Pour les lecteurs que cela intéresse, je voudrais signaler la mise en ligne sur le site du Chasse-Marée <old.chasse-maree.com>, dans la rubrique « Actualités », d’un texte retraçant l’histoire d’une fabrique de canons pour la Marine, créée sous Louis XIV. Elle était située à Saint-Gervais sur la rive gauche de l’Isère, en bordure septentrionale du Vercors, entre Grenoble et Lyon.
En cette fin du xviie siècle, il en existait encore peu en France et celle de Saint-Gervais fut la seule à approvisionner la flotte française du Levant pendant près de deux siècles. Pourquoi avait-on choisi d’édifier cette usine à 400 km de la mer, dans une province aussi reculée ? Ce choix tient essentiellement à Samuel Dallies de La Tour. Ce receveur et trésorier général du Dauphiné avait fait un beau mariage qui lui avait ouvert les portes de la haute noblesse et déjà créé un certain nombre de fabriques d’ouvrages de fer avant de s’intéresser à l’armement. Il connaissait aussi la politique industrielle de Colbert visant à améliorer la balance commerciale française en réduisant les importations et à renforcer le pouvoir du roi dans les domaines stratégiques.
Dans la Marine, tout est à faire à cette époque : la construction d’une flotte de guerre, celle d’arsenaux ainsi que le développement d’une industrie de l’armement. Jusqu’en 1664, les fournitures militaires dépendaient pour une bonne part d’un approvisionnement à l’étranger : le fer venait de Suède ou d’Espagne et les canons de Suède encore ou de Hollande. À partir de cette date une flotte va être rapidement construite et, en 1690, elle sera la première d’Europe.
Pour la flotte du Levant, les vaisseaux sont réalisés à Toulon (ci-dessus, une Vue de Toulon par Vernet). Le problème se situe au niveau de l’accastillage et des canons. Leur fabrication exige un certain nombre de conditions : il faut non seulement disposer du minerai et du combustible pour le fondre mais aussi posséder un savoir-faire en métallurgie et usinage et, enfin, assurer le transport. Celui-ci pose problème car le poids d’un canon de marine varie de 1 200 à 3 200 kg. Les routes de l’époque étant mauvaises, le transport doit se faire par voies navigables. Ces conditions, Dallies parviendra à les réunir à Saint-Gervais. La mine de fer est située à Allevard, au Nord-Est de Grenoble. Le charbon de bois est produit en abondance dans les forêts septentrionales du Vercors, proches de Saint-Gervais et les sieurs Beaudet de Beauregard y construisent un haut fourneau en 1664. Pour l’usinage, on utilise la force hydraulique d’un torrent, la Drevenne qui draine les vallons issus du Vercors. Le transport, enfin, se fait sur l’Isère, qui passe à Saint-Gervais. Il existe déjà tout un trafic de radeliers sur cette rivière puis sur le Rhône…
La fabrique royale de canons est créée, par arrêt du conseil du roy, le 23 juillet 1679. Au XVIIe siècle, l’État gère ses affaires comme il le fait souvent aujourd’hui : par sous-traitance. Le roi garde l’initiative des commandes et le contrôle de leur exécution. Dallies constitue pour sa part des alliances entre familles nobles impliquées dans l’approvisionnement en matières premières, le transport ou la vente des produits finis. C’est cette histoire très mouvementée que je me suis attaché raconter. La fabrique s’arrêtera, le 30 décembre 1865 suite à une lettre du ministre de la Marine : elle n’était pas capable de produire les nouvelles bouches à feu rayées de la Marine. Alain Blaise
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