
En 2008, à l’occasion d’une prospection dans le lit de la Charente entre Saintes et Fontcouverte (Charente-Maritime) pour un projet de canaux secondaires, deux plongeurs de l’Association de recherche et d’étude du patrimoine maritime et fluvial découvrent deux épaves gallo-romaines, espacées de 100 mètres, coulées quille en l’air. Sept ans plus tard, l’archéologue Jonathan Letuppe, alors employé par le bureau d’études archéologiques Eveha, lance des campagnes annuelles de fouilles sur les épaves, numérotées 1 et 2, reposant par 7,50 mètres de fond.
Si la première, construite entre 230 et 390, est trop dégradée pour être étudiée, l’épave 2, datée de 250 à 400 et en bon état de conservation, révèle une unité de 19 mètres de long sur 3,50 mètres de large, avec un fond plat. La méthode d’assemblage, avec des clous de fer de 30 centimètres de long, à pointe rabattue deux fois, est inédite dans la Charente. Écartant la piste du navire de charge, les chercheurs hésitent entre une embarcation civile et militaire, peut-être destinée à surveiller le fleuve, à l’instar de la seule unité comparable retrouvée à Mayence (Allemagne), où elle assurait la sécurité sur le Rhin.
Réuni en décembre dernier, le comité scientifique a décicé de sortir de l’eau l’épave 2, qui dispose du statut de « mobilier archéologique exceptionnel ». Son intégrité serait en effet menacée, à la fois par l’érosion de la couche de sédiments qui l’a conservée pendant plus d’un millier d’années, et par les racines de végétaux s’immiscant dans les bois.
L’opération de sauvetage, estimée à 7 millions d’euros, permettrait surtout de répondre aux questions encore en suspens sur le mode de propulsion, l’usage et les raisons du naufrage de ces bateaux. À terme, l’épave 2 devrait être exposée dans le musée archéologique de la ville de Saintes, ancienne capitale de la province romaine d’Aquitaine. M. L.-C.
Publié dans Le Chasse-Marée 343, février-mars 2025.