Un titre, des dates intrigantes : « 1913-1942. Paquebots, une esthétique transatlantique ». Une exposition au musée d’Arts de Nantes… Des paquebots aux Beaux-arts ? Ce qui semble d’emblée étrange se transforme en magnifique surprise. L’attaque est conventionnelle, ou le semble. Des affiches, visuels géniaux mais connus, comme les publicités pour Normandie ou L’Atlantique par Cassandre. Le sens de l’exposition s’impose vite, avec des photomontages – Normandie (toujours) en pleine Cinquième avenue par Byron Company –, des toiles, des objets et du mobilier, dont le fauteuil « Transat » et le meuble à tiroirs pivotants conçus par Eileen Gray dans les années 1920 pour sa Villa E-1027. Plus loin, c’est Le Corbusier que l’on cite : « La maison des terriens est l’expression d’un monde périmé à petites dimensions. Le paquebot est la première étape dans la réalisation d’un monde organisé selon l’esprit nouveau. » À l’époque, architectes et décorateurs sont souvent fascinés par ces objets tout de puissance et d’aérodynamique. Le Corbusier ira jusqu’à proposer ses services pour les aménagements du Pasteur, tentant même de se faire confier par la Compagnie générale transatlantique la conception d’un paquebot…
L’exposition fait dialoguer navires et créateurs, naval et arts se confrontant, se regardant, s’enrichissant. Le visiteur pénètre dans une vaste salle ornée des études de décors de Gaston Priou, Jean-Théodore Dupas ou Jean Dunand pour L’Atlantique et Normandie. Puis l’accent est mis sur la mode et la vie à bord quand Chanel ou Lanvin s’invitaient aux dîners. On embarque le temps d’une traversée. Manhattan perce à l’horizon. Fin du voyage… parfois tragique. En 1942, Normandie est détruit à New York. Certaines transats auront aussi le goût amer de l’exil comme après l’arrivée de Staline au pouvoir en 1927. En 1939, 937 passagers, principalement des Juifs allemands, partis de Hambourg le 13 mai à bord du Saint-Louis pour fuir les persécutions, sont renvoyés à leur funeste destin quand Cuba et les États-Unis refusent leur demande d’asile. Gwendal Jaffry
À voir jusqu’au 23 février au musée d’Arts de Nantes puis, du 5 avril au 21 septembre 2025, au MuMa au Havre.