] et s’obtiennent plus péniblement.
L’acier remplacera presque complètement la fonte de fer dans l’armement des flottes. Si la fonte est encore utilisée, ce sera pour les très gros canons sur les batteries de rade
Le nombre total des bouches à feu sera beaucoup diminué.
Dans cette situation, pour les besoins de fabrication en fonte de fer, la seule fonderie de Ruelle est pourvue en qualité et puissance d’avantages bien supérieurs à Saint Gervais, en même temps qu’elle offre des ressources toute prêtes et très économiques.
Pour les canons d’acier qui atteindront les plus grandes dimensions, c’est la fonderie de Nevers que j’ai choisie pour cet usage.
Mon intention n’est pas de fermer Saint Gervais… »
Saint Gervais va donc continuer à travailler avec un personnel réduit et sous la direction de l’usine de Nevers, pour des travaux annexes, tant que Nevers n’aura pas terminé ses installations importantes.
Saint Gervais reste ainsi une annexe de Nevers jusqu’en 1869. On y trouve encore : 2 officiers, du personnel administratif, 63 contremaîtres et ouvriers. La fonderie sert au perfectionnement des canons en fonte de Ruelle, à la production des boulets et pièces d’affûts.
En septembre 1869, décision est prise de fermer Saint Gervais.
L’époque contemporaine
Le 4/12/1875, la parcelle de terre située à Rovon : le martinet, est vendue à un propriétaire local ; celle située sur la commune de l’Albenc (la butte du champ d’épreuves) est cédée à un architecte de Saint Etienne.
Le 15/4/1878, les bâtiments et terrains sur Saint Gervais sont cédés à un Sieur Blache, domicilié à Lyon.
En 1906, une fabrique de pompes, pour laquelle la fonderie était intéressante, s’y installe et l’utilise jusqu’en 1912. A cette date, la société est liquidée et la propriété vendue aux enchères.
Après quelques années d’abandon, c’est la société de cartonnerie Nicolet qui la rachète en 1919 et utilise l’eau de la Drevenne.
Cette société commence le nettoyage des lieux et la suppression de toutes les additions malheureuses faites en 70 ans. En 1960, M. Nicolet père cède la direction des cartonneries à son fils. Suite à des difficultés financières, la société passe sous contrôle étranger en 1970. Elle poursuit cependant ses fabrications avec un nouveau directeur : M. Merle d’Aubigné, de 1970 à 1981. Elle s’arrêtera définitivement en 1984. [70]
En 1985, la société Depagne (ancienne Manufacture Dauphinoise d’Appareillage Electrique) s’installe dans les bâtiments chargés d’histoire et y commence la réalisation d’ensembles électriques spéciaux sous enveloppes synthétiques. Les propriétaires actuels, MM. Mussi, père et fils, continuent d’entretenir le site
Remerciements
Nous tenons d’abord à remercier MM. Mussi père et fils pour les facilités qu’ils nous ont accordées d’accéder à la fabrique et d’y faire des photographies. Ils nous ont également communiqué les premiers documents sur lesquels a été basé ce travail.
- Merle d’Aubigné nous a aimablement communiqué un exemplaire de son travail ainsi que de nombreux renseignements sur l’histoire récente de la fabrique.
- Peigné, l’actuel propriétaire du château des Prunier de Saint André à Saint André en Royans, nous a aidé dans l’établissement de la généalogie des Prunier et dans la prise de photographies dans ce château.
Enfin, M. Salamand, historien du Dauphiné, nous a aidé de son abondante documentation sur l’industrie du fer en Dauphiné et de ses conseils et nous l’en remercions tout particulièrement.
Bibliographie
SOURCES MANUSCRITES:
Anonyme Réformation des eaux et forêts. Douze états de visittes des bois de la province de Dauphiné faittes en l’année 1724 par M. Boissier (1724), ADI : II C 934
Anonyme Réformation des eaux et forêts. Procès-verbaux rédigés par les commissaires Boissier et Jobert à la suite de leur visite des fourneaux et martinets ainsi que des bois du Dauphiné (1724), p. 129, ADI : II C 971
Anonyme 1791 – An IX – Manufactures d’armes – Fonderie de canons de Saint-Gervais, ADI : L 463, n° 69-73, 81, 85, 87
Anonyme Intendance du Dauphiné. Affaires militaires. Fabrique de canon de Saint-Gervais, ADI : II C 729
Anonyme Intendance du Dauphiné. Affaires militaires. Fabrique de canon de Saint-Gervais, ADI : II C 730
Anonyme Familles du Dauphiné :
- Alloix d’Herculais ADI : 2E6, 2E988, 2E1261
- Theys d’Herculais ADI : 2E173
- Tournet d’Herculais ADI : 2E29-34
- Faure ADI : 2E404-405
- Fléhard ADI : 2E409-410
Gravures, photos, dessins « Saint-Gervais, fonderie de canons. »
Plan du terrain et des bâtiments de la fabrique, le 12/08/1731 et le 19/02/1732), ADI : 1 FI 1441/1 et 3
Plan du terrain du martinet (le 12/08/1730 et le 25/08/1732), ADI : 1 FI 1441/2 et 4
Plan du cours de la fontaine de Saint-Gervais de sa source à la fabrique, ADI : 1 FI 1441/5
Gravures, photos, dessins « Les Ecouges » plan cadastral ancien des Ecouges à Saint-Gervais (communes de La Rivière et Saint-Gervais), ADI : 1 FI 2185
Gravures, photos, dessins « Les Ecouges, gorges de la Drevenne, route de l’Echelle », ADI : 9 FI 3684
Guy ALLARD Nobiliaire universel Généalogie dauphinoise, BMG : 2 Mi 52/2
Capitaine THUEZ Mémoire sur la fonderie de Saint-Gervais au département de l’Isère, BMG : R7711
SOURCES IMPRIMÉES
LACROIX « Notes sur le Dauphiné. Extrait d’un mémoire du milieu du XVIIIe siècle », Bulletin de la Société départementale d’archéologie et de statistique de la Drôme, 10, (1876), p. 431-433
Jean François BELHOSTE Histoire des forges d’Allevard des origines à 1885, Thèse de 3° cycle,
Ecole des hautes Etudes en Sciences sociales, Grenoble (1982),
BERRIAT SAINT-PRIX Annuaire statistique ou Almanach général du département de l’Isère. 1806 Fonderie impériale de Saint-Gervais, p 127, Allier Imprimeur, Grenoble (1806)
BRUN-DURAND Le Dauphiné en 1698 suivant le mémoire de l’intendant BOUCHU sur la généralité de Grenoble avec notes, dissertations et commentaires Lib. Brun, Lyon (1874)
Camille BLANCHARD Notes brèves sur la famille dauphinoise « les Allois d’Herculais » originaires des « vallées cédées » par le traité d’Utrecht en 1713, Bull. de l’Acad. delphinale, 7° s, T1 et 2 (1956-1957), p. XLIV et 59
P.M.J. CONTURIE Histoire de la fonderie nationale de Ruelle (1750-1940) et les anciennes fonderies de canons de fer de la marine, Imprimerie Nationale, Paris (1951)
de la CHENAYE-DESBOIS et BARDIER Dictionnaire de la noblesse. 3° édition, Schlesinger Frères lib., Paris (1868) réédition Berger-Levrault, Paris (1980)
Pierre CHEVALLIER, M. J. COUAILHAC Les Dauphinois et leurs forêts aux XVII° et XVIII° siècles,
Centre de recherches d’histoire économique, sociale et institutionnelle (1991)
Vital CHOMEL, Yves SOULINGEAS Archives familiales du Dauphiné, Tome I, Fonds Prunier, Archives départementales de l’Isère, Grenoble (1999)
Georges DUBOIS « Mémoires généraux sur les productions et le commerce du Dauphiné », manuscrit de l’intendant dauphinois Fontanieu (1724-1740), cité dans le Bulletin de la Société Scientifique du Dauphiné, 53, (1933), p. 242-253
Edmond ESMONIN Les Intendants du Dauphiné, des origines à la révolution, Allier père et fils Imprimeurs, Grenoble (1923)
Adolphe JOANNE Itinéraire descriptif et historique du Dauphiné, Hachette, Paris (1862)
Philippe HANUS Je suis né charbonnier dans le Vercors, Collection du Parc naturel régional du Vercors France Impression, Fontaine (2000), p. 52-59, 62-71
Pierre LÉON La naissance de la grande industrie en Dauphiné, P.U.F., t.2, Paris, (1954), p.459
Michel MERLE D’AUBIGNÉ « La fonderie royale de canons de Saint-Gervais », Neptunia (Revue de l’AAMM) n°140 (1980)
Jean NOARO Découverte du Vercors Papex Ed., Voiron (1967)
Jean OHERNE « La fabrique de canons de Saint-Gervais. I. La fabrique sous l’Ancien Régime » Bulletin Mensuel de l’Académie Delphinale, 8° série, 12°année, n°8, (1973), p.233-247
Jean OHERNE « La fabrique de canons de Saint-Gervais. II. De la révolution à la fermeture définitive », Bulletin Mensuel de l’Académie Delphinale, 8° série, 13° année, n°4, (1974), p.109-126
Jean PAQUET Au temps des diligences Progrès et limites des transports traditionnels dans le département de l’Isère au XIXe siècle, CRDP, Grenoble (1970)
Jean PETER Les manufactures de la marine sous Louis XIV, la naissance d’une industrie de l’armement, Economica et Institut de stratégie composée. Paris (1997), p. 217-231
Jean PETER Maîtres de forges et maîtres fondeurs de la marine sous Louis XIV. Samuel Daliès de la Tour et les frères René et Pierre Landouillère de Logivière, Economica et Institut de stratégie composée. Paris (1996)
REY « Un intendant de province à la fin du XVIIe siècle : Bouchu« . Bull. Acad. Delphinale 4° série, t. 9 (1896), p. 351-472
de RIVOIRE de la BATIE Armorial du Dauphiné, Laffitte Reprints, Marseille (1996)
Georges SALAMAND Joseph de Barral, maître de forges et seigneur d’Allevard (1677-1749), L’histoire du fer au pays d’Allevard n°3. Ed. du Fond de France, Pinsot (38580), (1997)
Georges SALAMAND Les communautés d’Allevard et les seigneurs de Barral, Document inédit (1976)
Georges SALAMAND La gloire du haut-Bréda et les canons de Colbert. Histoire du sentier de découverte des mines de Pinsot près d’Allevard. Ed. du Fond-de-France, Pinsot (Isère), (1995)
Georges SALAMAND « Samuel Dallies crée la fonderie royale de canons ». Les Affiches de Grenoble et du Dauphiné. (8 décembre 2000) p. 30
Jean SAREIL Les Tencin. Librairie Droz, Genève (1969)
Thérèse SCLAFERT Le Haut Dauphiné au Moyen Age, Léon Tenin lib., Paris (1926)
Thérèse SCLAFERT L’industrie du fer dans la région d’Allevard Age, Thèse complémentaire pour le doctorat es lettres présentée à la Faculté des Lettres de l’Université de Paris, Allier père et fils Ed., Grenoble (1926)
Yves SOULINGEAS Archives familiales du Dauphiné, Tome II, Archives du château de Sassenage – Parchemin, Archives départementales de l’Isère, Grenoble (2001)
Maurice VIRIEUX Le Parlement de Grenoble au XVIIe siècle. Etude sociale. Thèse de Doctorat ès Lettres, Université de Paris IV (1985)
Michel WULLSCHLEGER « Procédures d’albergement des Ecouges au milieu du XVIIe siècle ». Les cahiers du Peuil n°4 Alp’Repro (2000), p.14.
NOTES
- Philippe HANUS Je suis né charbonnier dans le Vercors, Collection du Parc naturel régional du Vercors. France Impression, Fontaine (2000), p. 52-59, 62-71.
- Alain BLAISE « Mobilité et chemins en Vercors, autrefois » in Les cahiers du Peuil n°4 (2000) , p.190
- Jean OHERNE La fabrique de canons de Saint Gervais. I. La fabrique sous l’Ancien Régime Bulletin Mensuel de l’Académie Delphinale, 8° série, 12°année, n°8, (1973), p.233-247.
- Jean OHERNE La fabrique de canons de Saint Gervais. II. De la révolution à la fermeture définitive, Bulletin Mensuel de l’Académie Delphinale, 8° série, 13° année, n°4, (1974), p.109-126.
- Michel MERLE D’AUBIGNÉ « La fonderie royale de canons de Saint Gervais « , in Neptunia (Revue de l’AAMM) n°140 (1980).
- Jean PETER Les manufactures de la marine sous Louis XIV, la naissance d’une industrie de l’armement, Economica et Institut de stratégie composée. Paris (1997), p. 217-231.
- Georges SALAMAND Samuel Dallies crée la fonderie royale de canons. Les Affiches de Grenoble et du Dauphiné. (8 décembre 2000) p. 30.
- Jean PETER Maîtres de forges et maîtres fondeurs de la marine sous Louis XIV. Samuel Daliès de la Tour et les frères René et Pierre Landouillère de Logivière, Economica et Institut de stratégie composée. Paris (1996).
- Accastillage : il s’agit de toute la petite quincaillerie présente sur les bateaux.
- Georges SALAMAND La gloire du haut-Bréda et les canons de Colbert. Histoire du sentier de découverte des mines de Pinsot près d’Allevard. du Fond-de-France Pinsot (38580), (1995).
- Le terme « Ferrière » ou « Ferrières » rappelle toujours, au Moyen Âge, la présence de fer en ce lieu. Voir : Thérèse SCLAFERT Le Haut-Dauphiné au Moyen Age, Léon Tenin Lib., Paris (1926).
- Thérèse SCLAFERT L’industrie du fer dans la région d’Allevard au Moyen Âge, Thèse complémentaire pour le doctorat es lettres présentée à la Faculté des Lettres de l’Université de Paris, Allier père et fils Ed., Grenoble (1926), 10.
- Pierre CHEVALLIER, M. J. COUAILHAC Les Dauphinois et leurs forêts aux XVII° et XVIII° siècles, Centre de recherches d’histoire économique, sociale et institutionnelle (1991), pp. 56-67.
- Philippe HANUS op. cité en 1, p. 47-57.
- « Gueuse » : lingot de fonte de première fusion.
- ADI : II C 730 Intendance du Dauphiné. Affaires militaires. Fabrique de canon de Saint Gervais.
- ADI : II C 971 Réformation des eaux et forêts. Procès-verbaux rédigés par les commissaires Boissier et Jobert à la suite de leur visite des fourneaux et martinets ainsi que des bois du Dauphiné (1724), p. 228 et op; cité en 8.
- Jean OHERNE, op. cité en 3.
- Pierre LEON La naissance de la grande industrie en Dauphiné, U.F., t.2, Paris, (1954), pp.138-140 et p. 60.
- DUBOIS « Mémoires généraux sur les productions et le commerce du Dauphiné », manuscrit de l’intendant dauphinois Fontanieu (1724-1740), cité dans le Bulletin de la Société Scientifique du Dauphiné, 53, (1933), pp. 242-253.
- LACROIX « Notes sur le Dauphiné. Extrait d’un mémoire du milieu du XVIIIe siècle » Bulletin de la Société départementale d’archéologie et de statistique de la Drôme, t. 10, (1876), pp. 431-433.
- REY « Un intendant de province à la fin du XVIIe siècle : Bouchu« . Bull. Acad. Delphinale 4° série, t. 9 (1896), p. 351-472.
- Michel WULLSCHLEGER Procédures d’albergement des Ecouges au milieu du XVIIe siècle. Les cahiers du Peuil n°4 Alp’Repro (2000), p.14.
- Michel WULLSCHLEGER in Vercors, terre monastique et canoniale, Cahier de Léoncel n°11, Editions du parc naturel régional du Vercors, p.75-79.
- Voir les arbres généalogiques simplifiés de ces familles dans la partie « documents » de ce cahier.
- D.I. : 2E 404.
- Guy ALLARD Nobiliaire universel, Généalogie dauphinoise.
- Jean NOARO Découverte du Vercors Papex Ed., Voiron (1967), 166-174.
- D.I. : 2E 405.
- D.I. : 7J 192 et 194.
- Maurice VIRIEUX Le Parlement de Grenoble au XVIIe siècle. Etude sociale. Thèse de Doctorat ès Lettres, Université de Paris IV (1985)
- D.I. : 2 Mi 973.
- D.I. : 2 E 405.
- Vital CHOMEL, Yves SOULINGEAS Archives familiales du Dauphiné, Tome I, Fonds Prunier, Archives départementales de l’Isère, Grenoble (1999) et M. Peigné : communication personnelle.
- Jean François BELHOSTE Histoire des forges d’Allevard des origines à 1885, Thèse de 3° cycle, Ecole des hautes Etudes en Sciences sociales, Grenoble (1982), et D.I. : 94J 31.
- Georges SALAMAND « Joseph de Barral, maître de forges et seigneur d’Allevard (1677-1749) », L’histoire du fer au pays d’Allevard n°3. du Fond de France, Pinsot (38580), (1997).
- Jean SAREIL Les Tencin. Librairie Droz, Genève (1969), pp. 11-40.
- Pour la famille d’Herculais, cf. Camille BLANCHARD, Notes brèves sur la famille dauphinoise « les Allois d’Herculais » originaires des « vallées cédées » par le traité d’Utrecht en 1713, de l’Acad. delphinale, 7° série, T1 et2 (1956-1957), p. XLIV et 59 et A.D.I. 2E 6.
- Tables généalogiques de l’INRIA et Yves SOULINGEAS Archives familiales du Dauphiné, Tome II, Archives du château de Sassenage – Parchemin, Archives départementales de l’Isère, Grenoble (2001)
- de la CHENAYE-DUBOIS et BORDIER Dictionnaire de la noblesse. 3° édition, Schlesinger Frères lib., Paris (1868) réédition Berger-Levrault, Paris (1980).
- D.I. : II C 729 Intendance du Dauphiné. Affaires militaires. Fabrique de canon de Saint Gervais.
- Georges SALAMAND, op. cité en 10, p.39.
- Philippe HANUS, op. cité en 1, p.61.
- Philippe HANUS, op. cité en 1, pp. 68-70.
- M.J. CONTURIE Histoire de la fonderie nationale de Ruelle (1750-1940) et les anciennes fonderies de canons de fer de la marine, Imprimerie Nationale, Paris (1951), pp. 78-93 et 107-115.
- Georges SALAMAND, op. cité en 10.
- cité en 16, p.130. Une charge de charbon = 110 kg.
- Georges DUBOIS, op. cité en 19.
- CHEVALIER, M.J. COUAILHAC, op. cité en 12, p.26.
- Capitaine THUEZ Mémoire sur la fonderie de Saint Gervais au département de l’Isère, manuscrit, M.G : R7711
- Ancien règlement du canonnier :’le canonnier doit se garder d’offenser Dieu plus que nul autre homme de guerre car, lorsqu’il charge sa pièce, il a son plus mortel ennemi devant soi’.
- D.I. : II C 730, op. cité en 15.
- D.I. : II C 729 , op. cité en 41.
- pdm = poids de marc. Unité de masse comprise entre la moitié et les 2/3 de la livre-poids selon les régions.
- Jean PAQUET Au temps des diligences. Progrès et limites des transports traditionnels dans le département de l’Isère au XIXe siècle. CRDP Grenoble (1970).
- Thérèse SCLAFERT cité en 12, pp. 84-89.
- D.I. : II C 730, op. cité en 15.
- « jetter » = fabriquer.
- M.J. CONTURIE, op. cité en 45, p. 452.
- SALAMAND, op. cité en 10.
- D.I. : L 463 1791. An IV : Manufacture d’armes. Fonderie de canons de Saint Gervais.
- OHERNE, op. cité en 4.
- Capitaine THUEZ, op. cité en 51.
- M.J. CONTURIE, op. cité en 45,p. 461.
- Michel MERLE D’AUBIGNÉ, op. cité en 5.
- SALAMAND, op. cité en 10, p. 22.
- OHERNE, op. cité en 4.
- M.J. CONTURIE, op. cité en 45, p. 502.
- La fonderie de Ruelle est située à 7 km au NE d’Angoulême, elle a été fondée en 1750.
- Merle d’Aubigné, op. cité en 5 et communication personnelle.