Au cours des dernières décennies, la population de Californie a cru trois fois plus vite que le nombre d’habitations, plongeant l’État dans une grave crise du logement. En 2019, Rebecca Kaplan, qui était alors présidente du conseil municipal d’Oakland, avait proposé d’utiliser un navire de croisière pour abriter 10 pour cent des quatre mille personnes sans logement de la ville. Une idée alors rejetée par les autorités portuaires. En France, ce printemps, l’État a loué le ferry La Méditerranée à l’entreprise Corsica Linea, immobilisé à Marseille, pour accueillir sept cents réfugiés ukrainiens qui forment, dans les cabines, les salons et les terrasses du navire, une petite communauté. En juin, cependant, Le Méditerranée reprendra la mer pour la saison.
Ces différents projets, aboutis ou non, tentent de trouver une réponse aux problématiques de l’accès au logement et du devenir de ces navires mis hors service faute de clients ou par l’arrêt forcé des activités. Des experts se sont d’ailleurs penchés sur la question, à l’instar du cabinet d’architecture Callisonrtkl, basé à Washington dc, qui a enquêté en 2021 auprès de 362 Floridiens, issus de milieux socio-économiques divers, 88 pour cent ayant été séduits.
L’architecte californien Chris Craiker, choqué par les problèmes de logement dans son État, a exposé dans un article ce qui devrait être mis en œuvre pour reconvertir les paquebots en maisons, depuis la transformation des cabines exigües jusqu’à la fourniture en électricité – Craiker suggère d’installer des panneaux solaires –, l’accès à l’eau potable et l’évacuation des eaux usées.
Il est encore difficile d’estimer les coûts de tels travaux, mais on sait que la refonte des quatre milles cabines du paquebot Navigator of the Seas de la Royal Caribbean menée en 2019 s’est élevée à 115 millions de dollars (102 millions d’euros environ). À titre de comparaison, le prix de construction d’une tour de 240 logements en Alberta atteint un peu plus de 40 millions de dollars (35 millions d’euros). Selon l’architecte, restaurer un navire pourrait in fine revenir moins cher que construire un nouveau complexe d’appartements, mais il existe de nombreux facteurs encore peu étudiés.
Christian Kopp, membre de l’Union pour la conservation de la nature et de la biodiversité, une ONGE allemande qui travaille, entre autres, sur l’industrie de la croisière, y voit lui une bonne façon de recycler ces navires, dont l’existence même pose question au vu de l’urgence climatique. Les garder à quai pourrait au moins limiter les impacts et la pollution des unités déjà construites.
La question de savoir si les villes portuaires vont s’engager sur cette voie reste en suspens. Doug Johnson
Cet article, traduit de l’anglais, a été originalement publié sur le site de Hakai Magazine (<hakaimagazine.com>), média d’informations en anglais sur les thématiques des sciences et des sociétés littorales et maritimes.