C’est une star oubliée qui est venue se refaire une beauté à Cannes cet hiver, O’Remington, une goélette franche de 23,20 m de long conçue il y a soixante-dix ans comme bateau de charge avant de devenir un yacht de stars… Construite en 1946 au chantier Di Donna à Castellammare di Stabia, à Naples, la goélette sert au transport du vin quand, en 1958, un héritier de la famille Remington – le célèbre fabricant d’armes et de machines à écrire américain – tombe sous son charme dès qu’il la découvre sur les rives de la Riviera italienne. Remington, qui est en provenance directe d’Angleterre où il s’est mis en quête de ses racines, récupérant au passage le titre de Lord, achète le caboteur qu’il fait transformer en yacht de luxe avec cinq cabines, toutes dotées d’un cabinet de toilette. Federico Fellini, avec lequel il vient de se lier d’amitié, se charge de dessiner les motifs des panneaux d’emménagements en bois ainsi que les vitraux de la cabine propriétaire. Dès lors, O’Remington embarquera nombre de stars parmi lesquelles Visconti, Deneuve, La Callas, Delon… Durant les années 1960, au départ de Rome, le navire part en mer Égée. Mais Lord Remington décède bientôt, non sans avoir fait reproduire sur chaque tiroir du bord des palmes d’or…
La goélette, dont on perd la trace durant une vingtaine d’années réapparaît dans les années 1990 quand elle est rachetée par la styliste Alberta Ferretti qui fait refaire son pont en teck. Revendue à une société de charter, elle navigue en mer Rouge avant d’être récupérée par une banque et d’échouer au port de Gênes… C’est là qu’Erick Leclerc l’a achetée il y a un an. Pour financer les travaux nécessaires afin que le bateau navigue à nouveau, son nouveau propriétaire s’est associé à Didier Cloarec.
Arrivée en octobre sur l’aire de carénage du port de Cannes, O’Remington a été confiée aux mains de France charpentier ébéniste marine, un chantier d’Antibes qui a refait une centaine de mètres de bordages en sipo et en chêne, réparé certaines membrures, construit un nouveau beaupré en pin d’Oregon et son support en chêne… La contre-bauquière a été changée et la figure de proue a été restaurée. Les Norvégiens d’Aaneslands Jabrikker ont refait les espars en spruce. Gabier’N Rigs d’Antibes s’est chargé du gréement et UK Sailmakers de Mandelieu a fourni la garde-robe. La belle O’Remington a été remise à l’eau le 5 février dernier. Basée à Cannes, on la retrouvera dès la belle saison sur le circuit classique et les grands festivals de Méditerranée, où elle sera affrétée en charter. Emmanuelle Pouquet