Nous avions titré son portrait « Le marin zen » (CM 247). Guy Bernardin n’avait pas froid aux yeux, mais le destin lui aura réservé le même sort qu’à son modèle, Joshua Slocum. Tous deux se sont perdus en mer du côté des Bermudes. Guy Bernardin était allé en Caroline du Nord acheter le Crazy Horse, un German Frers 45 qu’il avait rebaptisé Spirit of St-Briac. Il avait quitté South Port le 8 août dernier à destination de La Turballe, prévoyant une traversée sans escale de trois à quatre semaines. Ce délai étant largement dépassé, les proches du navigateur ont alerté le cross Gris-Nez et, le 18 septembre, ce dernier émettait un « avis d’inquiétude », précisant que la dernière position connue du Spirit of St-Briac émise par sa balise Spot remontait au 15 août. Ce jour-là le bateau avait été localisé à 36°26’15’’ Nord et 67°20’85’’ Ouest, soit à quelque 500 milles de la côte Est américaine, au Nord-Nord-Ouest des Bermudes.
Le 2 octobre, les Coastguard ont retrouvé le sloup de 13,60 m, vide, à 720 milles de Cape Cod. Le canot de survie était à bord. À soixante-treize ans, après avoir mené autour du globe le Spray of St-Briac, réplique fidèle du voilier de Joshua Slocum, Guy Bernardin avait acquis ce plan Frers pour effectuer un tour monde en solitaire et sans escale afin de commémorer le jubilé du Golden Globe Challenge dans l’esprit de la « longue route » parcourue à cette occasion par Bernard Moitessier. Ce dernier rêve, le grand marin de Saint-Briac n’aura pas pu le réaliser.