Mis sur cale en 2015, le cinq-mâts barque Golden Horizon (ex-Flying Clipper) n’a été mis à l’eau que cette année… après quelques conflits judiciaires entre le chantier et le commanditaire.
« Ce navire a été extrêmement compliqué à construire. » Il est rare qu’un chantier naval reconnaisse ses difficultés mais Brodosplit (basé à Split, dans le Sud de la Croatie) ne pouvait pas faire autrement. La découpe de la première tôle du Flying Clipper (aujourd’hui Golden Horizon) a eu lieu en 2015 et il n’a entamé sa carrière commerciale que le 20 juillet dernier.
Commandé par Star Clippers Ltd, déjà armateur de trois grands voiliers de croisière (Royal Clipper, Star Flyer et Star Clipper), ce cinq-mâts barque conçu par le Polonais Zygmunt Choren (CM 285) est largement inspiré de France II (1913). Avec ses 162 mètres, il est plus long que l’original de 20 mètres mais son gréement et sa surface de voile (6 347 mètres carrés) sont très proches. Sa passerelle haute, située très en avant du pont principal, est un gage de sécurité qu’affectionnent les sociétés de classification. Les grands-mâts atteignent 63 mètres de hauteur. La plus longue vergue fait, elle, 31 mètres. Le règlage des voiles étant automatisé, point d’enfléchures nécessaires. Le voilier pourra embarquer 272 passagers pour 159 marins travaillant sous pavillon croate. Le clinquant des emménagements, lui, s’apparente aux paquebots contemporains. Dans un message adressé à Zygmunt Choren, le commandant Mariusz Szalek assure que « le voilier tient très bien le cap, même à vitesse réduite. J’ai déjà atteint 14 nœuds avec la moitié des voiles. J’espère atteindre 18 nœuds sans problème. C’est le meilleur voilier que j’aie jamais commandé. » Au pire, deux moteurs diesels-électriques indépendants assureront 400 heures d’autonomie.
Avant d’être lancé, le navire aura passé cinq ans à Split, une bagarre féroce se déroulant depuis 2019 devant un tribunal arbitral discret aux Pays-Bas. Elle se poursuivait encore cet été par voie de communiqués de presse, plus ou moins agressifs, chacune des parties assurant de façon intéressante que les experts avaient tranché en leur faveur et qu’il n’y aurait à l’avenir aucune possibilité d’appel… La raison de ce conflit ? Erik Krafft, fils de l’armateur, accuse le chantier de retard à la livraison, prévue initialement en septembre 2017. Josip Juriši`c, porte-parole de Brodosplit, argue que Star Clippers a tardé à livrer mâts, gréement, voiles et plans comme il s’y était engagé. Ce que conteste Star Clippers. La compagnie monégasque ayant déclaré, dès mars 2019, qu’elle ne prendrait pas livraison du navire, elle réclame qu’accomptes et indemnités diverses lui soient remboursés avec intérêts. D’autant plus qu’elle voit arriver un concurrent sur ce segment étroit du marché de la croisière.
En guise de neuvage, le voilier a navigué cet été au Sud de l’Angleterre avant de retourner à Split fin août. Son tout premier appareillage commercial, prévu le 19 juillet à Douvres, a été retardé de 24 heures par la justice britannique à la demande de Star Clippers. Le 20, les autorités levaient l’interdiction « suite à un premier paiement de Brodosplit sur sa dette remarquable », s’empressait d’annoncer Star Clippers. « Une tentative de discrédit sur l’image commerciale du Golden Horizon », répondait immédiatement Brodosplit. À la question de savoir s’il est à vendre, Brodosplit ne répond pas. On peut imaginer que oui, un chantier n’ayant pas vocation à devenir armateur. Si ses faux sabords sont identiques à ceux de France II, les dangers que le voilier rencontrera seront semble-t-il plutôt d’ordre juridique ! Louis Baumard