En ce lundi matin de printemps, la grande halle du chantier du Guip est d’un calme inhabituel… Point de scie circulaire stridente ou de coups de masse : les travaux du jour semblent paisibles. Quand on arrive depuis les bureaux, on reconnaît à droite la puissante silhouette du plan Linton Hope de 1903 Grisette, dont la restauration se poursuit « au fil de l’eau » – sans réelles contraintes de temps, les charpentiers œuvrant désormais à son pontage, avec des lattes savamment distribuées qui courent dans l’axe, au milieu, et évoluent jusqu’aux côtés, où elles sont parallèles au livet…
Sur la gauche, Merry Dancer montre ses lignes tendues. Cet hiver, les charpentiers du Guip ont remplacé les varangues et les bordages de fond de ce plan Fife de 1938. Plus loin, Juana, lancé par German Frers en 1952, se dissimule sous un film de polyane que le patron nous a autorisé à soulever… La grande coque en acajou révèle son bordé jointif, si parfaitement réalisé que les coutures sont invisibles. Un travail bluffant, comme la jonction à la voûte des virures bâbord et tribord en une délicate arête d’une incroyable finesse, courant sur près de deux mètres de l’étambot jusqu’au tableau…
Au sol, deux hommes débutent le tracé de la pm2, dominés par la masse de cette vedette bien connue des Toulonnais. Elle sert au préfet maritime de la Méditerranée, mais c’est pourtant de l’autre côté de la frontière qu’elle est née, comme nous l’a appris un article de Neptunia. Construite en 1942 pour le croiseur léger Attilio Regolo, elle deviendra française le 10 février 1947, à la signature du traité qui stipule le transfert de la plupart des unités de la Marine italienne aux puissances alliées. Le 23 août 1948, l’Attilio Regolo devenait ainsi le Châteaurenault, lequel se défera de sa vedette trois ans plus tard, au moment d’une refonte. Dès lors, la pm2 vivra sa vie propre, jusqu’à son affectation actuelle. Les travaux menés par le chantier du Guip viseront à refaire entièrement la coque de 11,50 mètres de long sur 2,80 mètres de large en double bordé riveté, tout en conservant le pont. Une première pour Yann Mauffret, malgré ses quarante ans de carrière ! La livraison est prévue à Noël prochain.
Si la grande halle nous semblait si paisible, c’est aussi parce qu’une grande majorité des charpentiers a rejoint la nef Sud où trône le Mutin, un habitué des lieux. Cette année, la Marine a inscrit au programme le remplacement des serres, du barrotage et du pont. Une fois gravi l’escalier qui mène à l’ouvrage, c’est une véritable ruche qu’on découvre sur le pont, aussi fascinante par son enthousiasme à la tâche que la nouvelle et puissante structure toute de chêne, ébahissante… Le chantier brestois demeure un émerveillement.