Témoin précieux du nautisme lémanique, une chaloupe est reconstruite à Rolle, au chantier de Jean-Philippe Mayerat, retrouvant une machine à vapeur et une chaudière à bois.
Son histoire est méconnue, mais son intérêt majeur… On sait en effet peu de choses de ce bateau du Léman, long de 8,50 mètres pour 1,70 mètre de large, qui aurait appartenu à un certain Regamey, ramoneur à Morges (Suisse), avant d’arriver en 1947 au port des Pierrettes sous le nom de Don Juan. Devenu Tarzan avec M. Zurbrug, sa cabine est rallongée. Puis, en 1949, il est rebaptisé Corsaire par son nouveau propriétaire, Marc Zurbuchen… Soixante-cinq ans plus tard, en juin 2014, ce dernier se rapproche de Jean-Philippe Mayerat pour quelques travaux. Mais le constat du charpentier de Rolle est sans appel : c’est une véritable reconstruction qu’il faudrait offrir au Corsaire…
Pour autant, point question pour « Mayu » – c’est le surnom de notre homme de l’art – de mettre au rebut cette coque dont les formes laissent supposer un grand intérêt… Et le voilà se lançant dans des recherches. « Ce type de chaloupe est apparu sur le Léman à la fin du XIXe siècle, nous raconte-t-il. Leurs carènes aux façons très pincées étaient adaptées aux machines à faible régime d’alors. Vers 1900, elles seront condamnées avec l’apparition de moteurs à haut régime qui favorisent les coques planantes. » Cette chaloupe serait ainsi l’un des derniers représentants d’une famille de yachts construits à plusieurs exemplaires par quelques chantiers genevois. Dans les annuaires de la Société nautique de Genève, Mayu en compte trente-neuf dont le Triton, construit par Trüb en 1889, avec des dimensions qui sont exactement celles du Corsaire…
Outre ces recherches, Mayu documente aussi cette coque, qu’il s’applique bien entendu à relever. Beaucoup d’éléments ne sont pas d’origine, mais une grande partie du bordé en pitchpin de 16 millimètres d’épaisseur date en revanche du neuvage. Plus intéressant, le dessus de la quille, refaite à l’identique, selon le fils de l’armateur, présente des entailles descendant jusqu’au galbord, dans lesquelles sont encastrés les couples sciés et ployés. « Aucun des confrères que j’ai interrogés n’a jamais rencontré cette manière de faire… pourtant très bien décrite par Jules de Catus dans son traité de Construction pratique des bateaux de plaisance et yachts, paru en 1890 ! » Enfin, si la chaloupe est arrivée jusqu’à nos jours dotée d’un Diesel, ses formes très renflées dans le tiers avant attestent bien l’installation d’une chaudière et d’une machine à vapeur à la construction…
De là à décider de lui redonner vie, d’autant qu’aucun bateau de ce type n’a été conservé sur le lac, il n’y avait qu’un pas ! Pour ce faire, l’association Chaloupe à vapeur a été créée en mars dernier. La construction de la coque a débuté en septembre au chantier Mayerat, tandis que quelques adhérents, sous la supervision d’un spécialiste de la vapeur, s’occupent de la mécanique, une machine compound de 7 chevaux alimentée par une chaudière à tubes d’eau chauffée au bois. Si les premières navigations sont prévues fin 2021, l’association doit en revanche réunir encore la moitié du budget nécessaire au projet… Et elle compte sur vous !
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Le 30 septembre 2022 a lieu la première chauffe et aux premiers tours de l’ensemble vapeur qui sera mis sur le canot :